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Opeth - Heritage

Chronique

Opeth Heritage
Et vous pensiez que "Watershed" était mauvais...



Ça, c'est la tête que vous avez sûrement fait après avoir lu cette phrase. Comme si quelqu'un ayant la prétention de chroniquer du OPETH pouvait se permettre de balancer un truc pareil. Sans aller jusqu'à le considérer comme un ratage, il restait pour moi la moins bonne production des suédois à ce jour. Malgré une qualité toujours constante, leur style plus froid et plus austère délaissant les paysages hivernaux et brumeux pour des greniers poussiéreux, véhiculait moins d'émotions notamment comparé au sous-estimé "Ghost Reveries". Mais Mikael s'en fout. C'est même sûr qu'il s'en fout. Mikael est un Artiste, un Artiste avec un grand "A", un grand "A" comme Åkerfeldt. Et comme tout artiste qui se respecte, Mikael est libre et ne se fie qu'à son instinct. D'ailleurs OPETH n'est plus un groupe depuis longtemps, s'apparentant depuis des années à une sorte d'entité changeant au gré des envies de son leader, imperturbable face au turnover grandissant de son équipe. Après Lopez et Lindgren, 2011 voit le départ du sympathique et isolé petit Per (Wiberg) pour lequel on avait un peu pitié dans les bonus du précédent DVD, aussitôt remplacé par Joakim Svalberg (ex-YNGWIE MALMSTEEN). Un beau jour, Mikael en a eu marre du metal traditionnel et s'est dit qu'OPETH deviendrait autre chose, quelque chose de différent. Quelques mois plus tard, ce dixième album sobrement intitulé "Heritage" vient briser les codes qu'OPETH avait soigneusement instaurés durant ces 15 dernières années, délaissant ce qu'il y avait de plus "metal" dans sa musique pour se tourner pleinement vers son côté progressif. En tous cas, c'était gentil de nous prévenir.

Du coup, ce qu'on avait pris pour une simple vanne lors du superbe show en clôture du Hellfest ("Notre nouvel album sort en septembre mais on ne jouera aucun extrait, sinon personne n'ira l'acheter!") prend aujourd'hui tout son sens, quand bien même on aurait anticipé sur le changement de cap d'un OPETH en rupture avec le metal traditionnel, que ce soit en terme de style ou de sonorités. Une démarche louable qu'on aura accompagné au gré d'interviews martelant la mise à l'écart du death metal au profit d'un genre plus en adéquation avec les envies de son leader ; folk suédoise, rock progressif et chant clair, la note d'intention évoque forcément la grâce d'un "Damnation" qu'on espère retrouver sous des oripeaux plus nerveux, plus rock, Steven Wilson assurant une prod au petits oignons qui fait un bien fou à l'heure où bon nombre d'albums sonnent tous de la même manière. Pour être clair, ça fonctionne très bien sur deux titres, le problème étant que le premier est quasiment conçu comme une incongruité dans la carrière des Suédois et que le second ... n'est qu'un bonus track présent sur l'édition limitée de la scandaleuse, et même pas encodable qui plus est! "Slither" donc, et sa rythmique punchy qui sonne comme le YNGWIE MALMSTEEN de "Inspiration" en moins léché, morceau hommage au regretté Ronnie James Dio qui électrise un "Heritage" faisant le va et vient entre That Seventies Show et ambiances horrifiques à la "Watershed", pour un résultat correct mais à des années lumières des standards de qualité érigés par le groupe. La très agréable "Pyre" ensuite, co-écrite par Åkesson, vraisemblablement écartée de la tracklist pour excès de classicisme mais qu'on aurait bien vu en fer de lance d'un "Damnation" II, le retour de la dark folk qui frappe droit au coeur.

