Malgré l’immense succès rencontré par
State Of The World Address en 1994, l’histoire a montré que tout n’était malheureusement pas au beau fixe du côté des New-Yorkais de Biohazard puisque dès l’année suivante ces derniers verront en effet le départ de leur guitariste toupie, monsieur Bobby Hambel. Si la drogue c’est mal, m’voyez, l’abus d’alcool peut quant à lui être dangereux pour la santé... Un trop fort penchant pour la bouteille et toutes ces profondes dissensions qui en ont sûrement résulté seront ainsi à l’origine de ce départ "forcé". Une rupture qui, évidemment, ne sera pas sans incidence pour la formation de Brooklyn puisque c’est sous la forme d’un trio que le groupe composera et enregistrera ce quatrième album.
Un disque naturellement très attendu par tous les fans de la première heure (on rappelle à toute fin utile qu’
Urban Discipline, deuxième album de Biohazard, s’est tout de même écoulé à plus d’un million d’exemplaires) mais qui malheureusement va créer beaucoup de frustrations auprès d’une grande partie de ce même public... Une frustration dont je n’ai jamais eu conscience plus jeune mais qui aujourd’hui me paraît tout à fait concevable puisque finalement je la partage moi aussi désormais.
Pourtant
Mata Leão n’est pas ce que l’on peut appeler un mauvais disque. Du haut de ses trente-huit minutes, celui-ci se caractérise par une approche beaucoup plus simple et épurée que son prédécesseur affiché à près d’une heure. Un retour aux sources et à des sonorités Punk / Hardcore qui va instaurer une dynamique nouvelle et surprenante à la musique de Biohazard et ainsi apporter à ce quatrième album un côté nettement plus frontal et direct. Des titres comme "Stigmatized", "Competition", "Better Days", "A Lot To Learn" ou "Way" s’avèrent pour le moins rafraîchissants avec pour chacun d’entre eux la même liste d’attributs : accélérations Punk débridées, riffs simples et facilement mémorables, mélodies entêtantes et groove urbain toujours aussi efficace. De fait, il se dégage de
Mata Leão une urgence évidente que l’on ne trouvait pas nécessairement sur les précédents albums des New-Yorkais (ou bien en de plus rares occasions) ainsi qu’un sens de la contestation renouvelé (c’est d’ailleurs très clair dès le départ avec ces
"fuck the rules" scandés en choeur sur le refrain de "Authority"). Bref, le gamin de seize ans que j’étais à l’époque s’est rapidement laissé prendre au jeu de cet album, de son énergie Punk / Hardcore débordante, de ces cavalcades ultra-entrainantes et de cette rage sincère même si désormais peut-être un petit peu caricaturale (ouais, "fuck the rules" quoi...).
Vingt-six ans plus tard, que reste-t-il exactement de tout cela ? Eh bien pour être honnête, mon enthousiasme à l’égard de
Mata Leão en a pris un sacré coup dans l’aile. Si je reconnais à Biohazard qu’il lui en a surement fallu une sacrée paire pour surmonter toute cette pression, cette défection et être finalement là où personne ne les attendait vraiment, je n’éprouve plus désormais le même amour à l’égard de ce quatrième album. Car au-delà d’une certaine nostalgie (celle d’avoir été adolescent dans les années 90 et de s’être abreuvé de clips comme celui d'"Authority" avec lequel nombreux y ont découvert l’arrivée de Rob Echiverria, ex-Helmet, au sein de Biohazard), j’y vois surtout un album souvent trop simple (l’absence de Bobby Hambel se fait en effet cruellement ressentir avec notamment beaucoup moins de solos dispensés tout au long de l’album) et également beaucoup moins sombre que par le passé (si le groupe a conservé une street cred’ évidente, ça sent quand même beaucoup moins le désespoir que sur un
State Of The World Address). En effet, en dépit de cette énergie décuplée, de son côté toujours aussi contestataire et de cette fraîcheur effectivement surprenante, j’ai désormais beaucoup plus de mal à encore m’emballer pour ces riffs dont nombreux s’avèrent finalement beaucoup trop simples et faciles ("These Eyes (Have Seen)", "Stigmatized", "Competition", "Better Days", "A Lot To Learn", "Way", "True Strength"...). Certaines titres ("Waiting To Die") ou séquences comme par exemple ces dissonances sur "These Eyes (Have Seen)", ces percussions sur "Gravity" et toutes ces incartades Rap un peu maladroites ne sont pas non plus du meilleur effet et ajoutent à leur tour au sentiment de frustration qui entoure cet album, successeur d’une pierre angulaire dans le Metal / Hardcore. Reste les voix d’Evan Seinfeld et Billy Graziadei toujours aussi complémentaires et rageuses qui participent grandement à l’identité de la formation, le jeu ultra dynamique d’un Danny Schuler qui n’a rien perdu de son impact et aussi un peu de ce groove new-yorkais qui malgré la déception réussi quand même par moment à me faire gigoter sur ma chaise pendant que j’écris tout ceci ("Cleasing").
Servi par une production beaucoup plus dépouillée signée des mains du producteur Dave Jerden (Alice In Chains, Jane’s Addiction...),
Mata Leão n’a malheureusement pas réussi à répondre aux grandes espérances d’un public qui, forcément, attendait des New-Yorkais un album du calibre de
State Of The World Address. Une chose est sûre, le départ de leur guitariste Bobby Hambel ne leur a clairement pas fait du bien même si on imagine que pour les membres restants, celui-ci était inévitable. En attendant, on se retrouve avec un quatrième album sympathique pour son énergie, son aspect brut et direct mais finalement très décevant par sa trop grande simplicité, sa nature souvent générique et parfois même un peu bancale (notamment lors des phases Rap) et au final son cruel manque d’envergure. Bref, si l’adolescent énervé que j’étais a su y trouver son compte en 1996 (à l'inverse de Warner Bros qui n'a pas perdu de temps pour les remercier), le père de famille quarantenaire trouve désormais l’exercice limité et répétitif et s’en va réécouter avec la même passion qu’il y a bientôt trente ans l’indémodable
State Of The World Address.
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