Cinq années déjà ont passé depuis le pétard mouillé
Autotheism (aux avis partagés j’en conviens), les géniteurs du raillé « Sumerian-core » (deathcore technique mélodique) étaient tombés dans l’oubli malgré le « teasing » au compte goutte de leur nouvel opus dès 2015 (le morceau « The Spiraling Void » sera dévoilé). Mais ça y est, le quatrième album de The Faceless est prêt. Un line-up complètement remodelé autour de la tête pensante Michael Keene et comprenant le fameux Ken Sorceron (Abigail Williams) au chant, Justin McKinney (The Zenith Passage) à la guitare rythmique et la brute Chason Westmoreland (ex-Hate Eternal) pour taper les fûts (et qui partira après l’enregistrement…). Un retour médiatisé contre leur gré par le « bad buzz » autour de leur tournée américaine au côté d’Inanimate Existence, dernier viré sans préavis. En pleine vague « Weinstein », un des membres aurait agressé sexuellement une femme qui aurait alors contacté Ken…
On ne pourra pas leur reprocher mais The Faceless a le mérite de se renouveler depuis sa formation, chaque nouveau brûlot de ne ressemble au précédent. Alors quid de leur style pour 2017 ? Et bien
In Becoming A Ghost reprend les ingrédients technico-progressifs d’
Autotheism… Non ne vous défenestrez pas de suite, le rendu final est tout autre. La réécoute après cinq ans d’hibernation n’en sera pas plus facile, le gap est conséquent… Désormais les Californiens délivreront des compositions nettement plus fluides et redoutables. Terminée cette sensation pompeuse et prétentieuse, comme une sorte de riffs piochés honteusement et juxtaposés sans réel cohérence. N’est pas Between The Buried And Me qui veut. Michael filtre et affûte ses idées pour quelque chose de plus simple et percutant. L’interlude dantesque « (Instru)mental Illness » comme vitrine parfaite d’un metal extrême technique progressif au format condensé de qualité supérieure. « Affiné » certes mais on sent que le gaillard a besogné la chose, le nombre d’arrangements instrumentaux (carrément de la flûte sur « Digging The Grave ») et électroniques est juste impressionnant (écoute au casque de rigueur). Gros bémol malgré tout sur le son ultra compressé de la batterie (cymbales assez irritantes)… Sans les plans bien trouvés on aurait pu douter de la présence d’un vrai batteur, d’autant que Michael usera d’une B.A.R par moment (« Cup of Mephistopheles » à 4:03).
Et puis joie, le chant clair nasillard poussif et le « vocoder » (qui donnait clairement envie de baffer Michael, déjà tête à claque sans chanter) sont gommés ou presque (l’intro de « I Am » pour virer vers un 30 Seconds To Mars plutôt convaincant) au profit d’un timbre plus sobre au point de rappeler Dave Gahan (Depeche Mode). Pas étonnant de retrouver l’excellente reprise « Shake The Disease » donc. Attendez c’est une reprise ? Si vous ne connaissiez pas l’original et que vous n’aviez pas regardé en détail la tracklist, vous serez étonné. Placé en milieu d’album il fallait oser, le résultat est bluffant. Le morceau se fond parfaitement avec le reste en reprenant tous les ingrédients metal de The Faceless. Assurément l’un des meilleurs morceaux de la galette.
La dominante demeure néanmoins « directe », outre les mélodies aériennes habituelles, les anciens adeptes de « death burné » ne seront pas mis sur la touche à l'inverse d’
Autotheism. On retrouve le riffing et les blasts des débuts. Petit cadeau offert pour les auditeurs « brutus » d’ailleurs puisque Derek Rydquist (grogneur des deux premiers albums) viendra pousser la gueulante sur « The Spiraling Void ». Aucune frayeur pour ceux ne connaissant pas Abigail Williams sinon, le chant guttural puissant de Ken Sorceron n’a rien à envier à ses prédécesseurs, quant à ses modulations black déchirées (aliénées sur « Cup of Mephistopheles » à 3:51) elle donneront une saveur non négligeable à cette atmosphère « dark ». Comme en présageait l’artwork (aux faux airs de
One Kill Wonder), une ambiance « BO horrifique » (Diabolical Masquerade ?) frôlant le grand guignolesque « Burton » (orchestrations et « spoken-word ») que l’on avait déjà entre aperçu sur
Autotheism mais d’un niveau tout autre ici et se fondant plus naturellement avec le reste. Et surtout cette nouvelle teinte sombre moderne portée par ces influences « indus/ambient » voire trip hop. Difficile de ne pas penser à l’urbain glacial d’un Ulver (
Perdition City, particulièrement sur « Cup of Mephistopheles » et l’intro de « The Terminal Breath »). Envoutant.
In Becoming A Ghost commence à nous convertir à son univers et on remettra la galette en platine avec un réel plaisir malgré de nombreux à-coups pendant le voyage. Des inégalités disséminées et reprises parfois à la limite du décrochage par un solo virtuose (au réel feeling je trouve), une vague « rentre dedans » ou un passage frissonnant. La conclusion « The Terminal Breath » assez terne et abrupte accentuera ce sentiment de frustration. A l’instar de
Planetary Duality on trouvera comme un arrière goût d’inachevé… Quel dommage que le groupe n’ait pas d’avantager pousser son aspect expérimental, le potentiel est juste immense. On en redemande. Les passages death pour contenter son auditoire paraîtront assez ternes finalement.
In Becoming A Ghost ou l’album qui aurait dû sortir après
Planetary Duality, tout simplement. The Faceless corrige le tir et la balance « directe » / « prog » en délivrant des morceaux calibrés redoutables ainsi qu’une ambiance envoûtante. On restera malgré tout sur sa faim, frustrés que le groupe n’ait pas accentué ses idées atmosphériques et ait bouché quelques trous par des fonds de tiroirs cassant un peu la fluidité. Si les Californiens affinent leur style je suis certain que l’excellence les attendra au bout du chemin. Alors amateurs de metal extrême technico-progressif sceptiques, mettez de côté l’étiquette Sumerian Records, vous ne trouverez quasiment plus rien de « core » ou d’excréments FM (clin d’œil à la nouvelle immondice pondue par Veil Of Maya). Tentez.
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