Après un EP fondateur et deux albums cultes, l'heure du changement a sonné chez Destruction. Niveau line-up, les Allemands subissent deux remaniements importants. Exit Thomas Senmann, batteur originel, welcome Oliver "Olli" Kaiser. Et Mike Sifringer n'est désormais plus seul puisque le trio, désormais quatuor, accueille un deuxième guitariste en la personne de Harry Heinrich Wilkens. Musicalement, les Teutons évoluent aussi sur ce
Mad Butcher, EP 4 titres sorti en 1987 qui propose un thrash metal plus mélodique et technique.
L'opus s'ouvre sur un réenregistrement de "Mad Butcher", titre déjà présent sur
Sentence Of Death. Un morceau qui va devenir la marque de fabrique du groupe et un grand classique du thrash. "Mad Butcher" est ici bien retravaillé et se voit même ajouté un passage supplémentaire en fin de parcours. Destruction maîtrise désormais mieux ses instruments et ça se ressent sur cette nouvelle version plus mature jouée plus rapidement et proprement. Un signe avant-coureur de ce qui va suivre. Malgré cette belle évolution toutefois, je garde une préférence pour la première interprétation, certes plus bancale, mais au côté raw et sauvage qui fait défaut ici. Surtout que la production, à la couche de guitare trop fine qui a fait mal vieillir l'œuvre, n'aide pas à rendre le tout plus agressif. "Mad Butcher" reste toutefois un très bon morceau, le symbole même de Destruction. La vraie surprise vient plutôt dès le second titre, "The Damned", reprise thrashisée des punks de The Plasmatics à la frontwoman provocatrice et déjantée. Une introduction lente, du chant presque clair, what the fuck?! Le morceau va connaître des accélérations et des putain de bons solos, avec une ambiance très sombre, mais voilà un titre qui sort des sentiers battus pour des Teutons habitués à un son plus extrême. En tout cas, cette reprise bute, admettons-le!
À peine remis de nos émotions que débarque justement "Reject Emotions", cette fois une composition originale des Allemands. Là aussi, le morceau démarre sur une introduction à la guitare acoustique lente et sombre, avec un chant de Schmier plus clair qu'à l'accoutumée, sublimée par une mélodie électrique planante à vous donner la chair de poule. On reconnaîtra la patte Destruction sur la suite mais le groupe propose un nouveau visage, c'est certain. Un nouveau visage difficile à avaler pour les fans les plus extrémistes mais qui ici me convainc presque totalement. Presque parce que le groupe n'égalera jamais ses débuts et que le refrain de "Reject Emotions" limite chanté est assez abominable. Une des raisons qui en font la piste la plus faible de
Mad Butcher malgré une longue durée bien gérée par de bons riffs, une ambiance sombre à nouveau et un ping-pong de solos assez dantesque en tomber de rideau. C'est un fait, Destruction s'est amélioré niveau solos, sans doute grâce à l'arrivée d'Harry à la deuxième guitare (celle d'Olli se fait moins sentir). Et quand on devient meilleur, on a tendance à le montrer. Le titre final, "The Last Judgement", est là pour ça. Destruction nous offre ainsi un instrumental somptueux qui reprend l'aura sombre et mélodique omniprésente sur l'EP. Début acoustique, sample atmosphérique, tourbillons de solos d'une paire de guitaristes sur un nuage...et quand la batterie martiale fait son apparition, c'est carrément l'extase! S'ensuit un passage planant magnifique, Destruction tutoie ici la perfection. Seul reproche: c'est trop court, un peu plus de trois minutes seulement. Mais quelles trois minutes! De quoi clore l'opus de la plus belle des façons.
Si la plupart des EPs ne servent pas à grand chose si ce n'est à faire patienter avant la sortie d'un album, ce n'est pas le cas de celui-ci.
Mad Butcher marque un tournant dans la carrière de Destruction. Il installe le gimmick du "butcher" comme marque de fabrique du groupe et présente une évolution musicale significative. Plus technique, plus mélodique et forcément plus poli et sage, Destruction se rapproche désormais plus du thrash Bay Area. Ce changement est parfaitement maîtrisé ici car les Allemands ont su rester inspirés et ont conservé leur patte, en premier lieu tout un tas de bons riffs typiques et cette voix arrachée de Schmier reconnaissable entre mille. Seules quelques petites broutilles viennent entacher la performance, je pense en particulier aux passages en "chant clair" un peu bancals (arf ce refrain de "Reject Emotions"...) et à la production faiblarde qui a mal vieilli. Clôturant à moins de vingt minutes, le temps de jeu n'est évidemment pas suffisant et si on regarde bien, "Reject Emotions" est la seule véritable nouvelle composition puisque qu'elle est accompagnée d'un ré-enregistrement, d'une reprise et d'un instrumental. Un peu léger mais cela suffit à faire de
Mad Butcher un EP important. Destruction évolue mais en bien. Ce qui ne sera pas forcément le cas par la suite...
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