Contrairement à son prédécesseur, c'est sous le signe de la sobriété que ce huitième album des suédois voit le jour. Pas d'EP à acheter un mois avant, pas d'annonce tonitruante de la part du label, il semblerait que le groupe ne souhaite pas réitérer l'exploit marketing de
"The Great Cold Distance" qui aura compté 3 singles, un live et un mix 5.1, sans parler des différentes versions proposées (digipack, collector...). Peut-être était-ce un peu trop pour un groupe qui a toujours évolué selon ses envies, sans jamais céder aux lois du marché. Une nouvelle fois illustré par Travis Smith, ce nouvel album nous replonge dans l'univers noir et torturé des suédois, inspiré par leurs propres existences et par le déclin de notre civilisation. Tout un programme.
Bien qu'il se détâche du précédent album sur de nombreux points (j'y reviendrai), "Night Is The New Day" reste du pur Katatonia : si vous avez aimé le précédent album, vous ne devriez pas être trop dépaysé. Le groupe nous sert une nouvelle fois un rock teinté d'éléments metal, passant la majorité de son temps à expulser les démons les plus sombres de leurs géniteurs. Ce nouvel album confirme la transition opérée avec
"The Great Cold Distance", délaissant l'hétérogénéité d'un
"Viva Emptiness" pour une structure plus monolithique où chaque morceau s'inscrit comme le prolongement du précédent. De même, le côté dissonant sur lequel s'appuyaient les suédois depuis de nombreuses années a laissé place à des mélodies plus évidentes, moins dérangeantes ; Katatonia joue désormais sur les contrastes entre les couplets souvent calmes et les refrains plus violents aux rythmiques lourdes et syncopées, ainsi que sur les breaks qui représentent les seuls éléments de surprise au sein de leur musique. Evidemment, la beauté de cet album repose avant tout sur les guitares et la fragile voix toujours aussi sublime de Jonas, décidément un des chanteurs les plus intéressants que je connaisse. Et contrairement aux idées reçues (Nyström par ci, Nyström par là), c'est Jonas qui a composé les 90% de "Night Is The New Day", musiques et paroles.
Katatonia n'a jamais fait deux fois le même album et cette cuvée 2009 ne sera pas l'entorse à cette règle. S'il se place dans la continuité de
"The Great Cold Distance", ce nouvel album apporte de nombreux éléments nouveaux à la musique des suédois. Le premier et le plus flagrant pour moi se trouve au niveau de la violence : alors que depuis
"Last Fair Deal Gone Down", tout portait à croire que le groupe entamait une escalade de la violence, leur style retombe aussi sec dans un metal/rock plutôt atmosphérique au final : les guitares acérées se font rares et laissent place à une instrumentation moins brute, plus docile, plus riche. Côté arrangement, "Night Is The New Day" est sans doute leur album le plus travaillé à l'heure actuelle, le groupe multipliant les effets, nappes de claviers et autres subtilités instrumentales pour accroitre la force de l'ambiance de ces 48 minutes. L'intégration subtile d'éléments électroniques est d'ailleurs assez bien vue, renforçant le côté froid et aseptisé de leur musique. "Night Is The New Day" amorce également une nouvelle direction musicale tournée vers le progressif. A ce propos, je ne sais pas si Jonas et Anders ont échangé des recettes de cuisine avec leur pote Mikael durant l'enregistrement du dernier Bloodbath mais je n'avais jamais entendu de telles similitudes entre Katatonia et Opeth. Le break du titre "Forsaker" avait déjà attiré mon attention avant de découvrir l'album, ça en deviendrait presque suspect lorsque l'on écoute la ballade "Idle Blood" ou lors du break aux claviers (bien court) de "Onward Into Battle" par exemple. Quoiqu'il en soit, le groupe a parfaitement su intégrer cette dimension à sa musique et je ne serais pas étonné qu'elle se renforce à l'avenir.
"Night Is The New Day" est un bon album, voir un très bon album et il n'y a qu'à parcourir le web pour s'en convaincre tellement l'accueil qui lui est réservé est excellent (je ne parle pas de l'annonce de Mikael qui n'est pas très objective). Comme d'habitude, chaque titre est un "tube" en devenir, des puissants "Forsaker", "The Longest Year" et "Day & Then The Shade" en passant par les atmosphériques "Idle Blood", "Inheritance" et "Departer", chacun apportant son lot d'émotions aussi sombres soit-elles. Bien qu'il ne soit pas aussi facile d'accès qu'il en a l'air de part sa richesse, la simplicité des structures, l'évidence des refrains et l'homogénéité de l'atmosphère limitent l'effort d'implication, comme c'était le cas pour
"The Great Cold Distance". On aurait pu espérer un peu plus d'audace au niveau de l'écriture qui reproduit un même schéma quasi à l'identique pour chacun de ces 11 titres : couplets calmes, refrains plus incisifs, break légèrement surprenant et durée oscillant entre 4 min. et 4 min. 30.
Au final, même si son côté "formaté" et uniforme m'a un peu déçu, "Night Is The New Day" n'écartera pas Katatonia de mes groupes favoris. Sombre, beau, touchant, ce nouvel album compte assez de perles ("Forsaker", "Day & Then The Shade", "Inheritance", "New Night", ...) pour en faire un incontournable de la fin d'année et montre une fois de plus, que cette formation est en constante évolution. Toutefois, en ce qui me concerne,
"Viva Emptiness" n'a toujours pas été détrôné.
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