Liquid Tension Experiment - Liquid Tension Experiment 2
Chronique
Liquid Tension Experiment Liquid Tension Experiment 2
Vous pensiez qu'ils s'en contenteraient ? Que nenni! Après un premier album prestigieux sorti chez Magna Carta Records en 1998, v’là-t’y pas que nos quatre gonzes de Liquid Tension Experiment remettent le couvert avec un deuxième opus, un an après, en 1999. Va pour une deuxième tranche de metal progressif instrumental ravageur et ravagé, donc. La première salve n'avait pas du tout à fait contenter l'insatiable appétit d'expérimentations de Mike Portnoy (batteur), John Petrucci (guitare) et Jordan Rudess (claviers), qui a intégré le groupe des deux premiers entre temps, Dream Theater. En effet, nos New-Yorkais étaient persuadé qu'il était l'homme qu'il fallait pour relancer cette machine un peu grippée. Tony Levin n'a pas laissé reposer son Chapman stick bien longtemps au vestiaire. Lui qui a joué avec les plus grands : Pink Floyd, Peter Gabriel, Yes, King Crimson et j'en passe, il devait vouloir continuer à muscler son jeu, bien qu'il soit déjà docteur ès-tapping dans la pratique de son instrument. Ça doit quand même l'éclater, la légende, de casser des bouches sur des riffs metal progressifs ravageurs. En tout cas, comme nous l'indique implicitement le groupe à travers le titre de l'un de ses nouveaux morceaux, Liquid Tension Experiment 2 fait prendre au projet qu'il anime une autre dimension. Toujours en violet et en vert ceci-dit, avec cette fois un effet psychédélique appliqué aux visages de nos quatre compères.
Dès qu'on a passé outre cette pochette un peu datée, ouvert la boîte en plastique et lancé le disque, « Acid Rain » confirme ce postulat et donne le ton d'une offrande encore plus aboutie qu'un premier effort, qui pouvait paraître, avec toute l'objectivité dont je suis capable, légèrement brouillon. Ce morceau rentre-dedans, aux riffs ciselés, percutants et avant tout efficaces, n'y va pas par quatre chemins et hisse le combo vers les sommets. Ces notes de piano qui le surplombent lui confèrent une mélodie fatale. Le pont groovy impulsée par la section rythmique offre un feeling débridé à l'ensemble et convaincra directement les amoureux du genre, qui sont face à un tube. Les soli que se disputent John Petrucci et Jordan Rudess finissent de lui offrir une aura emblématique et définitivement marquante. « Hourglass » les voit se « réconcilier » autour d'un magnifique duo piano/guitare acoustique, sorte de réponse magnifique à « State of Grace », sur le précédent opus. Ce sublime morceau terriblement intimiste conclut avec brio cette nouvelle offrande qui comporte elle aussi son lot de morceaux de bravoure. « Another Dimension » et sa rythmique martialo-orientale est aussi une grande révélation, notamment lorsque Jordan Rudess la parsème de ses sonorités synthétiques qu'il transforme à l'envi en jouant avec le joystick de son Korg. Tantôt hispanisant avec des sonorités d'accordéons et son Chapman stick salement groovy, tantôt agressif avec ses guitares metal bien chargées, l'ensemble fait l'effet d'un joyeux bordel, à l'image de l'album.
Mais c'est « When The Water Breaks », probablement mon morceau préféré de Liquid Tension Experiment, qui remporte la palme de l'épique. Cette montée en puissance à partir de 8'18'', après les expérimentations barrées où le piano de Jordan Rudess se taille la part du lion, justifie à elle seule l'écoute de ce disque. Les riffs qui en naissent sont terriblement accrocheurs, emblématiques, avec cette mélodie fulgurante créée par les accords de piano, décidément omniprésent. Le feeling clairement heavy des soli de John Petrucci, soutenu par un pattern classique mais percutant de Mike Portnoy, le rendent terriblement émouvant et habité. Tony Levin y brille également par son jeu foudroyant, où les notes aiguës fusent avec génie du Chapman stick, qu'il utilisera durant quasi tout l'album. Ce morceau cartonne décidément dans tous les sens, lorsque retentissent ces mesures en contre-temps jouissifs que nos musiciens maîtrisent à la perfection, tout en alliant ces plans virtuoses avec un sens éclatant de la mélodie, qui pouvait justement manquer à l'opus précédent. John Petrucci continue d'y explorer les territoires de la musique classique, comme il le faisait sur l'album Awake (1994) de Dream Theater par exemple, avec ses passages en shred extraordinaires. On pensera aussi, forcément, au cultissime « The Dance of Eternity », notamment à la fin de « When The Water Breaks », qui entreprend un riff metal progressif alambiqué de la même trempe. Rien que ça.
La créativité débridée des débauchés de Dream Theater, parlons-en. Pour sortir Liquid Tension Experiment 2 en juin et Metropolis, Pt. 2 – Scenes from a Memory en octobre de la même année, il faut quand même avoir une inspiration salement débordante. Tellement débordante que le guitariste en avait des migraines terribles, d'ailleurs, le forçant à prendre du Biaxin pour les apaiser. Ce qui a donné le titre « Biaxident », calembour un peu débile pour un morceau diablement réussi où Jordan Rudess démontre une nouvelle fois son immense palette au piano. John Petrucci était aussi probablement stressé par la perspective de l'accouchement à venir de sa femme Rena Sands. Il a d'ailleurs dû quitter ses petits camarades lorsque le travail de sa dulcinée a commencé, vers la fin du mois d'octobre 1998. Raison pour laquelle notre trois compères laissés en plan ajoutent malicieusement des samples de pleurs de bébé sur « When The Water Breaks », d'ailleurs. Mais pensiez-vous qu'ils allaient l'attendre sagement ? Que nenni, là encore! Pendant l'absence de leur guitariste, les trois zozos ne se sont pas tournés les pouces et se sont amusés à enregistrer une douzaine d'improvisations qui figureront sur l'album Spontaneous Combustion sorti sous la bannière Liquid Trio Experiment, en 2007. Parmi celles-ci figurent « 914 », sans guitare donc, retenue sur cet album. Bien que je sois sensible à cette inspiration totalement barrée qui plane au-dessus de ces morceaux, j'ai tendance à préférer quand les morceaux sont davantage travaillés et composés. « Chewbacca » et « Liquid Dreams » étaient eux aussi le résultat de ce jeu en trio ; John Petrucci y a ajouté des parties guitares composées à partir des accords improvisés par Jordan Rudess. L'ensemble pue le génie et démontre une fois encore la virtuosité de notre quatre fantastique, en restant de très bonne facture. En revanche, ces morceaux perdent en musicalité ce qu'ils gagnent en spontanéité et n'évitent pas les répétitions.
Ces divagations un poil foutraques n'empêchent pas l'album d'être pleinement réussi : l'alchimie entre ces quatre légendes du prog se ressent non seulement dans leurs compositions travaillées, mais aussi dans leurs jams totalement débridés et libérés de tout carcan. N'étais-ce pas à ça qu'était voué ce projet, finalement ? Depuis lors, mis à part quelques concerts enregistrés à la fin des années 2000 et sortis sur le label de Mike Portnoy, Ytsejam Records, ou encore quelques amusements chez Dream Theater, avec notamment le début d'« Acid Rain » joué lors du légendaire Live Scenes from New York (2000), dans lequel John Myung reprend avec sa basse six-cordes les fulgurantes parties de Chapman stick de Tony Levin, Liquid Tension Experiment a été mis entre parenthèses pendant de longues années. Je gage que le passage du temps n'aura en aucun cas affecté leur talent (clin d'oeil appuyé) et que la perspective de leurs retrouvailles a dû suffisamment les démanger pour qu'ils se réunissent à nouveau en 2020, enregistrent et annoncent un troisième opus prévu pour le printemps 2021. Espérons que les belles couleurs que ces quatre-là nous promettent parviendront à éclaircir un peu les temps sombres que nous traversons.
| Voay 7 Avril 2021 - 757 lectures |
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