Il y a des groupes qui galèrent à trouver un label et d’autres pour qui cela n’a jamais été un problème. En cinq ans d’existence, le duo lillois derrière Skelethal a fait le tour de crèmeries que beaucoup de groupes aimeraient pouvoir visiter un jour. Iron Bonehead, Caligari, Pulverised... Autant de structures que les Français ont su convaincre grâce à leur Death Metal putride et poussiéreux d’excellente facture. Mais ce ne sont pas les seuls à être tombés sous le charme de Skelethal puisque pour la sortie de son premier album intitulé
Of The Depths..., le groupe s’est vu proposer un deal avec le label américain Hells Headbangers. Quitte à gratter un bout de papier pour officialiser sa relation, autant le faire pour un label qui en vaille la peine.
Comme on n’est jamais mieux servi que par soit même, Gui Haunting et Jon Whiplash ont choisi une fois de plus de gérer l’ensemble du processus créatif allant de la composition à l’exécution en passant par la production et l’artwork. D’ailleurs, mention spéciale à l’illustration tentaculaire absolument magnifique de ce premier album. Si le talent artistique de Jon Whiplash ne faisait déjà aucun doute depuis ses premiers travaux pour Skelethal et plus récemment pour Mortal Scepter (
As Time Sharpens The Sentence) et Hexecutor (
Poison, Lust And Damnation), reste que le Lillois semble avoir élevé son niveau au point d’aller chatouiller des artistes tels qu’Ola Larsson ou Pär Olofsson.
100% fait maison, ce premier album jouit également d’une production aux petits oignons. Si Skelethal n’a jamais caché son amour pour la scène suédoise de la fin des années 80 (Nihilist, Carnage, Entombed, Dismember (dont un titre est d’ailleurs repris sur la version CD de l’album)...), le groupe a toujours su faire preuve d’équilibre en matière de son. Chaudes et rugueuses, les guitares de Gui Haunting possèdent ainsi ce grain si particulier qui, en son temps, a fait la gloire et l’identité de toute une jeunesse en pleine ébullition. Mais bien loin de la parodie, le duo français dispense cet héritage avec une certaine retenue. Certes, les influences de Skelethal n’ont jamais fait aucun doute mais le duo a toujours su éviter les pièges d’une production beaucoup trop bodybuildée qui, dans la majorité des cas, vient rompre tout le charme de ce genre de signature sonore délicieusement surannée.
Une atmosphère à l’ancienne que le groupe cultive depuis ses premiers balbutiements et qui, bien au-delà d’une production tartinée de HM-2, passe aussi et surtout par un sens tout à fait affûté de l’efficacité. C’était déjà le cas sur les très bons
Deathmanicvs Revelation et
Interstellar Knowledge Of The Purple Entity mais c’est encore plus vrai aujourd’hui sur ce
Of The Depths... qui élève d’un cran le niveau d’un Skelethal ici au sommet de son art putride.
Le duo tire ainsi sa force d’un parfait équilibre entre cadence particulièrement soutenue ("Sons Of Zann" à 0:20, "Spectral Cemetery" à 0:53, "Chaotic Deviance" à 0:31, les blasts de "Glimpse Of The Great Purpose" à 2:08, "Catharsis" et ses tout juste deux minutes, etc) et riffing naturellement efficace au groove imparable ("Sons Of Zann" à 0:52 ou 1:54, la longue introduction de "Spectral Cemetery" et ce lead démoniaque, le bien nommé "Chaotic Deviance" et ce riffing épileptique, les leads mélodiques du très Dismember "Pantheon Of The Abyss", l’excellent "Morbid Ovation" issu de la première démo des Lillois ici présenté dans une version retravaillée (au même titre que le morceau "Macabre Oblivion" issu du EP
Deathmanicvs Revelation proposé en bonus sur la version CD). Pourtant, comme tous ces groupes évoluant dans le milieu, les gars de Skelethal se contentent de reprendre à leur compte une recette vieille comme le monde. Ce qui fait alors la différence avec d’autres ? Et bien justement ce sens exact de la composition qui fait mouche. Rien n’est ici laissé au hasard et toute idée de médiocrité a été complètement bannie. Certes, les riffs de Gui Haunting sont simples mais cela ne les empêche pas de marquer les esprits aux fers rouges et surtout de réussir à déchaîner nos plus bas instincts. Associés au jeu dynamique (bel usage des cymbales) et haletant de Jon Whiplash (blasts, cavalcades thrashisantes, d-beats à la sauce scandinave...), le duo ne lâche rien et impose par la force des choses son Death Metal à grand coups de matraque et de growl sinistre.
Si la France à un jour pu être sérieusement à la peine en matière de musiques extrêmes, force est de constater que la jeune génération s’est largement rattrapée ces dernières années, plaçant de nouveau l’hexagone au cœur de l’échiquier international. Je ne vous ferais pas la liste des groupes français méritant aujourd’hui votre attention mais sachez juste que Skelethal mérite clairement tous les honneurs. Effectivement, le groupe puise l’essentiel de son inspiration dans la scène suédoise d’il y a trente ans mais je peux vous dire que si les choses étaient toujours aussi bien faites, c’est à dire avec cœur, passion et énormément de talent, moins nombreux serait les personnes à se plaindre de l’énième résurgence d’un genre qui a effectivement déjà tout dit en son temps. Quoi qu’il en soit, Skelethal livre ici un premier album particulièrement efficace qui n’a certainement pas à rougir face aux plus grosses pointures du genre. Nul doute qu’avec un disque de cette trempe, les Lillois devraient faire parler d’eux un peu partout dans le monde. C’est en tout cas tout le mal qu’on peut leur souhaiter. Bien joué messieurs.
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