Je dois le confesser, j'aime l'ordre. Je sais, on ne dirait pas comme ça, mais c'est un peu une seconde nature chez moi, j'aime que les choses suivent leur cours naturel : que les Roms jouent de l'accordéon dans le métro, que Ikea écrive sa prose aux fétides relents juvéniles caché dans le placard, la fierté mal placée de ce triste sire l'empêchant à tout jamais de s'en extraire, lui qui aime les endroits humides et exigus – à ce propos, un ami m'avait dit un jour au camping en désignant des sardines : « si mon oncle en avait deux, ce serait ma tente », ce qui me laisse à penser qu'Ikea deviendra bientôt Décathlon, tant il est vrai qu'un magasin où l'on vend des poids lui sied mieux qu'un où l'on vend des lits, lui qui n'est jamais lu – et que Panzerchrist fasse du bon death metal. Ouais, relisez le début de la phrase, vous verrez, outre ma digression, tout se tient. Théoriquement Panzerchrist ne peut guère se planter alors que depuis plus de dix ans, les Danois font un sans faute, c'est statistique. C'est bien les mathématiques, c'est précis c'est ordonné. On pourrait donc croire qu'après la fulgurante coulée d'Exmortem dont l'épave gît par le fond sans que personne ne s'en émeuve, la probité comme les probabilités nous auraient épargné un second naufrage, surtout provenant du cuirassier Panzerchrist dont la discographie a des allures d'insubmersible. Et pourtant, ce
7th Offensive ressemble plus à La croisière s'amuse.
J'arrête là la métaphore maritime que tout chroniqueur a déjà dû filer trois fois dans sa carrière, j'ai des standards à respecter moi monsieur. Panzerchrist s'est donc subitement mis à faire de la merde, et ce n'est pas très étonnant quand on sait que du line-up du très bon
Regiment Ragnarok ne subsiste que Michael Enevoldsen, bassiste historique du groupe mais qui n'est guère que bassiste, et un peu batteur à ses heures perdues, avec toutes les limitations intellectuelles et musicologiques que cela implique. Alors que le vocaliste remplaçait idéalement Bo Summer, que le batteur réussissait à faire oublier Killerich et que le guitariste faisait parfaitement le travail il y a seulement deux ans, le line-up a donc été intégralement renouvelé. En moins bien. Enfin, du point de vue purement technique, il est difficile de le savoir, les deux line-up n'ayant pas du tout les mêmes choses à jouer, même s'il saute aux oreilles que leur très jeune batteur, bien que sachant jouer très vite, a un jeu anémique et une inventivité aux abonnés absents. Inutile de dire que si ces nouveaux musiciens ne sont pas mis en valeur, c'est parce que les compositions ne le permettent pas vraiment – ne me demandez pas qui a écrit quoi, ni qui est responsable des arrangements, ou plutôt de leur absence – elles qui ne sont guère qu'un assemblage régulier et prévisible de riffs allant du simpliste au commun, le genre de choses que même un néophyte sans compétence en musique ni aucune expérience d'un style n'oserait pas composer de peur de paraître radoter en chœur avec vingt ans d'histoire du death metal.
Et encore, là vous pourriez peut être vous imaginer, si vous êtes du genre à aimer les groupes qui se répètent ad nauseam façon Cannibal Corpse, que Panzerchrist ne fait que se parodier, ou qu'il fait bien le boulot sans une once d'originalité. Oh oh, vous ne pourriez pas plus vous fourvoyer. C'est non seulement pas original pour un sou, mais en plus mal amené, mal agencé, voire la plupart du temps fort désagréable à entendre pour quiconque possède un peu de culture – ce qui je l'admets n'est pas nécessairement la cible ni de l'album, ni d'ailleurs de ce webzine en dehors de mon fidèle lectorat que j'aime, qui me suit moi, et pas les autres pouilleux avec lesquels je dois partager les locaux. Le meilleur exemple en arrive dès le début de l'album, l'intro en tapping de « 7th Offensive » étant une repompe complète (jusqu'au rythme, mais sans les arrangements ni le jeu de Longstreth) de l'outro de « Antithesis » de Origin, sauf que le riff d'après est complètement merdique, que le solo est indigent, bref, que le titre en soi est une énorme daubasse, à l'image de ce nouvel album de Panzerchrist.
