Rotting Christ - Thy Mighty Contract
Chronique
Rotting Christ Thy Mighty Contract
Mine de rien, il n’y a pas qu’en Norvège que l’année mille neuf cent quatre vingt treize fut prolifique en terme de disques essentiels en terme de black metal, et, une fois n’est pas coutume, il va falloir tourner son regard vers la Grèce qui vit trois de ses groupes fondateurs sortir leurs premiers albums, Varathron en août avec His Majesty at the Swamp, Necromantia avec Crossing the Fiery Path en décembre, et, en novembre de cette année, ce fameux Thy Mighty Contract. Si chacune des formations avaient déjà sorti une première réalisation, avec un EP pour le groupe des frères Tolis et un split commun pour les deux autres formations, l’on ne peut nier cette sorte d’émulation entre ces trois groupes. D’ailleurs à y regarder de plus près, l’on constatera que le bassiste Jim Mutilator a participé au premier album de Varathron, tandis que Magus Wampyr Daoloth, qui intervient ici aux claviers, avait pour projet principal Necromantia. Si l’on pourrait parler d’une certaine consanguinité entre ces trois projets, chacun avait tout de même sa propre patte, et, il ne faut pas oublier que si les paroles sont écrites par Jim Mutilator, la musique reste écrite par Sakis Tolis, alias Necromayhem sur cet album, et qu’il était déjà le leader incontesté du groupe. Dans tous les cas, l’on est bien évidemment dans ce black metal grec d’appellation d’origine contrôlée avec l’un de ses plus fameux étendards et qui reste encore aujourd’hui une belle référence, il suffit de voir le nombre de formations qui se réclame de cet album.
Les premiers singles précédant la sortie de ce premier album nous donnaient des signes avant coureur de l’évolution de Rotting Christ depuis Passage to Arcturo, paru en mille neuf cent quatre vingt onze, et notamment le EP Apokathelosis sorti quelques mois auparavant, mais Thy Mighty Contract pose bien les bases du style des Hellènes pour leurs deux premiers albums. L’on a toujours ce black metal qui n’a rien de comparable avec son homologue scandinave, le quatuor ayant des influences métalliques plutôt classiques, en passant par le heavy metal et le thrash metal, avec parfois une pointe de death metal, encore que ceci est moins prégnant que sur Passage to Arcturo. Oui, c’est bien cela qui fait l’originalité de Rotting Christ par rapport à tant d’autres formations, c’est ce côté volontiers plus metal dans la manière de jouer et d’appréhender les choses. Aussi, si quelques titres jouent la carte du up-tempo, comme sur The Sign of Evil Existence, l’on est plus sur du mid-tempo, avec de temps en temps quelques soubresauts rythmiques. Évidemment, Sakis Tolis fera bien plus élaboré par la suite, mais l’on constate toutefois une manière de faire qui lui est déjà bien propre, avec notamment ce riffing acéré, le plus souvent en palm-muting, ce qui dénote d’une grosse influence venant du thrash metal, sans toutefois que cela ne reste basé sur la prime efficacité. Non, l’on constate en fait qu’il y a déjà une belle assise mélodique derrière tout cela, et, si c’est assez timide par instant, l’on sent tout de même de beau progrès et surtout de belles intentions.
