Rien n’y a fait. Malgré de multiples essais, l’énigme
« Heritage » est restée, pour moi, sans solution. Quelques rares pistes satisfaisantes donnaient bien envie d’y croire, pourtant. Le morceau titre tout d’abord, agréable opener au piano introduisant le nouveau venu Joakim Svalberg. L’atypique « Slither » ensuite qui, dans un registre hard rock étonnamment direct, s’inscrivait parfaitement dans l’optique revival seventies de ce 10ème album. « Pyre » enfin, petite perle mélancolique hélas reléguée au rang de bonus track. Le reste ? Un festival de fausses pistes claquant volontairement la porte au nez de l’auditeur. Comme si l’abandon des oripeaux death metal n’y suffisait pas, Mickaël Åkerfeldt avait frappé de plein fouet la structure des morceaux, au risque de laisser tout le monde sur le bas côté. Album de rupture nécessaire vu l’essoufflement constaté sur
« Watershed » et
« Ghost Reveries »,
« Heritage » pêchait principalement par manque d’ouverture. De « Pale Communion », j’espérais donc qu’il renoue avec la maestria des albums passés, tout en poursuivant dans une voie qui me semble (semblait ?) malgré tout être la bonne.
D’évidence, les premières approches de « Pale Communion » vont dans le bon sens. Avec quatre titres frayant au-delà des sept minutes et quelques réminiscences du OPETH vieille époque en poche, Mickaël Åkerfeldt multiplie les perches tendues en direction des brebis égarées. En premier lieu, des mélodies vocales qui accrochent l’oreille d’emblée (« Cusp Of Eternity », « Faith In Others », « Eternal Rains Will Come ») et un regain d’efficacité louable sur la première partie de programme. Malgré un démarrage bancal, « Eternal Rains Will Come » séduit par son refrain enchanteur et les interventions très à propos de Joakim Svalberg. Fer de lance évident, « Cusp Of Eternity » est le morceau le plus pêchu de « Pale Communion ». Dans la droite lignée de « Slither », il confirme les bonnes dispositions du groupe en matière de hard rock à l’ancienne, frôlant même l’excellence lorsque Fredrik Åkesson se lâche totalement : des soli aux riffs, tout rappelle l’excellent « Fire & Ice » du guitar hero YNGWIE MALMSTEEN, lui aussi grand fan de l’âge d’or du genre (penchez vous sur « Inspiration » pour voir). Par ailleurs, Åkesson éclaire l’album de ses interventions dès que l’occasion se présente. Arabesques sur « Voice Of Treason » et « Eternal Rain Will Come » façon AL DI MEOLA, soli dantesque sur « Moon Above, Sun Below » … le successeur de Peter Lindgren fait le boulot. Par ailleurs, si OPETH confirme sans surprise sa nouvelle orientation stylistique, la douce mélancolie de « Elysian Woes » aurait parfaitement trouvé sa place sur l’inoubliable
« Damnation ». Du pur OPETH comme on l’aime, tout en progression dramatique, où l’émotion prend (enfin) le pas sur la technique. C’est également le cas sur un « Faith In Others » pas loin d’être superbe, où instruments à corde, guitares acoustiques et complaintes se complètent astucieusement.
Le choc
« Heritage » passé, « Pale Communion » paraît donc tout de suite plus classique. Seul morceau bénéficiant de l’effet de surprise, « River » et ses accents folk guillerets, dynamités à mi-parcours par un passage rock prog plus nerveux. Un exercice de style brillant mais un peu vain, comme l’hommage au groupe du même nom sur « Goblin ». Si ça fera sourire les amateurs de ZOMBIE et de Dario Argento, c’est aussi la première cassure d’un onzième opus plombé par les chutes de tension. Quand ce ne sont pas les morceaux eux-mêmes (le trou d’air « Goblin »/« River », dont on se relève difficilement), c’est le rythme imprimé aux compositions qui pose question. « Eternal Rains Will Come », qui se tire une balle dans le pied passé une minute en nous infligeant un passage abscons comme on en trouvait à foison sur les pénibles « Häxprocess » ou « Famine » ; « Voice Of Treason », dont l’atmosphère languissante renvoie au final anonyme de
« Watershed » ; « Moon above, Sun Below » enfin, qui associe le meilleur et le pire dix minutes durant, au gré de l’inspiration fluctuante de Michael. Bon chanteur et excellent growleur, Åkerfeldt montre ici ses limites lorsqu’il déborde de ses habituels champs de compétence. A la limite de la fausseté sur « Moon Above, Sun Below » et « River » dès qu’il s’aventure un peu trop dans les aigus, il masque un manque évident d’inspiration par des artifices parfois un peu grossiers (les wo-ho-ho fédérateurs ça passe chez MAIDEN, moins ici !).
Au-delà du changement de cap stylistique, l’inspiration, pas vraiment débordante, est peut-être ce qui pose le plus problème chez OPETH, un groupe en manque de référence depuis l’impressionnant doublé
« Damnation »/
« Deliverance » il y a plus de dix ans. Bien qu’agréables, les œillades au passé du groupe font finalement plus de mal que de bien sur un « Pale Communion » échouant à concilier aspirations nouvelles et anciennes. Au mieux retrouve-t-on quelques passerelles reliant l’album à
« Watershed », faisant du même coup le lien entre
« Heritage » et leur 9ème opus. Les très inégales et heurtées « Voice Of Treason » et « Moon Above, Sun Below » en témoignent, la greffe prog rock prend difficilement et lorsqu’on l’isole du reste (« Goblin », « River »), on finit par se demander quel combo on écoute. Un comble, pour un groupe à forte identité comme OPETH ! Du coup, malgré les progrès d’Axenrot derrière le kit (cette batterie semblant surgir de nulle part, très bonne pioche) et de meilleures intentions de départ, la frustration l’emporte sur l’espoir, pas encore évanoui, de retrouver OPETH en pleine possession de ses moyens.
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