Behemoth - Evangelia Heretika

J'ai longtemps cherché un témoignage vidéo de qualité sur les prestations live de Behemoth, ayant été véritablement soufflé par la prestation du groupe en 2007 au Ninkasi KAO. Après quelques recherches, il semblait que leurs précédents DVD manquaient un peu de consistance ou de finition pour représenter le produit ultime méritant de figurer dans ma DVDthèque. C'est donc tout naturellement que je me suis rué à sa sortie sur « Evangelia Heretika », qui après décorticage s'avère répondre parfaitement à toutes mes attentes. Voyons ensemble ce que la bête a dans les entrailles.

I) Les lives :

On attaque fort avec un DVD rempli à craquer de séquences lives, sous la forme de deux concerts : Varsovie et Paris. Celui de Varsovie a même l'insigne honneur d'être immortalisé sur le CD audio qui accompagne le DVD. On attaque donc logiquement la mise en bouche avec ce premier concert, dans une salle remplie à craquer et nettement plus grande que les scènes ou d'habitude le groupe peut jouer. Le show est le reflet des témoignages de ceux qui ont (sur)vécu à un concert des Polonais : intense, explosif, spectaculaire. Avec une section rythmique composée de l'inhumain Inferno, qui donne l'impression que jouer du métal extrême est aussi facile qu'apprendre à marcher, et du colosse Orion pour les basses fréquences, on est assuré de ne pas manquer un seul beat, quelqu'en soit la fréquence. Seth le second guitariste n'est pas le dernier à headbanguer, et quelle belle image que de voir les 4 musiciens agiter leur cuir chevelu à l'unisson, une vraie pub l'Oréal ! Nergal, en grand maître de cérémonie, assure efficacement les vocaux et le show, et bien que moins impressionnant physiquement que ses collègues, il dégage tout autant si ce n'est plus de charisme encore. Dommage que ses lancements de chansons hurlés sonnent un peu fatigué parfois… Question qualité auditive, nous sommes dans la moyenne haute du genre, avec un parfait mixage stéréo des deux 6-cordes, une basse audible, et des percussions mises à l'honneur. C'est plus au niveau de l'image qu'il ne faut pas se montrer trop sensible, tant le montage est nerveux et parfois proche du gênant (la partie rapide d' « Alas, Lord is Upon Me » risque de déclencher quelques crises d'épilepsie) ; mais rien d'insupportable pour autant.

Les moments de bravoure sont légion : je retiens tout particulièrement « Slaves Shall Serve », perle de brutalité malsaine, dont le pinacle a de quoi filer des frissons, quand le trio se met à beugler à l'unisson sur les dernières mesures, sur fond de « relentless blasting beat » (ho yeah), « Lam » et « Wolves Guard my Coffin », à ma connaissance pas des titres fréquemment joués et qui mériteraient de l'être plus souvent ; et une fin de concert qui fait doucement redescendre la pression, alors que le début était foncièrement brutal : « Chant for Exkaton 2000 E.V. » et « Lucifer » concluent le show dans une ambiance plus occulte et ambiancée que ne démarrait le concert, plutôt étonnant dans un style où d'ordinaire l'on garde souvent les titres les plus brutaux pour la fin. Nergal revêt son costume de Power Rangers, met son masque d'Halloween, et c'est debout sur les retours que les 3 joueurs d'instruments à cordes toisent le public avec un rictus de dédain, avant de quitter définitivement la scène, ayant conquis une nouvelle fois un public soumis d'avance.

Mais gardons le meilleur pour la fin : le concert de Paris, à la Locomotive, annihile tout simplement celui de Varsovie. Est-ce due à la taille réduite de la scène, à un public beaucoup, mais alors beaucoup plus chaud que les Polonais, ou simplement à une set list différente et avec un sacré paquet de titres ultra rapide ? Peu importe, toujours est-il que vous ne devez retenir qu'une seule date, c'est ce 17 novembre 2008. Car voilà ce qu'est véritablement Behemoth : une machine de guerre, qui pousse son public dans ses derniers retranchements. Les titres en doublon avec Varsovie sont ici sublimés : les blasts d' « Antichristian Phenomenon » sonnent encore plus brutaux, et surtout le public participe aux passages headbanguants du morceau, là ou les Polaks semblaient cuver leur dernière vodka ; même chose pour les démoniaques « Demigod » et « Conquer All ». « Prometherion » joue des coudes avec « Slaves Shall Serve » pour le prix du titre le plus brutal du concert, mais impossible de ne pas inclure également dans la compétition l'inhumain enchaînement de « Christgrinding Avenue / Christians to the Lions », brillant hommage à l'ensemble de l'œuvre politique de Christine Boutin (hell yeah), avec déchirage de Bible par le public en prime. Même les titres mid-tempos comme « Chant… » prennent une toute autre ampleur quand on a en face de soi un public aussi convaincu qu'ici : le groupe ne s'y trompe pas, et délivre une prestation en tout point supérieur à celle de Varsovie, n'en déplaise à leur pays d'origine.

Un véritable régal donc…quel dommage que ce soit le concert Polonais qui ait les honneurs du live audio. Allons jeter maintenant si vous le voulez bien un coup d'œil au second DVD.