Ces intentions on les retrouve notamment dans ces passages instrumentaux où le guitariste s’épanche assez aisément dans des leads et quelques soli, et c’est vraiment cela qui fait la différence chez Rotting Christ: cette faculté à demeurer assez rentre-dedans tout en étant assez mélodique. Ils sont d’ailleurs assez nombreux les passages instrumentaux, où, même si les structures et les riffs sont simples et très fréquemment répétés à l’envie, l’on peut y apprécier ce travail du guitariste. Et c’est là qu’il faut aussi saluer les excellentes intervention aux claviers de Magus Wampyr Daoloth, qui, s’ils ne prennent pas les devants, sont là pour instaurer une ambiance vraiment occulte et donnent tout son charme à cet album. L’on est plus dans une utilisation dans une veine atmosphérique, où les claviers viennent appuyer tantôt un riff, tantôt quelques mélodies, ou un passage un peu plus marquant, que dans une veine symphonique. Et quand on y regarde bien pour l’époque, car cet album fut enregistré fin mille neuf cent quatre vingt douze, il n’y avait pas pléthore de formations qui utilisaient les claviers, et surtout de cette manière. C’est tout ceci qu’il faut retenir de ce première album, même s’il y a un côté hirsute derrière tout cela, un peu à l’image du chant de Sakis Tholis assez primaire mais moins guttural que par le passé, et qui est renforcé par la production assez rustre et le son un peu synthétique de la batterie électronique utilisée pour enregistrer cet album, il y a néanmoins une belle part de magie derrière cet enregistrement. Mais les Grecs pouvaient-ils faire autrement à une époque où ils n’avaient sans doute pas les drachmes pour avoir un meilleur studio et encore moins des producteurs à même d’enregistrer ce type de musique.
Pour autant, ce cachet vieillot et ces quelques maladresses, comme ce fade-out et fade-in mal contrôlé sur His Sleeping Majesty, donnent toutefois un charme non désuet à cet album. Et surtout, ce que l’on va retenir de Thy Mighty Contract ce sont ces solides compositions et surtout, le gros plus à mon avis, cette atmosphère occulte et chaude. C’est bien là un trait de caractère qui sied à Rotting Christ mais également à bon nombre de ses compatriotes, c’est que l’ambiance que dégagent ces huit compositions ne ressemblent à nulle autre. L’on n’est pas dans la dépression, la misanthropie ou la haine du monde, non, ici l’on fait référence aux forces occultes, aux démons, aux cavaliers de l’Apocalypse - pour le coup, c’est limite une obligation pour un pays dont un de ses plus fameux groupes de progressif avait consacré un album à ceci -, à toute cet imaginaire qui découle de l’occultisme et des Arts Noirs et dont le black metal demeure l’un des meilleurs médias pour l’exprimer. Et c’est bien là toute la magie de cet album fait de bric et de broc si je puis dire, c’est qu’il tient la dragée haute à beaucoup d’albums du même genre non seulement en terme de compositions et, mais avant toute chose, en terme d’ambiance. Oui, c’est chaud comme on peut l’imaginer que sont les enfers de la mythologie grecque, que lorsque l’on fait références à certaines divinités, c’est fait avec assez de finesse. Un peu à l’image de ce break aux sons clairs et avec cette déclamation sur Exiled Archangels, qui laisse d’ailleurs entrevoir la future évolution des Hellènes.
C’est un peu tous ces éléments combinés qui font le charme de Thy Mighty Contract, qui, s’il recèle d’excellent moments, a également ses petites scories. Mais rien de bien méchant, car ces huit compositions sont tout autant des appels à des voyages vers d’autres contrées et d’autres dimensions, avec cette ambiance assez chaude et pour le moins maléfique. Il n’y a certes rien de bien original dans tout ceci, si ce n’est huit compositions bien ficelées, faites et enregistrées avec les moyens du bord, mais qui gardent autant leur pertinence encore aujourd’hui. Et puis, ce ne sont pas les Cult of Eibon, Ithaqua, Caedes Cruenta et autres Celestial Rite et Synteleia qui viendront me rétorquer ceci, pour ne citer que quelques jeunes pousses qui ont décidé de rendre hommage à cette période. En fait, le seul défaut que je puis trouver à Thy Mighty Contract c’est qu’il est le prédécesseur de Non Serviam, où la formule sera encore plus élaborée qu’ici. Évidemment qu’il s’agit là d’un album charnière pour toute une scène, un classique du genre, aussi bien si on le replace dans le contexte, que si l’on se réfère à l’empreinte qu’il a laissé sur bon nombre de musiciens, mais je pense qu’il faut surtout retenir de Thy Mighty Contract qu’il est un excellent album d’un groupe qui allait en produire beaucoup d’autres et que ses qualités n’ont de cesse de se révéler au fil des écoutes et au fil des ans.
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