Le fait d’être sérieusement à la bourre sur cette chronique me permet aujourd’hui de vous rappeler qu’All Out War célébrera cette année ses trente ans de carrière. Une longévité qui évidemment force le respect, notamment dans une scène Hardcore où les groupes de cette époque encore en activité se comptent désormais sur les doigts d’une seule main (bon, j’exagère sûrement un peu mais on n’est probablement pas très loin de la réalité). Si le groupe de Newburgh avait fait un retour remarqué en 2015 avec la sortie de
Dying Gods, un EP sur lequel on retrouvait une bonne partie du line-up de la grande époque (celui de
For Those Who Were Crucified), on attendait tout de même de voir si All Out War serait capable de maintenir le niveau le temps d’un nouvel album. C’est ce que le groupe a fait quasiment deux ans plus tard avec la sortie du très bon
Give Us Extinction. Fort de cet intérêt retrouvé auprès d’un public de connaisseurs remonté à bloc, All Out War s’en est retourné besogner histoire de lui donner une suite le plus rapidement possible. C’est ainsi qu’en juillet dernier (il y a déjà bientôt un an), le groupe sortait
Crawl Among The Filth.
Si le line-up n’a pas changé d’un iota, on remarque cependant que les Américains ont quitté les rangs du label Organized Crime pour aller rejoindre ceux d’Unbeaten Records (Stigmata, Lowered A.D., Left Behind). Idem, si le mastering et l’artwork ont une fois de plus été confiés à Alan Douches et Alexandre Goulet, la production est désormais signée John Naclerio, un producteur relativement peu connu et plutôt habitué à travailler avec des groupes de Rock que des groupes de Hardcore. Quelques changements finalement sans grande incidence sur le résultat final puisque de toute façon All Out War s’est toujours appliqué à reconduire avec plus ou moins de succès cette formule qui a fait sa renommée.
Album particulièrement court (entre dix et quinze minutes sous la barre des standards imposés par All Out War depuis
Truth In The Age Of Lies),
Crawl Among The Filth est aussi le plus direct de la discographie des Américains (cette entame sur les chapeaux de roues est d’ailleurs là pour en attester). Dix titres, vingt-neuf minutes et une formule réglée comme du papier à musique pour un album dont l’originalité est - heureusement - proportionnellement inverse à son degré d’efficacité.
Calqué sur ses prédécesseurs (bien qu’il soit mené ici avec un certain esprit de concision), on va retrouver sur ce septième album tous les éléments clefs qui composent la musique d’All Out War depuis le début des années 90. L’un des plus évidents est certainement ce riffing thrashisant qui trente ans plus tard doit encore énormément à un groupe comme Slayer. Que ce soit sur les nombreux passages rapides ou lors de ces amorces de breaks taillés pour retourner votre salon, difficile de ne pas sentir l’influence de Jeff Hanneman et Kerry King sur le jeu de Taras Apuzzo et Andrew Pietroluongo ("Contempt Be Thy Faith" et ses faux airs de "South Of Heaven"). Malgré le poids de cet héritage, on entend tout de même pointer ici ou là quelques riffs typiques de la scène Hardcore de la fin des années 80, notamment lorsque le tempo s’envole à l’image de titres tels que "Suffocate And Subjugate" ou "Gehenna Lights Eternal". Ce qui fait également le sel d’All Out War ce sont ces breaks assassins et autres ralentissements que le groupe va dégainer de manière quasi-systématique sur chaque morceau. S’ils apportent évidemment un peu de relief aux compositions, permettant de rompre avec ces attaques frontales que le groupe va mener le plus clair du temps, c’est surtout l’occasion pour tous les tough guys et autres danseurs étoiles du pit d’y aller de leurs meilleurs "move". Et si vous ne vous sentez pas la fibre pour aller mosher dans votre salon ou dans votre chambre, vous conviendrez néanmoins qu’il est compliqué de rester impassible face aux breaks de "Judas Always Crawls" à 0:58 et 1:39, "What Was Becomes Undo" à 1:46, "Suffocate And Subjugate" à 1:25 et 2:22, "Gehenna Lights Eternal" à 1:35 ou "Despised Regime" à 1:19 ou 1:58. Un groove typiquement new-yorkais, à l'esprit urbain et racailleux pour un Metal/Hardcore qui pue définitivement la rue et les trottoirs. Derrière ces deux incontournables de l’identité d’All Out War, on retrouve également le chant hargneux et vindicatif d’un Mike Score (épaulé ici par la voix plus grasse du batteur Jesse Sutherland) qui malgré les années qui passent n’a rien perdu de son timbre, de son énergie et de sa rage ainsi que la basse particulièrement bien mise en avant par cette production impeccable d’un Eric Carillo toujours en très grande forme.
Fidèle à ses origines et à son identité, All Out War nous sert ici ce qu’il sait faire de mieux. Pas de piège, pas de surprise, pas de prise de risque mais pas de déception non plus puisque
Crawl Among The Filth s’avère à l’issu de ces vingt-neuf minutes un album terriblement efficace. On retiendra néanmoins, en dépit de quelques titres orientés mid-tempo (je pense notamment à "Contempt Be Thy Faith" ou "Hanging On The Wire"), que les Américains ont quelque peu allégé leur propos, continuant de viser l’essentiel mais cette fois-ci à coups de compositions exécutées sous la barre des trois minutes et trente secondes. Une certaine urgence qui ne change pas la donne mais qui ne devrait pas non plus laisser l’amateur de New-York Hardcore insensible.
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