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Porcupine Tree - Closure / Continuation

Chronique

Porcupine Tree Closure / Continuation
« And what is left without you ? ... »

Novembre 2021. Un tsunami ravage les sphères progressives et va même propulser ses vagues jusqu'aux plages du « mainstream » que le combo anglais n'a pas manqué de fouler depuis ses débuts en 1987 sous la houlette du Steven Wilson (guitare, voix), rejoint dès 1993 par l'emblématique claviériste Richard Barbieri et le bassiste Colin Edwin. Aidé par ses grands succès amplement reconnus par la critique, ce quatuor trouve une dizaine d'années plus tard en Gavin Harrison un batteur à même de porter une nouvelle orientation qui fit gicler son écume sur les terres du metal. À tel point qu'In Absentia (2002), Deadwing (2004), Fear Of A Blank Planet (2007) ou encore The Incident (2009), décevant chant du cygne de 2009 qui n'en était pas un, finirent tous chroniqués sur votre webzine préféré. Vous comprendrez donc que je ne pouvais décemment pas passer à côté de cette sortie apocalyptique qu'annonçait cette phrase presque aussi irréelle dans ma tête que le recrutement de Lionel Messi au Paris Saint-Germain à l'été 2021 (le 10 août) : Porcupine Tree est de retour. En tout cas, ce serpent de mer camouflé à moult reprises par le frontman depuis le hiatus de 2012 est enfin sorti des flots, opportunément accompagné d'une communication aussi calculée qu'efficace. Rare, la formation n'a pas ménagé ses efforts pour faire gentiment mais sûrement monter l'excitation pour ce onzième projet au nom évocateur : Closure / Continuation. Est-ce enfin le chant du cygne que ce mythique groupe – devenu un trio resserré autour de Steven Wilson, retrouvant en secret ses comparses Richard Barbieri et Gavin Harrison pour déterrer de nouvelles gemmes – mérite ? Son fidèle public noyé sous les sorties, les années écoulées et les nouveaux modes de consommation de la musique aura-t-il la patience d'en apprécier toute la saveur ?

De la patience, il en faudra assurément, tant la précision reptilienne de la production et des nouvelles compositions fignolées par cette bande de perfectionnistes maladifs saute constamment au visage et ne fait que révéler, au fur et à mesure des nombreuses écoutes nécessaires à son apprivoisement, la qualité intrinsèque de ce retour réussi. Cette petite dizaine de morceaux extrêmement ambitieux (dont trois bonus à la qualité suffisamment impressionnante pour qu'ils ne soient pas considérés comme tels) a le mérite de retracer sans se contenter de les singer les meilleurs moments de la carrière des Britanniques. Rien que l'ouverture dévoilée dès novembre 2021, « Harridan », qui envoie in media res sa ligne de basse dantesque dans la lèvre supérieure, annonce déjà l'extrême complexité de l'opus et fixe le niveau d'exigence qui y règnera en maître. Avec son côté extrêmement versatile, ses structures alambiquées qui voguent au grès des changements de tempo et de ton toujours surprenants, son « riffing » complexe au possible, il n'y pas de doute : Closure / Continuation est bien un album de Porcupine Tree qui se respecte. Les nombreuses « récompenses » que nous réserve le trio britannique, ces petits « riffs » à la saveur exponentielle qui sonnent comme une évidence après de nombreuses écoutes, ne font que le révéler. À l'image du facile mais marquant « Of The New Day », ballade turbo-efficace qui saura immédiatement déposer une chape de plomb dans le cœur et imprimer au fer rouge le patronyme des porc-épics sur la peau. Vous voulez mieux ? Il y a mieux. D'apparence aride, « Herd Culling » vient injecter une dose létale de mélancolie en intraveineuse avec un pont piloté par cet arpège majestueux (vers 3'17'') :

« The wolf is at the door somehow
The culling of the herd is now
The wolf is at the door somehow
The culling of the herd is now

Hey, did you curse this place?
Did you fall to earth to cull a herd?
Strange gods above the earth
These are things you just won't believe »

Voilà bien un passage qui pue le Porcupine Tree à plein nez. Tout comme le langoureux « Dignity », qui viendra récompenser les fans de longue haleine avec ses accents pop. Le terrifiant morceau prétendument bonus « Never Have » et ses paroles au vitriol sur la société de consommation et l'injustice extrême de l'ascenseur social...

