Vous la sentiez venir la déception pas vrai ? Allez, ne faites pas genre s’il vous plaît… Car même sans regarder la note à votre droite, il ne faut pas être particulièrement intelligent ni perspicace pour comprendre qu’une chronique aussi tardive d’un album pourtant aussi attendu (voir inespéré dans la mesure ou celui-ci était annoncé puis repoussé puis annoncé depuis déjà plusieurs années) par tout un tas d’amateurs de Brutal Death (technique) ne pouvait signifier que deux choses, frustration et déception.
Auteur d’un incroyable
Cryptic Implosion sorti en 2007 sur Willowtip Records, Odious Mortem avait fini par disparaître du paysage avant de revenir faire parler de lui à coup de déclarations aussi brèves qu’inespérées, nourrissant ainsi à petites doses les espoirs pourtant bien minces de ces quelques irréductibles fans de la première heure... Fin 2019, les choses ont cependant fini par se concrétiser avec l’annonce officielle du retour des Américains, treize ans après leur dernier album, toujours sur Willowtip Records et avec un line-up resté inchangé. De quoi susciter pas mal d’excitation mais également beaucoup d’attente parmi ceux qui en 2007 ramassaient leurs dents à la petite cuillère après les trente-cinq minutes particulièrement musclées de cet excellent deuxième album...
Malheureusement il n’aura pas fallu longtemps pour déchanter... Passé la surprise de cet artwork qui semble tout de même un petit peu à côté de la plaque et que j’aurai d’ailleurs plutôt vu sur un album de Between The Buried And Me, Genghis Tron ou n’importe quel groupe de Djent, il y a eu ce premier extrait pour le moins déconcertant et cela à bien des niveaux. Un titre qui va alors laisser planer de grosses interrogations sur le retour des Américains et leur capacité à égaler ce fameux
Cryptic Implosion...
Des interrogations tout à fait légitimes et finalement avérées puisqu’effectivement les premières écoutes feront office de véritable douche froide, me poussant ainsi à remiser l’album de longs mois avant d’y revenir il y a quelques semaines histoire d’alimenter le bilan de fin d’année. Ce qui surprend et déçoit en premier lieu une fois la lecture de
Synesthesia lancée, c’est surement cette production maigrelette qui ne rend pas vraiment justice à ces nouveaux morceaux et à l’héritage d’Odious Mortem. Se fendre d’une telle production en 2020 quand on pratique un Brutal Death technique censé être agressif, puissant et véloce c’est un peu comme se tirer une balle dans le pied, espérer courir le marathon de Paris dans la foulée et terminer en tête... Un sabordage incompréhensible pour un groupe de cette trempe surtout à la lumière d’un tel pédigrée. Enregistré aux Electric Orange Studios par Jeff Green et mixé et masterisé par Richard Houghten, ce troisième album semble être tombé entre les mains de personnes non pas incompétentes (le son s’avère plutôt bien équilibré, dégageant pour le coup une authenticité aujourd’hui si rare dans le Brutal Death avec notamment des guitares hyper abrasives et cette batterie plutôt naturelle) mais a priori relativement inexpérimentées en matière de musiques dites extrêmes. Aussi impeccable soit-elle d’un point de vue purement technique (hormis cette batterie peu dynamique coincée derrière le chant et les guitares ou cette basse aux abonnées absents), celle-ci manque cruellement d’impact et de puissance. Un constat chargé mais néanmoins tempéré par plusieurs écoutes successives au casque qui semble effectivement être le meilleur moyen d’apprécier ce nouvel album qui pue les années 90.
Mais il n’y a pas que cette production qui pose problème tout au long de ce
Synesthesia. Car malgré le niveau technique toujours aussi impressionnant de ces quatre musiciens, il faut bien se rendre à l’évidence que l’intensité et la flamboyance dont fait preuve ici Odious Mortem ne sont pas tout à fait au niveau de ce que proposait le groupe il y a treize ans. Évidemment, on reste sur des compositions technico-brutales marquées par une dextérité que peu de musiciens peuvent espérer un jour toucher du doigt. Et il est fort probable que si cela concernait un premier album pondu par un groupe jusque-là inconnu au bataillon, peu de gens auraient crié au scandale, faisant ainsi passer ces quelques défauts pour un manque d’expérience évident. Sauf qu’encore une fois, il s’agit d’Odious Mortem et que dans ce contexte on espérait une musique au moins aussi explosive et frénétique. Celle-ci ne l’est pas et c’est bien dommage... Car sans qualifier ce nouvel album de "mid tempo", il est pourtant très clair que les Californiens ont largement calmé le jeu au profit de séquences de tricotages toujours aussi impressionnantes et délectables mais bien moins radicales et mémorables que par le passé. Bien entendu, Odious Mortem est encore capable de punir l’auditeur à coups de franches accélérations mais il faut bien se rendre à l’évidence, celles-ci sont désormais en sous-régime et cela même si
Synesthesia ne donne pas le sentiment d’être un album qui se traîne... Pire, beaucoup de ces moments ne marquent pas l'esprit immédiatement et nécessitent pas mal d'écoutes et la capacité à se débarrasser de ses attentes pour être alors appréciés. Un point qui à notre époque du "tout, tout de suite" n'est bien évidemment pas sans poser un sérieux problème.
Malgré ces griefs qui me poussent inéluctablement à coller ce genre de note à un album pourtant solide, il y a du bon dans
Synesthesia. Aussi le niveau technique est, comme on l’a vu un peu plus haut, toujours aussi impressionnant. Les riffs et autres patterns s’enchainent à des vitesses toujours très élevées (oui, malgré la baisse de régime !) conférant ainsi cette espèce de caractère insaisissable puisque tout semble toujours en perpétuel mouvement, prêt à changer à la moindre occasion. De la même manière, le travail mélodique est ici particulièrement plaisant avec notamment d’excellents solos ponctuant chaque composition ou presque. Ce faisant, Odious Mortem apporte de la nuance à ses morceaux ainsi qu’une dimension supplémentaire proche dans l’esprit de ce que l’on pouvait trouver chez Spawn Of Possession. Outre ce « Synchronicity » quasi-instrumental avec ses allures baroques assez surprenantes, des passages comme ceux que l’on peut trouver sur "Condemnation Foretold" à 2:42, la conclusion de "Ruins Of The Timeworn", "Replenish The Earth" à 1:17 et 2:28, "In Abominable Form" à 1:30 et 1:59, "Eagle's Tower" à 1:53 et 3:27 ou "Spirit Hole" à 1:11 et 2:14 vont conférer à l’album une atmosphère très typée science-fiction que je trouve toujours aussi chouette et immersive.
Solide de bout en bout et extrêmement bien composé, ce
Synesthesia est un album qui malgré toutes ses qualités souffre malheureusement pour lui de la comparaison inévitable avec ses aînés et notamment ce fameux
Cryptic Implosion qui a fait date dans l’histoire du Brutal Death technique... Difficile de passer après un album de cette trempe, surtout en ayant fait patienter treize ans tout ce petit monde. Pourtant et cela en dépit de ses principaux défauts (cette production rétro et cette baisse de régime et d’intensité), il jouit bel et bien de qualités qui, au regard de la production actuelle, en font un disque à placer presque dans le haut du panier. Un paradoxe difficilement explicable mais qui m’empêche aujourd’hui de placer
Synesthesia parmi les bonnes surprises ou les retours gagnants de l’année... Et ça c’est bien dommage.
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