Josh Homme est un peu un prototype du mec qui sort du Stoner-rock. C'est vrai quoi, il a toujours une chemise à carreaux, il fume sur quasiment toutes les photos et il a souvent des lunettes de soleil. C'est un peu notre copain à tous. Pourtant, il refuse visiblement catégoriquement d'être affilié au genre musical qui porte le nom de son look de prédilection. Ceci dit, Joshua a quand même un passé dans Kyuss et vous conviendrez que ça n'aide pas vraiment à se détacher de l'étiquette. En plus, il en rajoute une couche en mettant « Stone » dans le nom de son propre groupe lorsque les types de Palm Desert s'embrouillent et décident de splitter.
Après cette petite aventure piquante comme un cactus et porteuse de l'excellent « Welcome to the Sky Valley », Josh en a marre d'être un Homme, un vrai et de jouer du gros rock qui parle de rouler en voiture sur des routes désertiques en ligne droite (où l'on peut difficilement faire le plein en plus de ça). C'est ainsi que naît Queens of the Stone Age et son premier album éponyme qui sent quand même encore fortement l'héritage Kyussien. En fait, c'est avec le disque du jour que le rouquin dégaine sa carte « girly » pour la première fois. Ayant au passage récupéré un autre ex-Kyuss en la personne de Nick Olivieri, « Rated R » met du pneu, du paracétamol, du henné et de la C-C-C-Cocaine dans sa weed et se diversifie tant aussi bien musicalement qu'en proposant un concept ou au moins un fil conducteur global qui servira la musique. Soit dit en passant, ce projet sera développé et amélioré sur l'album suivant
(« Songs for the Deaf » : le véritable succès mondial du groupe).
Selon ce qu'on peut lire sur la pochette de l'opus, singeant habilement le comité de surveillance des films américains, « Rated R » est donc interdit, partout, pour tout le monde et tout le temps. Il est d'ailleurs amusant de voir que le groupe à mentionné dans le livret ce que chaque chanson pouvait contenir en termes d'abus. Si le concept global s'est donc un peu affiné en proposant quelques subtilités (plus proche d'un aspect décomplexé que d'un essai sur l'inflation post-1929 quand même), la musique n'est pas en reste. La première chose qui choquera l'amateur de l'éponyme sera l'évolution du chant. Si Homme était auparavant le seul chanteur, ils sont maintenant une pléiade - il y a même Rob Halford, c'est dire - et il est évident que ça se ressent ! Ainsi, par exemple, Mark Lanegan pousse la chansonnette sur « In the Fade » et Nick s'égosille joyeusement sur la très virulente « Quick And To The Pointless ». Tout ceci contribue évidemment à apporter une bonne grosse dose de variété à la formation qui peut maintenant se permettre d'assurer différentes ambiances sans trop risquer que la voix ne suive pas. On pourra aussi ajouter que le travail sur le son et la production est exemplaire. Chaque riff a sa guitare au son parfaitement égalisé, sa basse parfois motorisée, parfois douce et ronde et surtout, sa propre patte sonore.
On notera aussi un travail bien plus fouillé sur les compositions. Quels rapports entre cette ouverture purement Rock'n'roll qu'est « Feel Good Hit Of The Summer » et la piste suivant « The Lost Art Of Keeping a Secret » qui se fait bien plus douce et rêveuse ? Malgré leurs différences, ces deux pistes sont pourtant intimement liées par ce feeling propre au groupe qui sera au final le fil d’Ariane Rock'n'Stoner consolidant d'une main de maître l'homogénéité du disque. C'est sûr, ces types ont du groove et ils savent ressortir au moment opportun leur amour de Black Sabbath et leur savoir-faire du riff suintant l'huile du Quarter-Pounder-With-Cheese (« Tension Head »). En plus de savoir jouer, notre clique de californiens possède autre chose : à savoir des idées... En effet, ce petit coup de punch qui reprend le début du premier titre et le greffe à la fin de « In The Fade » surprend l'auditeur d'une manière bien agréable. De même, « Lightning Song » et son ambiance à base de « Planet Caravan » sur-dosée en harmonies diverses et aux arrangements précis permet à l'auditeur d'avoir un moment de contemplation bienvenu. Que dire aussi d'un « Better Living Through Chemistery » qui propose en plus d'un riff absolument énorme ainsi que ce pont psychédélique où les chœurs angéliques semblent se fondre avec les guitares tournoyantes ? Sans oublier d'autres surprises, notamment via une inspiration très présente du Grunge qui offre quelques moments de musique made in Seattle très bien envoyée.
Il serait facile d'énumérer les titres de l'opus et de balancer qu'ils sont tous bons. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est le cas... Comment résister à la longue montée d'un « I Think I Lost My Headache » qui propose une progression réglée comme une pendule et alterne entre passages au chant lointain et aérien et six cordes concises, aiguisées et taillé dans la pierre. En fin de compte, Queens of The Stone Age sait prendre le meilleur du genre qui l'a formé pour y puiser son inspiration et le greffer à merveille avec d'autres styles. En s'édulcorant, Josh Homme ne se vend pas aux sirènes de la musique de masse, il grandit. Apaisé tout en conservant une forte racine Hard Rock, « Rated R » semble laisser plus de place à l'esprit, aux digressions mentales et aux passages planants. Comme s'il allait déclarer la première guerre mondiale, le groupe enchaîne les diversions comme les événements super pétés dans son propre disque et ça, ce n'est pas rien ma bonne dame.
Si on veut la faire courte, « Rated R » est parfait de bout en bout. Il sait aussi bien doser sa violence que la laisser exploser. Il sait aussi bien cloîtrer ses ambiances que les sublimer. Il connaît parfaitement les recettes à l'ancienne mais il n'hésite pas à sauter dans le tas de la nouveauté. Il peut faire pleurer les filles et faire bander les garçons. Il peut aussi faire mouiller les filles et faire pleurer les garçons d'ailleurs. Le troisième sexe, en quelque sorte. C'est bien simple, c'est un peu comme vrombir en douceur. On peut aussi bien faire l'amour que casser la gueule à un plouc en l'écoutant. En plus, dans les deux cas, on aura une certaine classe. Le crypto-stoner (« Robot Rock », selon les termes du fondateur, mais je trouve que ça fait un peu trop Daft Punk...) de Queens of the Stone Age a autant d'allure que Vogue qui publierait un article sur les péquenauds ou qu'une prostituée en Jimmy Choo. Et si c'était ça, la modernité ?
« I'm reclaiming their minds
Destroying everyone
There's no one here
And people everywhere, you're all alone »
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