« You need, but you'll never have
You dreamed, but you never had
The chance to be
What you wanna be

You grasp, but you never hold
You ask, but you're never told
'Cause the truth hurts
This is the modern world... »

… offrira quant à lui sa rasade réglementaire de dépression ; merci Steven Wilson et le ton toujours cynique et pince-sans-rire avec lequel il déclame ses litanies. Sa tessiture aiguë et ses accents fatalistes font le reste : la magie opère à nouveau. On sent que les retrouvailles démangeaient suffisamment le bonhomme, tant il semble sur tous les fronts. Tantôt criard, tantôt aérien, tantôt intimiste : il déploie toute sa panoplie habituelle avec une justesse d'orfèvre, tant il est extrêmement pertinent dans tous les registres qu'il adopte. Il ne brille évidemment pas seul, mais bien aux côtés de ses fidèles comparses : alors que Richard Barbieri bricole des sonorités aux petits oignons, aussi envoûtantes que discrètes, Gavin Harrison impulse un groove permanent à chaque morceau et contribue autant à leur fluidité qu'à leur versatilité. Son jeu de batterie, d'une limpidité impressionnante, est toujours rempli à ras-bord de nuances et de petites touches. Il faut dire que la production est tellement cristalline qu'on sentirait presque l'impact de ses baguettes ou de ses balais sur les cymbales et la peau des toms. À sa frappe implacable sur « Rats Return », avec une caisse claire ultra claquante et martiale, répond son catalogue de « breaks » et de roulements feutrés sur « Population Three », instrumental qui laisse toute la place à la mélodie de son jeu.

Oui, il faudra aussi procéder avec beaucoup de parcimonie pour apprécier pleinement ce Closure / Continuation. Ce n'est ni un album qui s'écoute en boucle, ni un « banger » immédiat qui saura séduire dès les premières écoutes comme pouvait le faire le légendaire Fear Of A Blank Planet (2007), ni même l'album idéal pour découvrir ou faire découvrir le groupe. C'est une histoire d'amour au long cours, une belle romance de plusieurs années, un mariage heureux : un bon et vrai album de prog, en somme. Absolument pas calibré pour ce « monde moderne » que dénonce le diacre Steven dans « Never Have » et sa consommation de musique entre deux portes. C'est pourquoi il est impératif de laisser gentiment ce onzième album arriver à maturité. Je ne vois pas pas d'autre moyen pour passer outre, vaincre et même adopter sa complexité. Une fois passée la délicate étape de la passion et de l'impatience – un peu comme le « PDC » de ceux qui aimeront barboter dans ses courants contraires – il a tellement à offrir... ses deux chefs-d'oeuvre absolus faisant même office de festin. « Chimera's Wreck », morceau fleuve qui suit imperturbablement son cours avant de se jeter à corps perdu dans l'océan lors de son final apocalyptique, une fois que le signal a été donné par la ligne de basse et les coups de charleston du sieur Harrison. Cette composition transcende avec une grande maîtrise ces mélodies et ces atmosphères mélancoliques que seul Porcupine Tree, ou pas loin, est capable de créer, en cultivant avec beaucoup de pertinence un motif qui devient, à force, totalement obsédant :

« I'm afraid to be happy and I
Couldn't care less if I was to die »

Encore merci pour la dépression, Steven. Quant au très seventies « Love In The Past Tense », morceau bonus (lol) enchanteur qui vient achever cette rêverie avec une grâce incroyable, il tutoie lui aussi les sommets avec ses mélodies contemplatives d'une grande pureté qui pourrait presque évoquer les arpèges dont le compositeur Paul Giovanni gratifiait le film The Wicker Man (1973). Il faudra donc faire abstraction de ces premiers contacts qui pourront être frileux à cause de la complexité presque nécessaire à la musique de Porcupine Tree, surtout en 2022 où elle lui permet de se « démarquer » de ses concurrents. Malgré une pochette un peu random ainsi qu'un morceau plus anecdotique et expérimental « Walk The Plank » qui paraît un peu noyé au milieu de ces classiques en puissance, il faut persévérer. Prendre le temps. Et surtout, profiter aussi longtemps que possible de ce Closure / Continuation.

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Porcupine Tree
Rock progressif
2022 - Music For Nations
notes
Chroniqueur : 8.5/10
Lecteurs : (3)  9/10
Webzines :   -

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Porcupine Tree
Porcupine Tree
Rock progressif - 1987 - Royaume-Uni
  

vidéos
Rats Return
Rats Return
Porcupine Tree

Extrait de "Closure / Continuation"
  

tracklist
01.   Harridan  (8:07)
02.   Of the New Day  (4:43)
03.   Rats Return  (5:40)
04.   Dignity  (8:22)
05.   Herd Culling  (7:03)
06.   Walk the Plank  (4:27)
07.   Chimera's Wreck  (9:39)
08.   Population Three (instrumental)  (6:51)
09.   Never Have  (5:07)
10.   Love in the Past Tense  (5:49)

Durée : 01:05:48

line up
parution
24 Juin 2022

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