Un constat extrêmement décevant qui s'explique comme toujours dans ces cas là par une simplification outrancière du propos du groupe, et ce alors même que Panzerchrist a toujours fait dans l'efficace simplicité. Non seulement
7th Offensive vire du simple au simpliste, mais en plus il passe du rapide au mollasson, ce qui ne fait qu'accentuer la pauvreté du riffing. Rarement les Danois avaient autant utilisé le mid-tempo, et je n'entends pas par là deux ou trois titres, mais bien 80% de l'album qui se traîne à un tempo qui ferait passer les machins qu'Ikea chronique pour brutaux (je suis sûr que le brutal postcore a de l'avenir, je vais de ce pas déposer le brevet). M'enfin j’exagère un peu, il arrive également que le groupe ose accélérer, comme sur « Foreign Fields » qui se traîne à 115 bpm avant d'atteindre les 180 ! Wow, Panzerchrist fait donc de la concurrence à Entombed. S'ils avaient rajouté 100 points on aurait peut être eu droit à un titre à tempo normal. Hormis le plutôt correct « In The Name Of Massacration » qui a quelques bons riffs sur un tempo de 250 avec quelques pointes encore plus rapides, tout le reste de l'album est à la fois lent et parfaitement indigent, sans mélodie (sauf « Mars Attack Of The Lycanthrope Legion » qui fait un petit effort), sans harmonies alors que c'est pourtant l'une des marques de fabrique du groupe, et sans beaucoup de blasts malgré un batteur capable de tenir de très hauts tempos, ce qu'il fera deux fois. À croire que c'était le seul titre écrit à l'époque de
Regiment Ragnarok, puisque c'est le seul où l'on retrouve ce feeling guerrier aux airs de black/death, les autres ayant plutôt un feeling asthmatique aux airs de paresse. Car même les rares moments brutaux, comme le début assez rapide de « Drone Killing », sont banals à pleurer, quoique bien moins pénibles que des horreurs comme « Kill For Revenge » qu'un débutant n'oserait pas jouer pour s'échauffer. Vous pensez que je radote ? Attendez d'écouter un album tellement pénible que l'on a l'impression que les morceaux se répètent en l'espace de trois minutes.
Et encore, je ne vous parle pas d'un vocaliste qui essaye de copier Bo Summer là où le précédent avait apporté un peu de puissance et de diversité, ça pourrait faire espérer à un retour en arrière vers
Batallion Beast alors que ce n'en est bien sûr pas un, puisque auparavant, Panzerchrist, c'était bien. C'était brutal, mélodique, énergique et cohérent. Autant de choses que ne sont pas les titres de
7th Offensive, ce qui a le don de m'énerver prodigieusement venant de la part d'un groupe dans lequel j'ai, ou plutôt j'avais, toute confiance. Vous ne l'avez peut être pas remarqué, mais je suis énervé là, au moment multiple où j'écris cette chronique, encore plus énervé que par le fait de devoir partager mon espace numérique avec l'être abject qu'est Ikea, lui qui m'a volé mon goûter lors de la dernière conférence de rédaction. Certains loueront peut être, dans un élan stylistique inspiré de grands philosophes comme Bernard Henri-Levy et Guy Bedos, la synergie sans pareille qui subsiste entre des titres où l'absence totale d'un quelconque événement marquant confine au génie, tant il est vrai que le rien sur fond de blasts constitue aujourd'hui 90% de la scène death metal actuelle. Mais ceux là ne seront sans doute pas nombreux, car un album avec seulement deux titres écoutables, soit pas très longtemps sur trente-neuf minutes, ne saurait mériter un autre destin que la poubelle.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo