Aria - Blood for Blood
Chronique
Aria Blood for Blood
Tout bon fan de death metal connait l'importance de l'année 1991 pour son genre fétiche. Certes, ce n'est pas l'année de la première sortie death metal et plusieurs classiques fondateurs ont été publiés peu avant ; il n'empêche que 1991 est l'année où le thrash metal, déjà concurrencé depuis l'année précédente, cède définitivement sa place hégémonique à Bolt Thrower, Carcass, Morbid Angel, Pestilence, Death et tant d'autres. Le heavy metal, lui, se fait discret depuis un certain temps et peu de nouveautés émergent, à l'exception notable du premier album de Skyclad, The Wayward Sons of Mother Earth, à une époque où les Anglais expérimentent bien plus un heavy/thrash "qui passe ou casse" que les sonorités plus folkloriques qu'on connait aujourd'hui. Et Aria, dans tout ça ? Les Russes sont eux aussi en pleine période trouble mais pour des raisons différentes. Octobre 1991 voit la sortie de leur cinquième album, Krov za krov chez Sintez Records et, deux mois plus tard, en décembre, l'URSS se disloque complètement, après des mois de sécessions internes. Dans un pays qui se détruit progressivement, à l'avenir incertain, les cœurs ne sont pas au heavy metal et le public déserte les concerts : Aria peine à attirer plus de 300 ou 400 personnes par date alors que leur notoriété est déjà établie depuis des années. Igra sagnom, malgré ses nombreuses qualités, se vend mal et Krov za krov suit la même trajectoire. Pourtant, si l'on omet le contexte politique difficile, on constate que ce cinquième album n'est ni plus ni moins que la troisième partie de la "trilogie dorée" (terme que j'ai construit moi-même) d'Aria avec leurs trois plus grands chef d'oeuvres que sont Geroi asfalta, Igra sagnom et Krov za krov. Je ne sais pas s'ils sont reconnus comme tels par les autres fans ; toujours est-il que c'est une trilogie que j'affectionne particulièrement. Alors, pourquoi parler de death metal au début ? Car Aria n'est pas insensible aux tournures extrêmes que prend le monde du metal. N'attendez pas pour autant de cet album des blast beats, des riffs en tremoli ou un chant guttural car l'influence n'est que mineure. Elle se fonde avant tout sur le visuel avec, sur la pochette, ce démon aux allures peu sympathiques, ce ciel rouge sanguinolent ou ces personnages crucifiés, thème cher à bon nombres de formation death metal, ou avec ce titre, traduisible par "Blood for Blood" - le thème des paroles de la chanson éponyme pouvant d'ailleurs être repris par certaines formations plus extrêmes puisqu'il évoque la crucifixion du Christ.
Avec un line-up presque identique, il ne faut pas s'attendre, en effet, à un tournant musical majeur, pour notre plus grand plaisir d'ailleurs. Seul Aleksander Manyakin rejoint la formation au poste de batteur, une arrivée qui pourtant se fait bien sentir puisque, pour un album d'Aria, la cadence se montre particulièrement soutenue. Qu'il s'agisse de l'opener "Farewell, Norfolk !" ou de "You'd Better Believe Me", la batterie impose un rythme particulièrement soutenu que l'on retrouve rarement dans les précédents disques. A tel point qu'il convient de nuancer cette cadence : on compte de nombreux passages cleans, qui constituent parfois la moitié ("Blood for Blood") voire la quasi-totalité du morceau ("All That Was Passed"). Parfois, le groupe tempère de différentes manières : avec une belle intro à la basse particulièrement longue dans "You'd Better Believe Me" ou avec une première moitié en "power ballad" dans "The Antichrist".
Pour un cinquième album, le défi était d'innover sans quitter ses racines. Peut-être est-ce dû au contexte politique ou au tournant extrême que prend le metal mais l'album se caractérise également par tout un tas de nouvelles sonorités moins joyeuses et légères comme on pouvait en entendre sur Igra sagnom avec "Kick Some Ass!" ou sur Mania Velichia avec "America is Behind". Ici, on aura plutôt droit à un rythme assez martial dans "Blood for Blood" avec ce refrain ultra fédérateur que tout bon fan se doit de hurler en concert. Citons également le riffing de "Demons" pour compléter les exemples de ce tableau. L'album n'est pas non plus dépressif pour autant avec quelques atmosphères plus légères, notamment le côté assez hard FM de "Zombie" ou l'excellent refrain power metal-like de "Follow Me!". De manière générale, comme pour les précédents disques ou comme pour tout clone d'Iron Maiden en général, les ambiances mélodiques sont souvent apportées par un couple de leads en tierce : "Farewell Norfolk !", par exemple, qui emprunte aussi quelques éléments à la scène power metal, "The Antichrist" qui pioche plutôt chez la formule Running Wild pour ses tremoli mélodiques, "You'd better Believe Me" qui montre que les meilleures mélodies sont parfois les plus simples ou même certaines parties de "Demons" qui montrent que le groupe nuance parfois ses atmosphères au sein d'un même morceau. Avec le duo étincelant Mavrin/Kholstintin toujours à bord du navire, on a également le droit à une nouvelle cargaison de soli plus inspirés les uns que les autres : "Farewell, Norfolk!" et ses excellentes harmoniques naturelles et sa partie instrumentale très inspirée, "Zombie" et sa démonstration de technique, "The Antichrist" et son mélange sweep / harmonies, "Demons" et son riffing de transition qui s'octroie quelques sweeps également et "All That Was Passed" et son solo bien plus hard rock. Rien à redire de particulier du côté du chant : Kipelov s'impose toujours comme l'un des meilleurs chanteurs de heavy et propose quelques refrains ou couplets cultes : "Farewell, Norfolk !", "You'd Better Believe Me", "Blood for Blood" et "Follow Me!" peuvent servir d'exemples.
Ni la dissolution de l'URSS ni l'évolution de la scène metal vers une tendance plus extrême et le désintérêt progressif pour le heavy metal n'ont donc raison de nos cinq Russes qui délivrent leur troisième chef-d’œuvre avec Krov za krov. Varié, inspiré, tentant par moments de nouvelles choses tout en restant solidement ancré sur ses positions Maiden-like, cet album riche en plein de bonnes choses s'impose aussi à tous les fans du genre. Toutes les belles histoires ont une fin, cependant : le contexte politique difficile oblige Aria à se mettre brièvement en pause à la sortie de Krov za krov, en 1991, pour ne reprendre du service qu'en 1995, alors que l'un des deux solistes, Sergei Mavrin, quitte le navire pour fonder son projet solo, marquant la fin d'une ère pour Aria.
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