Satanic Art
En dépit des nombreux changements de line-up – ayant vu défiler des musiciens tels qu'Apollyon (Aura Noir), Czral (Aura Noir, Virus), Fenriz (Darkthrone, ex-Isengard), Zweizz/Svein Egil Hatlevik (Fleurety) et j'en passe ! – ainsi que le va-et-vient d'un de ces membres fondateurs Aldrahn (Thorns, The Deathtrip), Dødheimsgard a toujours su porter haut son leitmotiv. De même, la formation ne s'est jamais reposée sur ses acquis, évoluant avec son temps – voire même l'outrepassant (cf.
666 International) – tout comme son Art Satanique, prenant différentes formes et couleurs à chacune de ses sorties. Mais avant sa montée en puissance – dont
Monumental Possession en est, pour moi, la quintessence – ainsi que les expérimentations en tout genre (avec notamment l'imposant
A Umbra Omega, signant le retour du groupe l'an passé), cette maléfique entité a posé les prémices de son œuvre avec
Kronet til konge. Paru en 1995, ce premier album est en effet considéré comme culte par bon nombre de fans de la première période de DHG, traçant en lettres noires son dévouement pour son Roi. Souvent sold-out et hors de prix ces dernières années, Peaceville Records s'est donc enfin attelé à la réédition des premiers méfaits des Norvégiens – suite à leur signature sur le label. L'occasion rêvée de mettre la main sur ce précieux album en attendant sagement la sortie de la paire
Monumental Possession/
Satanic Art, prévue cette année.
Composé, les premières années, par le fameux trio Vicotnik (Strid, ex-Ved Buens Ende, ex-Code), Aldrahn et Fenriz, Dødheimsgard débarque doucement mais sûrement dans la scène black metal norvégienne en 1994. En effet, grâce à un promo réalisé cette même année, ce dernier va rapidement trouver un deal, afin de sortir son premier album, avec la structure allemande Malicious Records – fermée depuis 1997 –, hébergeant en son sein moult groupes compatriotes (Gorgoroth, Kampfar, Aura Noir, Zyklon-B, Borknagar,...). Artwork sobre en noir et blanc, lettrage gothique, logo indéchiffrable, photos des musiciens dans les bois (que vous retrouvez sur le digipack ainsi qu'à l'intérieur du livret), corpse paint ou encore production organique, le groupe adopte tous les codes de l'époque. En cela,
Kronet til konge cristallise les inclinaisons de ces trois fortes personnalités – tant sur le fond que sur la forme – embrassant le second souffle black metal se développant dans leur pays depuis le début des années 1990 (Burzum, Emperor,...). En résulte donc une œuvre tournée vers Lui avec des sonorités résolument hostiles et old-school. La formation puise dans ses racines faisant la part belle aux ambiances – notamment sur l'introduction brumeuse et hallucinée – ainsi qu'aux mélodies aussi glacées qu'intenses comme sur le jouissif « En Krig A Seire ». A l'écoute de ce long-format, vous retrouvez ce côté épique à la Emperor mêlé à l'âpreté d'un Darkthrone et agrémenté d'une folie toute particulière, propre à cette entité.
De même, le groupe aime varier son propos délivrant des passages mid tempo très mélodieux – voire mélancoliques (« Kuldeblest Over Evig Isode ») –, des envolées puissantes (« Å Slakte Gud »), des boucles entêtantes (« Jesu Blod »), des parties plus agressives et malsaines (cf. « Når Vi Har Dolket Guds Hjerte ») ou encore martiales comme sur « Kronet til konge » (la batterie sonnant la charge). L'alchimie semble se créer entre les trois musiciens, déroulant avec style – et sans forcer – des compositions aussi magistrales qu’alambiquées. Néanmoins c'est sans aucun doute la spontanéité qui frappe le plus ici tant tout s'imbrique de façon naturelle et homogène. D'ailleurs que ce soit par l'atmosphère instaurée ou bien ces riffs majestueux, vous êtes totalement pris par la musique de Dødheimsgard. Un sentiment qui se renforcera au fil des écoutes avec notamment la belle « When Heavens End » – suivie d'une courte outro –, conclusion poignante à vous donner des frissons. Et malgré des influences quelque peu prononcées, la formation arrive toutefois à se démarquer grâce aux vocaux habités d'Aldrahn – passant aisément du chant éraillé black à un chant plus théâtral, avec une large palette d'émotions – ainsi que des lignes de basse sibyllines et parfaitement audibles. Fenriz donne incontestablement du cachet à l'ensemble par son jeu singulier, la basse ne se limitant pas qu'à la section rythmique, comme vous pouvez l'entendre au gré des minutes (sur « Å Slakte Gud » ou « Kuldeblest Over Evig Isode », par exemple). C'est ce petit grain de folie, sorti de nulle part, qui fait la différence sur
Kronet til konge, chaque électron libre apposant sa marque.
Des débuts tonitruants retranscrits avec conformité dans cette belle réédition, parue l'an passé, ayant su garder toute son essence. De plus, cette dernière comporte quelques photos mais aussi les paroles, des notes de Vicotnik, Aldrahn ainsi que Fenriz et un CD bonus comprenant 9 titres joués lors d'une répétition datant de 1994. Autant dire des raretés ! Mais si les amateurs de black raw trouveront, à n'en point douter, leur compte avec ces interprétations sans fioritures, beaucoup fuiront dès les premières minutes. Car oui, le son est très crade et la voix d'Aldrahn peine à se faire entendre, perdue dans le grésillement des guitares. Du brut de décoffrage donc, tirant plus son importance par son côté historique. Vous prenez assurément part à la construction de
Kronet til konge sur ce second disque où les musiciens conversent ensemble (en norvégien donc difficile de comprendre...) entre les morceaux et font leurs premières armes. En effet, huit d'entre eux figurent sur leur premier album – « Når vi har dolket Guds hjerte », « Starcave, Depths and Chained » apparaissant également sur le promo de 1994 – mais dans un ordre différent. Les curieux et curieuses, tout comme les die-hard fans, auront donc de quoi faire ici avec ces deux versions mais aussi le titre « On Swords », finalement mis de côté par le groupe.
Enregistré sur une courte période à la Stovner Rockefabrikk,
Kronet til konge transpire à la fois l'urgence et la passion de ses géniteurs. Une folie créatrice qui est palpable tout au long de ces 54 minutes où les musiciens lâchent un peu la bride, ayant seulement ce leitmotiv en tête :
« Satanic Art ». Dødheimsgard arrive, sur son premier album, à tirer profit de Fenriz mais également à saisir les influences – pour lui – majeures du black metal de l'époque tout en y injectant une petite dose de LSD. En résultent des sonorités froides, hallucinées et gangrenées par le Mal, qui feraient une bande-son idéale pour Les Montagnes Hallucinées. Une belle entrée en matière où vous ressentez déjà cette envie d'ailleurs, de s'affranchir des règles et de prendre diverses formes toujours plus fabuleuses. Culte pour certain(e)s, sans plus ou mineure pour d'autres, cette œuvre a en tout cas marqué les esprits et traversé les années.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo