Porcupine Tree - In Absentia
Chronique
Porcupine Tree In Absentia
In Absentia, ou l'album qui a introduit Porcupine Tree dans la sphère métallique. Si à l'époque de sa sortie cet album a pris le contre-pied des fans de la première heure, c'est qu'à la base Steven Wilson et ses compères évoluaient plutôt du côté d'un rock progressif dans les grandes règles de l'art (comprendre Pink Floyd). Cependant, Lightbulb Sun (l'album précédent) appelle déjà autour de cette influence majeure des éléments pop et rock indy qui permettent à la fois au groupe de s'émanciper et de toucher un public plus large. Ce n'est d'ailleurs pas sa signature chez Lava/Atlantic Records qui va me contredire, mais de là à débarquer soudainement dans les rayons Hard/Metal de la Fnac, avouez qu'il y a de quoi surprendre les braves rockeurs progressistes.
Rassurez-vous, ce n'est pas mon cas de figure car j'ai découvert Porcupine Tree avec cet album. C'est donc par son penchant musclé que je débute cette chronique pour satisfaire d'entrée de jeu le public des casse-cous. À ce titre, le morceau d'ouverture (« Blackest Eyes ») résume d'une manière condensée les onze suivants: après quelques arpèges d'introduction déboule une bonne vieille gratte résolument metal pour la texture et sous perfusion rock pour le feeling. Les incursions de ce type reviennent régulièrement au cours des 68 minutes que dure In Absentia et se veulent à chaque fois un peut moins évidentes qu'il n'y paraît. Et pour cause, ces riffs sont généralement assez déconstruits et pas tellement ‘n'roll que ça, ce qui permet au passage de rapprocher le style du groupe dans ce domaine de celui de leur collègue Tool. La deuxième facette de ce « Blackest Eyes » (et donc du reste de l'album pour faire court, ceux qui ne suivent pas) c'est un rock prog d'une douceur et d'une fragilité extrêmement touchantes. Cet aspect repose pour une partie sur le chant de Steven Wilson, dont l'incroyable délicatesse insuffle une grande subtilité aux compositions. Étrange alchimie entre luminosité, douce nostalgie, engagement et mélancolie éthérée, la voix du frontman favorise parfois l'un de ces penchants sans jamais délaisser les autres, ce qui confère à l'album un cachet « émotion » humble, juste et léger, mais ô combien déterminant.
Cela ne fait pas pour autant de ce In Absentia un album facile d'accès, bien au contraire. Il s'agit avant tout d'une musique progressive qui se découvre en tâtonnant puisque, même lorsque les structures se font un peu plus conventionnelles, elles cachent un nombre d'arrangements, de leads ou passages atypiques qui échelonnent le plaisir d'écoute sur la durée. Il peut d'ailleurs sembler déconcertant pour un album tant imprégné de pop/rock d'avoir paradoxalement une aussi belle longévité. C'est vraisemblablement que le groupe maîtrise à la perfection la balance entre métal, rock et musique atmosphérique. Le dosage entre ces éléments s'efface au profit du tout, tant dans la tracklist qu'au sein même des morceaux. Aux très aériennes « Lips Of Ashes » et « .3 » (quasi instrumentale) s'opposent les plus énervées « Wedding Nails » et « The Creator Has A Mastertape ». À la décontractée « Strip The Soul » répondent les plus intimes « The Sound Of Muzak » et « Prodigal ». Mais ce schéma reste extrêmement réducteur car tous ces titres bénéficient de leur changement d'humeur, leur passage qui vient relever la sauce ou au contraire lui donner plus de profondeur. On dira merci à cette basse qui caresse, merci à ce clavier toujours pertinent, jamais narcissique ni inopportun. Merci aussi à ces guitares qui poliment, savent quand l'acoustique pure doit céder sa place à la saturation, et le bon riff au lead prog le mieux senti. Enfin merci à cette batterie constamment là où il faut, à fleur de peau à un moment et amoureusement imperceptible l'instant d'après.
J'ai gardé pour la fin les instants de gloire, les morceaux où Porcupine Tree est en état de grâce. D'abord « Heartattack In A Layby » et « Collapse The Light Into Earth » qui sont à la fois les plus simples (en apparence) et les plus touchants. La combinaison piano/guitare accoustique/voix a rarement véhiculé une si douce mélancolie (n'ayons pas peur des mots), sans aucune surenchère et avec, toujours en arrière plan, cette luminosité qui accompagne le groupe tout au long de l'album. Enfin si je dois achever cette chronique, ce sera sans remords sur le titre « Trains ». Est-il possible de résister à cette nostalgie si noble et semblant néanmoins être la notre ? Comment choisir entre la tristesse et la joie qu'elle inspire ? Entre les regrets et la lumière qu'ils dégagent ? Au cas où vous n'étiez toujours pas convaincus par mes risibles efforts, sachez que ce morceau vaut définitivement à lui seul l'achat de cet objet.
Et puisqu'il faut conclure, concluons :
In Absentia est l'album qu'il vous faut pour les dimanche matins cotonneux où, une tasse de café à la main, votre regard se perd au-delà de la fenêtre et votre esprit vagabonde sans qu'il n'en reste à la fin qu'une impression vague de douceur, le parfum suranné de choses simples et oubliées. Des images, trop d'images me direz-vous? Peut-être est-ce un des rares cas où plus que de décrire, il s'agit de transcrire… ? Bon allez ça suffit maintenant !
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