II) Les documentaires :

1) Evangelia Nova

Alternant scènes backstage, séquences lives et séances de dédicace, ce premier documentaire d'une heure est la rétrospective d'une tournée de Behemoth, vue de l'intérieur. On y découvre des musiciens loin des clichés habituels du genre, visiblement très professionnels, et qui font mentir leur réputation de Polonais en affirmant ne pas boire ou presque d'alcool avant un concert (après, c'est autre chose). Les séances de dédicace sont l'occasion de réaliser à quel point le groupe est apprécié dans son pays d'origine, agrémenté de quelques street interviews de fans de tout âge et de tout genre (mention spéciale à ce fonctionnaire municipal polonais qui se fait chambrer par Nergal sur son look pas très métal). Entre deux séances de maquillage, chaque membre se fait interviewer et donne quelques petites anecdotes, conseils ou réflexions sur le quotidien d'un groupe de métal en tournée : heureusement que les DVDs ne sont pas fournis avec les odeurs, car plusieurs fois on visualise presque l'atmosphère suffocante s'échappant des loges !
On sent une réelle envie du groupe de se donner au maximum chaque soir, et Nergal est particulièrement critique avec lui-même après chaque show, se reprochant ici d'avoir oublié des paroles ou là d'un incident technique qui a compromis la fluidité du show.
Instructif, mais pas renversant, ce premier documentaire a le mérite de montrer le professionnalisme du groupe, s'il était encore nécessaire de le prouver. Je m'attendais quand même à quelques séances de délire collectif comme sur les DVDs de Pantera et de Dimmu Borgir ; au contraire le ton du documentaire est bien, même trop sérieux par rapport à ce qu'on attendrait d'un groupe aussi bien établi, mais on peut y voir le désir de Nergal d'assurer en toutes circonstances et en tous lieux le professionnalisme de SON groupe. Vu la qualité des deux lives filmés, et du groupe sur scène en général, on ne s'en plaindra pas. Ah si, on voit quand même le cul de Nick Barker pendant 20 bonnes secondes, j'allais oublier.

2) De Arte Heretika :

Pendant que Behemoth fait son sérieux en loge et détruit les salles du monde entier, l'autre Behemoth fait la fête et cause carrière musicale en studio. Quand le groupe n'a pas la pression de bien faire avant de monter sur scène, ce qui transparaissait clairement sur le premier documentaire, c'est en général beaucoup plus décontractés et rieurs qu'on retrouve nos Polaks, ici dans des tranches de vie en studio et en tournée. Tout y passe : de la difficulté de cohabiter entre poilus 24h / 24 pendant 7 à 8 mois dans l'année, des conditions de tournée médiocres (souvenirs d'une tournée au Canada ou il faisait si froid que l'eau des toilettes du tour bus aurait gelée) qui se sont nettement améliorées depuis « The Apostasy », du chaleureux accueil des groupuscules catholiques quand Behemoth met les pieds dans leur ville, des cadences infernales de la Ozzfest… Cette heure de documentaire est un florilège du vécu du groupe sur une bonne année au moins, et on touche au quotidien des musiciens, qui semble d'un coup beaucoup plus vivants et attrayants. Un vrai régal pour se mettre un peu dans leur tête et imaginer tout le vécu et le ressenti qu'ils doivent avoir, à sillonner le monde entier sans en voir le bout. Les témoignages apportés ici ne sont pas nouveaux, mais on sent une profondeur et une sincérité évidente, et une réelle passion de ces quatre garçons dans le vent pour ce qu'ils font.

3 ) Les clips

11 années de Behemoth sont résumés ici : du juvénile « Decade ov Therion » à l'ambitieuse réalisation d'« Alas, Lord is Upon Me », c'est un autre signe de l'évolution musicale et de la prise de maturité du groupe qui transparaît ici. Passé le duo « Conquer All » / « Slaves Shall Serve », bâtis sur un « on fait semblant de jouer en live devant la caméra » et un montage nerveux tout à fait adéquat, Behemoth s'est doté d'une plus grande originalité dans son expression visuelle, prenant au fil des années de l'ampleur pour caresser l'ambition dès « Inner Sanctum » de servir une vraie ébauche de scénario au spectateur, plutôt qu'une simple bande de quatre chevelus secouant dans tous les sens des instruments pas branchés. On prend ainsi beaucoup de plaisir à visionner les 3 plus récents clips de Behemoth, et à se replonger dans leurs jeunes années on distingue vite le chemin parcouru.

4) Making of des clips :

Si vous voulez tout savoir sur le jeu d'acteur d'Orion ou voir Inferno en chemise de toile blanche, cette section du DVD est pour vous. J'avoue avoir passé rapidement sur cette section, sans regrets.

III) La conclusion :

Pour conclure cette chronique, je précise que je ne suis pas le fan ultime de Behemoth, appréciant le combo sans qu'il fasse partie de mes groupes ultimes pour autant. Il m'est donc un peu plus facile de juger ce « Evangelia Heretika » avec discernement que d'habitude avec un de mes groupes référentiels (du moins je l'espère), et de dire en toute honnêteté que ce double DVD / CD … est tout simplement exceptionnel, aussi bien sur le fond que sur la forme. La partie live vaut à elle seule le détour, et les documentaires ont l'avantage de montrer que derrière leurs costumes de super héros ce sont bien des êtres humains qui jouent, avec un professionnalisme et une dévotion à l'art musical qu'on ne peut que respecter. Sans conteste l'une des sorties DVD indispensable de cette fin d'année, pour ceux qui aiment leur métal « à tendance brutale ».

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