Armored Saint - La Raza
Chronique
Armored Saint La Raza
Mon premier contact avec ARMORED SAINT remonte à 1992. Alors grand amateur de séries Z qui tachent et de films d'horreur de troisième zone, je me souviens avoir trouvé fort sympathiques les membres de ce groupe américain que le réalisateur Anthony Hickox, grand amateur de heavy metal devant l'éternel, avait pris un malin plaisir à jeter en pâture aux cénobites de Hellraiser III : Hell On Earth, peut être le meilleur épisode de la série après l'intouchable premier épisode de Clive Barker. Deux ans plus tard, alors que je remettais le couvert une seconde fois, je finissais par identifier John Bush (que j'avais découvert sur le « Sound Of White Noise » d'ANTHRAX) en me jurant de donner sa chance à ARMORED SAINT dont le « Hanging Judge » était décidément bien efficace. Nous voilà donc en 2010 (jamais trop tard !) et les vétérans de Metalblade nous reviennent, toujours sur le même label, alors que la bande à Scott Ian s'est mis dans une merde noire à force de changer de line-up comme de chemise. Et si John Bush a finalement accepté de revenir leur prêter main forte, pas question pour autant de saccager la sortie de « La Raza », 6ème full length – seulement serait-on tenté de dire, pour un groupe formé en 1982 ! – après un quasi break de neuf années où ARMORED SAINT (dont le nom est tiré du film Excalibur de John Boorman) s'est fait plutôt discret.
Ç'en est fini de la bio, passage obligé pour une première chronique du groupe dans ces pages ? On va pouvoir s'intéresser à ce « La Raza » qui émarge au rang des très bonnes surprises de ce premier semestre 2010 peut être ? Que nenni, l'histoire d'ARMORED SAINT, intimement liée aux géants du thrash METALLICA et ANTHRAX étant riche en anecdotes croustillantes, comme ce fight de la première heure entre Phil Sandoval et Lars Ulrich lors d'une soirée en 1982, avant que Dave Mustaine n'intervienne avec son sens de la diplomatie habituel en brisant net la cheville du guitariste. Plus répandue, l'info concernant l'audition de John Bush pour les Four Horsemen quand James Hetfield souhaitait délaisser le micro pour se concentrer sur ses riffs, le bassiste Joey Vera – qui dépannera ANTHRAX lors du court passage de Frank Bello au sein de HELMET – ayant également postulé au remplacement du regretté Cliff Burton à pareille époque. Ceci étant posé (ouf, on va pouvoir parler musique !), ARMORED SAINT ne donne aucunement dans le thrash 80's mais plutôt dans un bon gros heavy metal à consonance rock, dans une forme traditionnelle très éloignée des dérives castra réapparues avec EDGUY et consorts à la fin des années 90. Le tempo est donc souvent modéré et quand le groupe accélère un peu la cadence sur l'opening track « Loose Cannon » (rien à voir bien sûr avec le morceau de KILLING JOKE du même nom) ou « Left Hook From Right Field », ARMORED SAINT ne se départit jamais d'un sens du groove et de la mélodie qui fait mouche sur tout l'album, « La Raza » étant sûrement ce que j'ai écouté de plus convainquant dans ce domaine depuis « Accident Of Birth » de BRUCE DICKINSON. Composé sans pression et avec l'évidente volonté de se faire plaisir, « La Raza » appartient à cette race de skeuds qui ne payent pas de mine au premier contact auditif –la rançon du manque de flambe et d'esbrouffe au profit de morceaux en apparence simplistes et peu originaux - mais qui s'avèrent excellent sur la longueur, les américains n'étant tout de même pas tombés de la dernière pluie et sachant y faire lorsqu'il s'agit de sortir le riff qu'il faut au bon moment. A ce titre, le travail des guitaristes est remarquable (non je n'oublie pas Joey Vera dont les lignes de basse sont également à l'honneur) que ce soit au niveau des riffs donc , tous bien accrocheurs, ou des lignes lead cajoleuses qui participent grandement du charme de l'album, les solis de très bonne facture évitant l'écueuil de la démonstration gratuite pour aller droit à l'essentiel. Tour à tour chaleureusement rock (« Get Off The Fence »), gentiment speedé (« Little Monkey »), aux portes du stoner ("Black Feet" démarre comme du CLUTCH pur jus) ou délicieusement mélancolique (la superbe « Chilled »), la musique d'ARMORED SAINT se savoure comme une bonne vieille recette traditionnelle préparée par les mains expertes de vieux de la vieille qui ont visiblement gardé quelques denrées rares pour la bonne bouche, « La Raza » ne souffrant aucune fève ou titres faibles sur les dix extraits qui composent la galette.
Mais aussi solide qu'il soit sur le plan musical, pas de grand album sans un grand chanteur, surtout pour le genre qui nous occupe. Bien sûr, John Bush n'est pas le dernier venu et si ses prestations avec ANTHRAX ne coïncident pas exactement avec l'âge d'or du groupe, il ne se trouve pas grand monde pour lui mettre sur le dos la progressive disgrâce des thrashers new-yorkais. Et quand John n'a pas Charlie Benante sur le dos pour lui expliquer comment poser sa voix, ça donne du grand Bush sur un « La Raza » qui bénéficie à plein de refrains on ne peut plus inspirés, qui font mesurer à quel point Bush nous avait manqué depuis son éviction injuste de la maison ANTHRAX. Toute la palette de son jeu y passe, des fulgurantes doubles voix de la géniale « Loose Cannon » (définitivement la meilleure de toute avec son déluge de backing vocals enchanteresses) au refrain killer de « Head On », en passant par les cris rageurs du title track ou le feeling old school de « Chilled ». Un sans faute donc pour un groupe dont je vais m'empresser de découvrir les précédentes productions, « La Raza » étant bien parti pour squatter mes platines entre deux brutasseries death, thrash ou grind (mais pas black, non ! Plutôt me pendre avec ma veste à patches).
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