L’heure de la revanche a visiblement sonné pour les trois frères les plus renommés de la scène extrême mondiale, bien décidés à retrouver leur place au sommet de la hiérarchie du Death brutal, acquise à force de tournées marathons aux quatre coins du globe depuis plus d’un quart de siècle. En effet le trio devait remonter la pente après une précédente livraison en demi-teinte qui le voyait ralentir légèrement l’allure mais surtout rallonger inutilement ces compos, tout en poussant plus loin la démarche entrevue sur
« The Great Execution ». Cependant si sur celui-ci tout se passait correctement sur « Forged In Fury » au contraire l’ensemble se retrouvait noyé dans la masse (malgré des qualités pourtant nombreuses) vu que ça s’étirait beaucoup trop inutilement et que l’intérêt décroissait au fur et à mesure que l’on avançait dans l’écoute. Du coup les brésiliens ont visiblement tenu compte des critiques à ce sujet et proposent presque un retour aux sources avec des titres moins longs que ces dernières années, vu que la durée globale est de trente-huit minutes, soit leur album le plus court depuis
« Works Of Carnage » en 2003. Cependant bien qu’étant plus brut et primaire que l’orientation musicale prise lors de cette décennie, ce onzième opus conserve la variété plus importante observée depuis
« Assassination » tout en se faisant plus concise et directe.
Du coup cette galette va mélanger habilement les deux périodes même si c’est la dernière qui est mise à l’honneur dès le départ avec le redoutable morceau-titre, qui pendant six minutes nous sort toute la panoplie de ses créateurs. Alternant entre tabassage massif et passages tribaux (tout en n’hésitant pas à accélérer ou ralentir massivement) ce cru 2018 commence de la meilleure des façons en ne reproduisant pas les rallonges inutiles d’un passé récent. Ultra-classique sur le fond comme la forme il n’en reste pas moins redoutablement accrocheur confirmant ainsi que les sud-américains sont en pleine forme, constat qui va se confirmer dans la foulée avec l’excellent et explosif « Demonic III ». Avec sa lourdeur exacerbée et ses riffs découpés il privilégie la sensation d’écrasement, même si les blasts surhumains sont toujours là, et l’on s’aperçoit progressivement du retour d’un KRISIUN plus primitif même s’il est encore en concurrence avec sa version plus actuelle. Car plus l’écoute s’avance et plus cette facette originelle va ressortir du lot, sans pour autant qu’elle délaisse les arrangements plus recherchés, comme avec « Devouring Faith » qui a tout pour devenir un classique. En effet il n’y a aucun doute qu’il va cartonner sur scène tant il se montre entrainant et remuant quand il le faut, bien calé entre deux rafales de haute vitesse dont le rendu et le riffing nous renvoient vers
« Southern Storm », ainsi qu’avec « Slay The Prophet » martial à souhait et plus rétro dans l’esprit. Totalement inspiré de leurs compos du début des années 2000 on a droit à de longues séries de frappes régulières et puissantes agrémentées d’un nombre de bpm particulièrement élevé, tout en voyant quelques cassures ici et là pour éviter de sombrer dans la répétition, avec comme résultat une des compos les plus radicales de cette galette.
Cependant « A Thousand Graves » n’est pas en reste et va déboucher les écoutilles de manière fracassante, tout en n’oubliant pas de laisser un peu de place à un mid-tempo redoutable de précision qui donne envie de secouer la tête comme il faut, et d’entraîner l’auditeur dans une folie destructrice qui conclura les hostilités de manière monstrueuse. Dense et très variée, cette compo courte va servir de rampe de lancement à celles qui vont suivre et qui dureront elles aussi dans les quatre minutes au maximum. Car avec « Electricide » et « Abysmal Misery (Foretold Destiny) » ça ne va pas s’éterniser non plus tout en mélangeant de nouveau les deux époques avec un côté tribal et lourd qui intervient à plusieurs reprises au milieu des déferlantes pour la première, et du côté de la seconde ça fracasse sec au début et à la fin tout en soufflant en son milieu par un rythme plus posé, afin de reprendre ses esprits avant de conclure. Et comme pour faire un ultime pied de nez à son auditoire, et afin de le surprendre une fois encore, le réussi « Whirlwind Of Immortality » est un copier-coller assez similaire de celle par qui tout a commencé, à la fois sur sa durée comme sur son écriture. Car tout y passe là-encore avec pas mal de contretemps qui offre un côté moins régulier et plus étonnant, même si on reconnait très bien la patte des frangins.
C’est d’ailleurs ce qu’on retient une fois l’écoute achevée tant avec les années leur style bien à eux a conservé sa fraîcheur et son instinct bas du front, même s’il s’est amélioré techniquement. Certes ça n’est sans doute qu’une sortie de plus dans leur désormais conséquente discographie mais elle trouvera sans peine sa place au milieu des autres vu qu’il n’y a aucune baisse d’intensité ou de linéarité (contrairement à leurs deux dernières livraisons) et on ne peut qu’approuver ce retour au son compact des origines et à la production impeccable, signés encore et toujours Andy Classen. Si la fureur absolue de « Black Force Domain » ou
« Conquerors Of Armageddon » semble être définitivement évanouie dans la nature elle se fait dorénavant différente comme pour mieux s’apprécier, bien calée au milieu d’ambiances plus écrasantes mais tout aussi destructrices, et surtout moins clairsemées que sur les deux précédentes sorties. Sans changer son fusil d’épaule et sans se réinventer le groupe a visiblement (re)trouvé la bonne formule à cheval entre deux époques et sans s’éterniser, celle qui lui convient le mieux finalement.
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