Asthâghul est de retour. Bon, il faut le reconnaître : on s’y attendait un peu. Forcément, depuis la naissance du projet en 2017, le
frenchie est réglé comme du papier à musique, nous gratifiant d’un album par an (deux en 2018, rien que ça !), systématiquement sous l’égide de l’iconoclaste I, Voidhanger Records, dont les sorties régulières continuent de le faire grimper au sommet des
rosters d’exception. Esoctrilihum ne dépareille pas au sein de l’écurie, puisque son mélange de Black/Death, abâtardi d’influences et d’instruments incongrus (kantele, violon), en aura laissé plus d’un sur le carreau.
Sa productivité frise l'insolence, certes, mais elle inspire aussi le respect : pour un projet qui aligne à ce point les albums, Esoctrilihum peut se targuer d'avoir une discographie ne comptant aucune faute de goût notable. Pas exempte de défauts non plus, certes : difficile d'être irréprochable quand chacune de nos sorties taquine ou dépasse l'heure. Une chose est sûre, c'est qu'il faut suivre, et s’accrocher - j'ai moi-même découvert le groupe avec
"The Telluric Ashes Of The Ö Vrth Immemorial Gods " (et dix trains de retard), sorti l'année dernière. J'avais quelques griefs, et j'en ai toujours, mais je reste fasciné par ce projet. Des visuels jusqu'à la mythologie délirante qui se dessine au détour des paroles et de ces compositions alambiquées, et au risque d’utiliser une phrase toute faite : Esoctrilihum ne laissera personne indifférent.
Ben tiens, tant qu’à faire, restons dans le domaine de la référence usée, et disons tout net que je ressens, à l’écoute de ses sorties, la même fascination que quand j’ai découvert les écrits de Lovecraft : l’impression d’être le témoin de phénomènes qui me dépassent complètement. Un simple spectateur qui chope mal au crâne en tentant d’imaginer les créatures décrites (ou non) par leur géniteur.
«Eternity Of Shaog » est ainsi le récit d’un Dieu, vivant hors de l’espace et du temps, cherchant à s’échapper de la cage dans laquelle il est confiné. C’est au moins aussi perché que les errements du Maître de Providence, oui, mais pas de panique, Asthâghul est votre guide. Dix titres qui vont nous balader autour de cette bestiole massive… Et la route ne sera pas de tout repos !
Honorablement produit,
« Eternity Of Shaog » reprend à la lettre la recette de la « production Esoctrilihum » : une boîte à rythme gonflée, volumineuse, des guitares qui lui tiennent tête, une masse protéiforme à peine percée par les quelques notes de kantele et de violon pour les apports mélodiques, et un chant… Toujours aussi particulier. L’une de mes grandes frustrations dans le projet, pour être honnête : quand on sonne aussi grandiose, avoir une voix aussi rachitique (
« throat », comme le dit si bien son label) dessert quelque peu l’ensemble. Enfin, vu ce qui se joue, on en fait bien vite abstraction. Disons le simplement :
« Eternity Of Shaog », même s’il comporte quelques parties qui font grincer les dents, reste ce qu’Esoctrilihum a pu pondre de plus abouti, de plus fiévreux, jusqu’à présent. Et vu la qualité de ses précédentes sorties, ce n’est pas rien !
Une heure d’un Black/Death schizophrène. Asthâghul reste un compositeur fantastique, capable de coupler la brutalité sans retenue à des apports mélancoliques terriblement poignants : « Exh-Enî Söph » en est l’exemple parfait, alternant séquences blastées à la limite du brouillon et proto-refrains presque délicats (grâce au kantele, justement), dualité qui laisse sur le séant. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Esoctrilihum a beau rester fidèle à ses propres lois, il n’a de cesse de faire évoluer sa formule, au fil des albums. Si
"The Telluric Ashes Of The Ö Vrth Immemorial Gods " était terriblement psychédélique,
»Eternity Of Shaog » se veut beaucoup plus poignant, presque à fleur de peau : Shaog serait-il un Dieu triste ? Après tout, il y a du violon… Mais pas toujours bien utilisé (Le démarrage assez brouillon de « Aylowenn Aela » casse franchement les tympans) ! Par contre, quand il sonne juste, il fait mouche : en témoigne ce pont merveilleux sur «Thritônh », où la double-pédale fixe solidement un motif de cordes qui reste trèèèèès longtemps en tête… Malheureusement, et comme d’habitude avec Esoctrilihum, Il y a toujours quelques instants de flottement qui viennent briser la dynamique de l’ensemble : "Shtg ", par exemple, et son introduction de piano synthétique à l’extrême, qu’on croirait sortie d’un feuilleton à l’eau de rose… Et quelques petites arêtes qui gênent la dégustation, comme le carillon grave abrutissant de "Namhera ». Bon, je suis dur, les instants de bravoure dépassent largement ces quelques écueils, et rien que pour la fantastique doublette « Amenthlys »/ « Shayr-Thàs », oscillant entre puissance brute et grâce pure (avec toujours ces relents tordus),
»Eternity Of Shaog » vaut largement le temps passé à le déshabiller.
Sans surprise, donc, cette nouvelle fournée est d’excellente facture, pleine de petits défauts, certes, mais après tout, la perfection n'est-elle pas surfaite ? Asthâghul reste ce chef-d’orchestre passionnant, attachant, et fascinant dans les univers qu’il est capable de créer. Seul maître à bord de la première à la dernière seconde, complètement débridé, il s’emballe, oui, mais c’est un enthousiasme, et une ferveur, qui font plaisir à voir et à entendre quand la plupart des disques du genre semblent tous calibrés et obéir aux mêmes canons. Rafraîchissant.
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