A côté de ça, on nage entre le correct et le très moyen. Le problème lorsque l'on expérimente, c'est que l'on passe parfois à côté du plaisir et c'est un peu ce que je ressens en écoutant "Heritage". En plus d'un "Slither" que je trouve également très bon, chaque titre nous gratifie néanmoins de quelques moments de grâce tels que le final de "The Devil's Orchard", les superbes arpèges de "Häxprocess" (à 2'20) et "Folklore" (première partie), l'intro vrombissante de "The Lines In My Hand"... La mise en avant de la partie rythmique n'y est pas pour rien, Mendez et Axe tenant l'album à bout de bras pendant que les autres s'évertuent à brasser de l'air. D'une manière générale, l'ensemble laisse un goût amer et ce pour plusieurs raisons. La première pour moi est directement liée aux choix artistiques et à la composition en elle-même. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment Mikael a pu laisser des riffs tels que celui de l'ouverture de "Famine" (à 2'40), le final série-américaine-genre-cote-ouest de "Folklore" ou la guitare toute guillerette du *refrain* de "The Lines in My Hand", sans parler de l'insipide "Nepenthe" ou de l'intégration de la flûte de pan sur la fin de "Famine". Et le problème avec ces expérimentations et cette nouvelle recherche d'identité, c'est la mise à l'écart des émotions. Le cul entre deux chaises, OPETH n'évoque plus grand chose, ni tristesse, ni désespoir, ni colère. Comparé souvent au mielleux "Damnation", "Heritage" ne l'atteint pas à la cheville en terme de ressenti, moins gracieux, trop approximatif et trop inégal pour vous transporter comme le penchant doux de "Deliverance". Toutefois, ce qui m'attriste le plus, c'est le manque de personnalité du résultat. J'avoue être un peu déçu de l'abandon de leur côté *métal* mais en fin de compte, c'est de voir un groupe aussi talentueux et unique se noyer dans ce que faisaient de nombreuses formations il y a déjà 35 ans qui ne passe pas. Etrange de réaliser comment une formation qui a toujours su se démarquer des autres peuT se faire grignoter par ses influences et évoluer dans leur ombre... Heureusement que le passé ressurgit de temps à autre à travers quelques passage, histoire de nous sortir de notre torpeur.

Où l’on retrouve avec plaisir quelques réminiscences de « Ghost Reveries » (par bribes sur « The Lines In My Hand » et "I Feel The Dark"), oasis rafraichissants entre deux jams pénibles aux allures de desert sessions brisant net toute progression dramatique. C’est flagrant à compter de « Häxprocess », même si l’on commence déjà à piquer du nez sur une « Nepenthe » sauvée par quelques fulgurances lead de Fredrik Åkesson. Pour le reste, si l’on excepte la première composition au piano du successeur de Per Wiberg, Joakim Svalberg, (l’envoûtante opening track « Heritage ») et une outro acoustique assez oubliable (« Marrow Of The Earth »), le désir de Mikael de renouer avec des racines hard rock plus nobles que la scène metal actuelle se traduit par certains choix franchement malheureux, comme le caméo du percussionniste Alex Acuña sur « Famine ». Ok, le gars a bossé avec ELVIS PRESLEY, ce qui suffit à le doter d’une aura de légende mais pour quel résultat sinon de plonger les auditeurs dans un abîme de perplexité ? Åkerfeldt le reconnait à demi-mots dans le documentaire présent sur l’édition limitée, ce nouveau départ pour OPETH pourrait donner de grandes choses à l'avenir, comme s'il était conscient qu'en délaissant certains automatismes de composition, son groupe ne tournait désormais plus à plein régime. Mais on ne balaye pas quinze ans de travail d’orfèvre doom death sans le payer à court ou moyen terme et malheureusement pour OPETH et ses nombreux sympathisants, l’addition, c’est pour maintenant.

Ajoutez à cela que les Suédois envisagent de jouer « Heritage » en entier pour la tournée qui va suivre (ça ne vous rappelle rien ? IRON MAIDEN et son « A Matter Of Life And Death » peut être ? Play the classics!!!) en délaissant complètement l’aspect death de son répertoire et on comprendra que pas mal d’entre nous trouvent matière à tirer une gueule de trois mètres, même si l’on conviendra du fait qu’avec un « Watershed » bis, OPETH ne serait pas non plus sorti grandi de l’aventure. Deux remarques plus positives pour en finir avec « Heritage », album atypique ni flamboyant ni honteux, mais loin de tenir toutes ses promesses : la marge de progression dans ce nouveau registre rock prog restant assez grande, il n’est pas interdit de penser que cette régression soudaine sur le plan qualitatif permette à OPETH d’accoucher d’un chef d’œuvre d’un genre nouveau dans les années qui viennent, Mikäel Åkerfeldt s’étant du même coup débarrassé de l’étiquette de groupe parfait qui n’a sorti que des perles collant au groupe depuis des lustres. C’est tout le mal qu’on leur souhaite et en attendant mieux, tous les déçus sont cordialement invités à se replonger dans des albums parfois underrated comme « Deliverance » ou « Ghost Reveries ».

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Opeth
Metal progressif
2011 - Roadrunner Records
notes
Chroniqueur : 6/10
Lecteurs : (27)  6.57/10
Webzines : (50)  7.52/10

plus d'infos sur
Opeth
Opeth
Metal progressif - 1990 - Suède
  

vidéos
The Devil's Orchard
The Devil's Orchard
Opeth

Extrait de "Heritage"
  

tracklist
01.   Heritage
02.   The Devil's Orchard
03.   I Feel the Dark
04.   Slither
05.   Nepenthe
06.   Häxprocess
07.   Famine
08.   The Lines in My Hand
09.   Folklore
10.   Marrow of the Earth

Special edition :
11.   Pyre
12.   Face In The Snow
+ Mix 5.1 de l'album
+ Making of

Durée : 57 min.

line up
parution
16 Septembre 2011

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