Depuis maintenant un quart de siècle la création de Dave Kibler n’a jamais changé son fusil d’épaule malgré un certain manque de reconnaissance, il faut dire que les nombreux mouvements en interne conjugués à de longues périodes de silence plus ou moins forcé (sans oublier une distribution parfois bancale de la part de ses anciens labels) n’ont pas aidé le combo de l’Illinois à se faire un nom. Pourtant celui-ci n’a jamais lâché l’affaire, autant dire que l’annonce de ce nouvel opus neuf ans après le très bon
« To Desecrate And Defile » était assez inespérée tant depuis celui-ci s’était fait comme d’habitude fort discret. Car hormis le Split avec FLESH GRINDER il n’avait plus proposé de nouveau son depuis 2010, une attente assez interminable dont on ne qu’espérer qu’elle comble les espoirs engagés de nombreux fans, ce qui sera heureusement le cas. Désormais forts d’un line-up stable et plus motivé que jamais les américains ne vont pas prendre de risques et vont se contenter de réciter leurs gammes, pour un résultat sans surprises mais aussi hyper compact et homogène, où la variété est de mise et sans faiblesses notables.
En effet pendant trente-cinq minutes ils vont enchaîner entre titres ultra-courts et d’autres plus longs qui feront office de conclusion, le tout sans perdre en cohérence ni puissance, d’ailleurs « Kill Then Fuck » qui démarre la bagarre va immédiatement donner le ton général. Ici ça va tabasser pratiquement sans discontinuer, où seuls quelques courts moments écrasants permettent de souffler avant le retour de tornade qui donne envie de partir à la guerre et d’éliminer tous ses ennemis. Sans concessions et particulièrement déchaîné cette entrée en matière montre que ses géniteurs sont au top de leur forme et ont particulièrement envie d’en découdre, comme pour évacuer cette trop longue absence de leur part. D’ailleurs avec plusieurs compositions ne dépassant pas les deux minutes (ou faisant à peine plus) ils ne veulent laisser aucun temps-mort tant celles-ci vont être d’une sauvagerie sans nom, à l’instar de « The Pussy Horde » qui arrive à jouer le grand-écart et à intégrer des parties très lourdes, malgré sa durée éphémère. Là-où il aurait été facile de matraquer en continu pour renforcer la radicalité de ses secondes en faible nombre, ici au contraire la variété est de mise encore une fois, avec notamment « Cumming With Labial Pulp » séparé en deux parties distinctes où le côté mitraillette du départ laisse place à des ambiances lourdes, suffocantes et oppressantes, pour un rendu imparable, à l’instar de « Parasitic Infestation ». Tout aussi réussi il voit ici la bande jouer les montagnes russes, vu qu’elle ne cesse de monter en puissance et de relâcher la pression, pour un rendu homogène et instinctif.
Cependant si le côté primitif est agréable il peut aussi vite lasser, du coup entre tout cela se sont joints d’autres titres plus travaillés qui risquent d’avoir leur succès en concert, comme par exemple « Meat For The Beast » qui laisse une place plus importante à un tempo bridé (mais qui n’oublie pas d’exploser le moment venu), et permet du coup de renforcer le mur sonore présent ici. Ce sentiment est confirmé sur l’énormissime « Whore Destroyer » particulièrement entraînant par des passages rapides à la double, et un riffing qui donne envie de headbanguer, tout en voyant l’ensemble être encore réhaussé par de nombreuses cassures où les hammerblasts côtoient la noirceur où l’éloge de la lenteur est reine, tout comme sur le tentaculaire « Something’s Dead ». A la fois toujours très classique dans l’esprit, il se fait aussi plus technique en mettant l’accent sur les ambiances occultes et gores, et prépare le terrain pour la doublette finale en approche. Celle-ci va accaparer à elle seule un tiers du temps imparti, n’hésitant pas à intégrer des moments plus longs, quel que soit leur rythme, afin que l’auditeur se fasse happer définitivement par la musique si ça n’était pas encore le cas. Restant dans la trame entendue jusque là on y décèle aussi un soupçon d’originalité qui ne dépareille pas avec le reste, même si en revanche la fin de chacun des deux morceaux s’étire inutilement en longueur, et aurait gagné à être raccourcie.
Mais ceci n’est qu’un défaut mineur tant cette galette fait preuve d’une vraie maturité de la part de ses créateurs qui sans sortir des sentiers battus arrivent à maintenir l’intérêt en proposant ce qu’il faut de variations, afin de conserver son attractivité et confirmer ainsi que ce cru 2018 risque de très bien vieillir. Et même quand ceux-ci se paient le luxe de ressortir du placard « Tampered Flesh » une vieillerie tirée de l’EP « Rejoice In Morbidity » (sorti uniquement en cassette en 1996 et réenregistrée pour l’occasion) qui montrait déjà un talent d’écriture implacable, on s’aperçoit que deux décennies plus tard la qualité d’écriture et d’exécution est toujours au rendez-vous. Avec en prime une production massive où la basse est parfaitement audible, on ne peut qu’être enthousiaste de voir ces vieux briscards revenir si brillamment et en pleine forme, alors qu’on était en droit de douter de leur retour aux affaires, tout comme de leur inspiration. En attendant que GORGASM retourne en studio et que DISGORGE se bouge enfin les fesses LIVIDITY comblera parfaitement les fans de Brutal Death pur et dur venu d’outre-Atlantique, et montre surtout qu’il ne fallait pas l’enterrer trop vite. En effet quoi de mieux que des vétérans qui maîtrisent leur sujet et donnent une vraie leçon musicale aux petits jeunes jouant du Slamming inécoutable et sans âme, qui croient maîtriser à tort les recettes de la brutalité la plus extrême, sans en avoir le talent ni la compétence.
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