Je dois l'avouer, il n'y a pas grand-chose que j'attends plus qu'une bonne guerre civile, mais je suis tellement impatient à l'approche de la sortie d'une des nouvelles offrandes de The Legion que je pourrais presque en oublier de lustrer mon fusil d'assaut devant l'approche de la vermine hippie. Trois ans après le génial
Revocation, lui-même sorti trois ans après le formidable
Unseen to Creation, The Legion sort son troisième et très attendu album
A Bliss To Suffer, et reste fidèle au label français Listenable. Je ne me faisais pas trop de soucis quant à la qualité du nouveau brûlot de ce qui est un des rares vestiges de la grandeur du black suédois, et de surcroît un groupe qui a réussi à imposer son style à la croisée du black et du death metal comme une évidence en très peu de temps. Encore une fois, j'ai été trop confiant ! Car si The Legion reste fidèle à son label, c'est son style qu'il trahit avec un culot jamais vu de mémoire de yaourt.
Je ne devrais normalement pas avoir à vous décrire le style pratiqué par The Legion jusqu'alors, vif, changeant, rapide, mélodique et efficace en toutes circonstances : du black/death sans concessions et sur lequel la mode n'avait pas d'emprise. Et bien ce style si hargneux pour ne pas dire haineux qui faisait toute la force des suédois prodiges s'en est presque entièrement allé. The Legion a juste changé son fusil d'épaule et enfilé la tunique de l'ennemi : l'infâme camp du black qui essaye de faire beaucoup trop dans l'efficacité au détriment de toute ambiance ou nervosité. Adieu les plans ultra techniques et froids, bonjour le trémolo qui varie sur la noire soutenu par une caisse claire bien marquée sur le temps, au cas où on aurait pu se perdre en chemin.
Globalement, le groupe a baissé le tempo moyen d'une bonne trentaine de points (et encore, je vise bas), et les passages purement black metal au tempo soutenu où Emil Dragutinovic peut s'en donner à cœur joie sont désormais en minorité. En parlant de Dragutinovic d'ailleurs, je me demande juste où est passé son jeu de descentes de toms, ses déplacements épileptiques, voire à certains moments son jeu de cymbale qui pourrait être bien plus étoffé, même sur un morceau avec quelques plans techniques comme « A Toil Beneath The Skin » il n'arrive pas à me souffler par son jeu, et c'est bien la première fois que ça arrive. Si il reste le gros point fort du groupe et de l'album en général, il a comme les autres perdu la magie qui démarquait les suédois de la masse.
Autre différence notable par rapport à
Unseen To Creation et
Revocation, le clavier est beaucoup trop mis en avant, et au lieu d'apporter la touche d'ambiance en étant très en retrait, il lui arrive carrément de supplanter les guitares dans la mélodie, sabordant ainsi complètement la dynamique de certains enchaînements. Je pense particulièrement au seul bon morceau de l'album, « Blood, Be Gone ! », et son passage vers 2 :30 qui se répète à la fin du morceau qui pourrait être l'œuvre de n'importe quel apprenti groupe de black symphonique. C'est bien simple, j'ai parfois eu l'impression d'écouter du Dimmu Borgir, vous savez ce groupe rigolo qui est au black metal ce qu'une cantine militaire est à la grande cuisine, la fin de « The Lurging Depths » en étant un exemple flagrant. Mais la déroute ne serait pas totale sans évoquer le chant ! Pourtant, c'est bien Lazr Martisson qui officie sur
A Bliss To Suffer, car bien qu'il ait déserté après la tournée de
Revocation, il est revenu au rapport peu avant l'enregistrement car le groupe ne trouvait pas de nouveau vocaliste. Manque de bol, il a complètement changé ses vocaux, passant d'un chant aigu et haineux à une voix beaucoup trop grave et ronde pour être convaincante, mais si ce n'était que ça, il n'y aurait pas péril dans la demeure. Non, le pompon, la cerise sur le gâteau, c'est bien qu'il nous gratifie de temps à autres de chœurs moisis avec une voix de gorge aussi horrible que peut l'être celle du dernier Keep Of Kalessin.
L'impression que donne
A Bliss To Suffer c'est bien d'ailleurs que The Legion a essayé de prendre le même chemin que Keep Of Kalessin avec
Armada, en s'orientant vers un black metal teinté de death voire de thrash, qu'on pourrait simplement qualifier de « moderne ». Autrement dit, The Legion a évolué vers le moins : moins rapide, moins brutal, moins froid, moins technique, moins hargneux, moins inspiré surtout, ou un mot : infiniment moins bien.
A Bliss To Suffer essaye donc de faire dans l'efficacité avec des plans ultra communs qui auraient été impensables chez eux il y a encore trois ans, des accords dispatchés à outrance sans enrobage mélodique particulier, des tempos ridicules, une absence totale et systématique de montée en puissance qui font comprendre que cet album a été composé à la va-vite, bref un vide presque total qui n'est qu'en partie comblé par le jeu lacunaire de Dragu. Il suffit d'écouter les deux premières minutes de « The Reaping Of Flesh And Blood » ou l'intégralité du merdissimal « A Curse For The Dead » (qui malgré les apparences n'est pas une menace envers notre webmaster adoré) ainsi que tant d'autres morceaux pour comprendre que quelque chose s'est cassé, que tout ce qui faisait l'originalité de ce groupe a rendu les armes.
Bien sûr, certains trouveront un intérêt à cet album, qui n'en est pas totalement dénué : « Call Of The Nameless Black » s'écoute tranquillement malgré un passage central hautement soporifique et « Blood, Be Gone ! » pourrait presque être un vieux morceau sans son clavier minable et son chant irritant. D'aucuns préfèreront sans doute
A Bliss To Suffer aux précédentes réalisations du groupe et je les comprends : cet album est bien plus accessible, tant sa composition est facile et ne sollicite jamais l'auditeur léthargique qui se laisse emporter dans ce flot de médiocrité. Je serais toutefois de mauvaise foi si je ne vous parlais pas d'une des rares choses qui ne soit pas ici ratée : la production. Entièrement faite par les membres du groupe, elle s'avère moins convaincante que les précédentes mais sauve les meubles : tous les instruments se font entendre et elle est globalement équilibrée, malgré un clavier beaucoup trop en avant. Elle est aussi trop ronde à mon goût, manque d'agressivité et de mordant (les morceaux y sont pour quelque chose aussi !), et l'espacement y est assez mal réparti, la batterie étant confinée au centre du mixage, mais sa trop grande clarté a le mérite de faire laisser transparaître les arrangements sans les dénaturer. Mais une production décente n'est rien sans de bonnes compositions, et on ne peut pas dire que
A Bliss To Suffer en comporte, car de ce côté-là, c'est une déroute à tous les niveaux. J'en vois déjà certains me dire que je critique une fois de plus l'évolution d'un groupe, et je vous répondrai que oui, il y a matière à critique car cette évolution s'est faite vers la banalité et la simplicité, trahissant au passage une cohorte de fans au nombre desquels je me revendique.
La pilule du retournement de veste était vite passée avec Keep of Kalessin, qui n'était pas un groupe que j'adulais, elle a été un peu plus dure à avaler avec Watain, mais au moins, les lanceurs de rats ont eu l'intelligence de s'engager totalement sur une nouvelle voie et faire table rase du passé. C'est avec
A Bliss To Suffer que j'ai pour la première fois eu honte d'admirer un groupe, car The Legion ne change pas du tout au tout sa recette auparavant miracle, il la saborde juste complètement, en la rabaissant à des degrés de qualité communs voire carrément médiocres. Avec le talent de composition de ce groupe, son niveau technique, sa hargne et son envie, qui n'ont malheureusement pas ici été sollicités, on se demande comment une telle Berezina a pu être enfantée par les suédois.
A Bliss To Suffer n'est pas seulement un piètre album, c'est un suicide organisé, une balle que The Legion s'est volontairement tirée dans le pied. Je ne saurais expliquer cette débâcle monumentale, qui résulte très sûrement d'une lassitude générale (à moins que ce ne soit que la nullité de Devian qui ait donné des idées à Emil), mais le résultat est là : cet album est aussi agréable à écouter qu'un râle d'agonie. J'espère juste que dans trois années le groupe ce sera repris et retrouvera tout ce qui a fait sa grandeur, histoire que
A Bliss To Suffer ne marque effectivement pas l'agonie d'un fils prodigue parti dilapider son talent en vain. En attendant, si vous aimez le vrai The Legion, et que vous pensez comme moi que les noms de Keep Of Kalessin et Dimmu borgir ne devraient normalement rien avoir à faire dans cette chronique, un seul mot d'ordre :
boycott.
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