L’Arlésienne EXHORDER. Pas une année qui passe sans qu’invariablement, au gré des news qui s’égrènent, on ne nous agite la rumeur d’un retour du groupe culte de la Nouvelle-Orléans. 20 ans que ça dure, au bas mot, pour une formation dont le dernier méfait remonte à Mathusalem.
« The Law », 1992, ça vous parle ? Perso ça me parle bien, je devais avoir 16 piges quand je l’ai chopé à la médiathèque du coin et copié sur cassette, tape-trading style. C’était au siècle dernier et à l’époque (attendez, papy sort sa bouillotte et son sonotone), le groove thrash des Américains faisait le lien entre le groove de PANTERA et le thrash volcanique d’un EXODUS. Soit la fusion de deux patrons de la scène metal, en moins bien, comme Keyser l’a clairement souligné dans sa chronique de leur 2nd full length.
Pourquoi c’est culte alors EXHORDER ? 1er élément de réponse, l’année de leur formation, 1985, qui les rattache à la 2ème vague de formations thrash ayant déferlé sur le monde dans les années 80. On ne va pas tous les citer mais des musiciens de cette génération, on retrouve ici les membres fondateurs Vinnie Labella (guitare), Kyle Thomas (chant) et même un Jason Viebrooks (HEATHEN) qu’on avait oublié depuis sa participation au « Power Of Inner Strength » de GRIP INC. Complété par un jeunot ayant fait ses armes chez FORBIDDEN (Sasha Horn, batterie) et un comparse de Phil Anselmo (Marzi Montazeri, guitare) histoire d’entretenir le lien avec PANTERA, le line-up a plutôt de la gueule. Mais la grande force du groupe tenait surtout dans ses prestations sur scènes. Ils l’ont suffisamment répété à longueur d’interview, jamais Scott Burns (producteur sur « Slaugther In The Vatican » et
« The Law ») n’est parvenu à transposer leur puissance scénique sur disque. Ce qui nous amène précisément au premier grief concernant l’inespéré « Mourn The Southern Skies », le choix de production.
Précisons d’emblée que je n’ai rien contre le gros son caractéristique des sorties Nuclear Blast. Comme j’ai toujours été client des blockbusters de Jerry Bruckheimer au cinoche, pas de raison que je n’apprécie pas la cure de testostérone habituelle à laquelle sont soumis les groupes de leur catalogue. Mais là franchement, c’est too much ! Déjà, les guitares sont tellement saturées qu’on a le sentiment qu’ils sont au moins 6 à ferrailler en studio mais le pire, c’est qu’ils en viennent à saboter la prestation d’une des rares satisfaction de l’album ; le pauvre Kyle Thomas a beau se démener pour élever le niveau, on en rajoute une couche en effets dispensables, particulièrement sur les refrains. Résultat des courses, une bouillie sonore tirant vers le bas des compos déjà à la limite du rase-mottes. Toujours à la frontière entre deux genres, EXHORDER avait pourtant une belle carte à jouer. PANTERA disparu à jamais, MACHINE HEAD au fond du trou, le trône power/groove thrash était vacant. Avec leur expérience et la légitimité tirée de leur parcours, il suffisait d’assurer. Mais ils l’avaient également reconnu en interview, si EXHORDER n’a jamais connu la gloire d’un PANTERA, Vinnie Labella et consorts ne pouvaient s’en prendre qu’à eux même ; pas assez bosseurs, minés par des conflits internes et probablement surestimés, ils sont restés à leur juste place, ce que confirme malheureusement ce décevant « Mourn The Southern Skies ».
Les morceaux rapides sont tous issus du même moule. Puisant sans vergogne dans le catalogue de riffs du père Gary Holt sur les « Exhibit A et B » (« Hallowed Sound », « My Time », « All She Wrote »), Vinnie Labella achève de banaliser cette nouvelle proposition thrash. Envolé le côté sombre et hargneux des bombes de naguère, ne subsistent ici que des morceaux génériques au possible. Qu’ils la joue moderne (« My Time ») ou old school (« Beware The Wolf »), rien ne dépasse le stade du fonctionnel. On passera sous silence la version javellisée de la vieillerie « Ripping Flesh », on ne peut plus dispensable, pour ne retenir que la nerveuse « Rumination », qui se relève presque d’un piètre break power metal à mi-parcours. Même les solis, jadis un des points forts du groupe, sont à l’avenant ; ça joue vite, certes, mais pour ce qui est du feeling, mieux vaut faire la bascule sur le versant southern de la chose.
Malgré un côté poseur à la SPIRITUAL BEGGARS, c’est encore l’aspect groove thrash qui sauve « Mourn The Southern Skies » de la plus complète panade. Rendons justice à « Yesterday’s Bone » et son final épique rappelant au bon souvenir de « Floods » de qui vous savez. Bien sûr, le duo Labella/Montazeri n’arrive pas à la cheville de Dimebag mais à ce stade, on s’en contentera largement. Moins réussi mais dans la même veine, le titre éponyme conclue également l’affaire sur une note positive. Tirant profit de son expérience au sein d’ALABAMA THUNDERPUSSY, Kyle Thomas nous se montre alors sous son meilleur jour heavy, se contentant de donner le change, et plutôt bien,
sur les passages en cadence.
27 ans après un
« The Law » particulier et palanquée de retours avortés, EXHORDER a donc bien du mal, plombé par une production catastrophique et trop souvent pris au piège du vite enregistré/mal branlé. Entre tentations rétrogrades et accents sudistes plus marqués, le grand écart s’avère compliqué, à l’instar d’un tracklisting multipliant les va et vient hasardeux entre les deux pôles. Réécoutons plutôt « The Great Southern Trendkill » … Et si l’on veut croire aux miracles, on se raccrochera aux rares éclaircies mentionnées dans le paragraphe précédent. Pour ceux, plus rationnels, qui n’attendaient plus rien depuis le milieu des années 90, EXHORDER vient de perdre son statut de bon second couteau pour celui, nettement moins enviable, de groupe de troisième zone.
1 COMMENTAIRE(S)
27/09/2019 14:58
Quelques trucs qui me soulent un peu : certains effets sur la voix de Kyle Thomas qui a l'air de suffisamment assurer pour s'en passer.
La prod, bien que puissante, manque de personnalité (putain que j'aimerai retrouver ce son si écrasant de "The Law"...) et bien que j'adore les Exodus période Dukes, nous renvoi directement à Exhibit A.
Pour le reste, moi qui suis régulièrement en manque de truc à la Pantera, au point d'écouter le deuxième Cyclone Temple (certifié Pantera Eco+) je prends mon pieds sur ces riffs et rythmiques de porc qu'offrent des titres comme "Hallowed Sound", "Yesterday's Bone" ou 'All she Wrote"