La montée en puissance de Benighted au fil des années est éblouissante : du petit combo que j’avais vu par hasard à l’époque d’ « Insane Cephalic Production » (2004) au Clos Fleuri (un bar PMU dans le 3e arrondissement de Lyon, fermé depuis) au groupe devenu référentiel et qui aligne autant de dates en un an qu’un ado des boutons lors d’une poussée d’acné, Benighted n’a plus vraiment besoin d’être introduit, et c’est mérité. De multiples changements de line up advenu ces derniers mois auraient pu fragiliser l’existence du groupe, notamment le départ d’Olivier et de Kevin, mais finalement Emmanuel Dalle (qui a composé une grosse partie de ce « Necrobreed », comme quoi il s’est vite senti à l’aise !) et Romain Goulon (qu’il me semble inutile de présenter) ont pris rapidement leurs marques et intégré un line up qu’on dirait plus solide que jamais. Ce qui nous amène à poser aujourd’hui un avis, un peu après tout le monde, histoire de se sentir « différent » (ou « à la bourre », c’est selon) sur le 8e album des Stéphanois, « Necrobreed ».
Comme j’arrive après la guerre, vous l’avez tous déjà écouté, réécouté, et sans doute mis de côté pour y revenir dans quelques temps ; pour ma part j’ai fait exactement pareil, beaucoup d’écoutes à sa sortie puis une période d’accalmie avant de le refaire tourner, pour voir comment il mûrissait après quelques semaines. Le sentiment général reste bon et positif, et je ne prends pas un gros risque en affirmant qu’il agrémente plutôt bien une disco déjà bien classe. La disparition flagrante des mosh parts et la hausse improbable d’une brutalité déjà bien marquée ont eu leurs partisans et détracteurs ; je suis encore partagé pour ma part, si j’ai adoré le côté très frontal omniprésent (« Reptilian » ou la très grind « Necrobreed » en tête), des titres plus ‘midtempos’ (on se comprend) auraient gagné à avoir un peu plus de groove comme par le passé, à l’image de ce « Monsters Make Monsters » qui expédie son refrain en quelques secondes… Quelques secondes d’accalmie ici et là pour casser des cervicales auraient pu bonifier certains morceaux et leur donner un côté plus mémorable, selon moi. « Cum With Disgust » et « Versipellis » sortent du lot sur ce sujet, bien que restant dans la fulgurance de BPM, grâce à leurs refrains « sing along ».
A contrario, comment ne pas adorer un album qui va toujours plus vite, ce qui était flagrant lors de la date au Fil de Saint Etienne pour la release party : on se disait, révélation faite « mais … ça se remet toujours à blaster !! » et c’est vrai, écoutez « Psychosilencer », le titre démarre sur une fausse mosh part et BAM ça part en blast, rien ne les y obligeait mais putain ça dépote ; et ça ne s’arrête jamais vraiment. Idem pour moultes passages où le père Goulon accélère sévèrement le tempo, alors que d’autres patterns étaient envisageables, mais non faut que ça blastouille (et moi, j’aime bien je l’avoue). C’est un peu comme si la vitesse de croisière de l’album était bloquée sur « ultra rapide », et que de temps en temps on revenait à « juste très rapide » par erreur, avant de repartir de plus belle. C’est sacrément étourdissant parfois, mais ça passe bien, et je trouve ce « Necrobreed » très digeste malgré sa brutalité exacerbée.
Comme lu en interview, une grosse partie a été composée par Emmanuel Dalle. L’art de la composition du titre parfait ne comporte pas vraiment encore de secret pour le guitariste, qui aligne parfois juste avec un peu trop de souci des convenances les riffs : j’aurais aimé ici et là un peu plus de folie et surtout de spontanéité, là où certaines parties sonnent très pro et parfois trop. Ne me faites pas mentir, ce mec reste un excellent compositeur mais justement peut être trop axé sur ce volet « le morceau rentre dans le moule de ce qu’on cherche à faire », et pas assez parfois sur le délire « on shoote un riff en répet et on voit si ça colle avec le reste, tiens balance un tempo funk pour rigoler, on va garder cette mosh part elle envoie aussi » ; ce qu’un album comme
« Icon » arrivait plutôt bien à faire. Il est possible aussi qu’avec la stature actuelle de Benighted il était devenu nécessaire de monter le niveau de composition…
Je ne m’attarderais pas sur les guests qui n’apportent pas grand-chose à mon sens, « c’est des potes et on les fait apparaitre sur l’album » et ça le fait très bien sans donner une dimension extraordinairement enrichie aux titres (notamment « Forgive Me Father », à mon sens le titre le plus faible de l’album malgré l’apparition de Trevor de The Black Dhalia Murder) : Julien a bien assez de coffre pour se suffire à lui-même ! Oserais-je une phrase pour souligner une énième fois la qualité vocale monstrueuse de ce solide gaillard, qui nous fait passer par toutes les variantes de chant brutal possible sans sourciller ni suffoquer ? Oui, j’oserai. La grande classe, comme d’hab.
Et attardons aussi un peu sur la partie « ambiance », vous avez lu ici et là que le concept des paroles amené par Julien était cette fois basé sur un charmant bonhomme s’habillant de peaux d’animaux morts pour se sentir en sécurité (je le fais régulièrement avec des peaux d’anciens chroniqueurs de Thrasho, je n’ai jamais eu froid cet hiver, on a des stocks remplis à bloc !) ; au-delà des lyrics qui sont cohérentes (OUI j’ai écouté l’album avec le livret des paroles dans les mains) dans la montée en puissance de l’histoire, c’est surtout que l’aspect glauque / poisseux voulu par le thème se dégage assez ostensiblement de l’album, donc c’est une réussite et pas juste un gimmick pour donner un thème à l’album.
En bout de course, et en fin de chronique, il est légitime d’ajouter dignement ce « Necrobreed » à sa collec’ de skeuds de Benighted, ce qui est surement déjà fait par chez vous. Prod impeccable, album sérieux, groupe au capital sympathie de fou, si j’ai exprimé quelques bémols ici et là c’est uniquement afin que le chèque que le groupe me signera après cette chronique reste une démarche de corruption masquée par un vernis solide de professionnalisme journalistique. Et puis mon avis on s’en cogne, vous avez tous déjà slammé / pogotté sur la plupart de ces titres récemment vu comme les Stéphanois écument les scènes de France et de Navarre (quel veinard ce Navarre, tous les groupes passent jouer chez lui). A vous les studios.
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