Regonflé après le solide
Infernus qui voyait le groupe revenir sur le devant de la scène, Hate Eternal était attendu au tournant pour ce nouvel album paru en octobre 2018 chez les Français de Season of Mist. Il est vrai qu'avec des sorties moins réjouissantes que par le passé (
Fury & Flames et sa production abominable,
Phoenix Amongst the Ashes en mode on tourne en rond) ainsi que des changements de line-up à répétition, la bande d'Erik Rutan avait perdu pas mal de sa superbe. Auparavant l'un des fers de lance de la scène brutal death au début des années 2000 avec la tornade à riffs
Conquering the Throne puis l'ultra intense
King of All Kings (auxquels on pourrait rajouter le plus varié mais toujours recommandable
I, Monarch), le combo avait fini par rentrer dans le rang. Le regain d'intérêt suscité par
Infernus laissait alors espérer de belles choses pour
Upon Desolate Sands qui se devait de confirmer le retour en forme de Hate Eternal.
On note déjà une nette amélioration au niveau de la pochette magnifique d'Eliran Kantor, peinture superbe dans le même esprit que celle d'
Infernus en bien plus réussie (non, je n'aimais pas Laurent Blanc avec son sac à dos ! ). Les Américains subissent toutefois un énième changement de personnel puisque le talentueux Chason Westmoreland n'a pas fait long feu derrière les fûts. On ne perd pas au change, bien au contraire, son remplaçant étant trouvé en la personne de Hannes Grossmann qu'on ne présente plus (Blotted Science, Triptykon, ex-Obscura et Necrophagist). Le duo Erik Rutan/J.J. Hrubovcak reste lui toujours d'attaque depuis trois albums. Quant au contenu et comme on pouvait s'y attendre de par les similitudes entre les artworks,
Upon Desolate Sands s'avère la suite logique d'
Infernus. En plus abouti. Erik Rutan balance ainsi toujours son brutal death épique et dominateur qui prend sa source dans le Morbid Angel des années 1990-début des années 2000, période pendant laquelle Rutan accompagnait Azagthoth. Sauf que le bonhomme n'hésite plus à lever le pied davantage, diversifier sa musique, développer les mélodies et insuffler de l'émotion. Ce qui nous donne un album à la fois intense et varié, nous offrant à peu près tout ce que le brutal death peut apporter. De la brutalité évidemment, déjà. Car si le trio varie bien ses rythmiques jusqu'à clore l'opus par deux morceaux sans le moindre blast sur "Upon Desolate Sands" et ses arrangements épiques orientalisants (sonorités qui vont de paire avec les sables du titre) et l'hommage "For Whom We Have Lost", les blast-beats foudroyants et les salves de double pédale ont encore largement le droit de cité parmi les élans thrashy bienvenus (tchouka-tchouka !), les mid-tempos et autres cadences plus ou moins véloces. Un peu trop pour la double d'ailleurs. On savait le père Grossmann agile dans l'exercice du blast, il ne déçoit pas ici avec quelques accélérations pas piquées des hannetons assez impressionnantes qui laissent une grande partie de la concurrence sur le carreau ("The Violent Fury" qui ouvre l'opus sans ambages, "What Lies Beyond" succédant à un début où l'on sent poindre la menace qui arrivera vite, "All Hope Destroyed" ou la tuerie intégrale, "Portal of Myriad" après une courte introduction calme et dissonante, "Dark Age of Ruin" qui commence par des rafales de double sur une ambiance bien sombre avant le déferlement, etc.). Erik Rutan y impose avec conviction son growl souverain (fréquemment doublé), toujours l'un des plus redoutables du circuit même si je le trouve un poil trop étouffé dans la production. Une production ultra musclée qui n'en fait pas trop pour autant, comme ça a pu être le cas avec l'homme aux manettes du Mana Recording Studios et sa manie de compresser tout à mort. Le mix bien équilibré laisse lui tous les instruments s'exprimer de façon claire et limpide. Bon, comme d'habitude, la batterie s'avère un peu trop en avant, mais rien de choquant et vu l'effet bulldozer jubilatoire engendré, on ne va pas trop se plaindre. Du groove il y en a aussi, Grossmann étant un batteur suffisamment polyvalent et J.J. Hrubovcak un bassiste qui n'a pas peur de se faire entendre. Même le riffing de Rutan laisse de la place pour quelques déhanchés. Il faut d'ailleurs encore une fois saluer le travail du stakhanoviste américain sur ce
Upon Desolate Sands des plus riches qui fourmille de subtilités. La patte Rutan transpire de partout. Peu de guitaristes de brutal death possèdent leur propre style, lui en fait partie. Son riffing nerveux et bouillonnant, tantôt ambigu et complexe, tantôt plus simpliste et efficace, est un véritable plaisir à entendre et décortiquer. D'autant qu'il affine toujours plus sa technique et enrichit toujours plus son registre, notamment de mélodies. Si celles-ci se font le plus souvent noires et radicales, certaines prennent des atours plus lumineux. Les solos s'avèrent ainsi de toute beauté, peut-être bien les meilleurs qu'ait jamais composés le musicien ("What Lies Beyond" à 2'24 sur les blasts, le final de "Vengeance Striketh", "All Hope Destroyed" à 4'06, "Portal of Myriad" à 1'53 un peu à l'orientale, "Upon Desolate Sands" à 3'38 ...). Preuve de la large palette d'émotions que peut nous offrir Rutan, l'outro instrumentale "For Whom Whe Have Lost" aux touches aériennes où se mêlent tristesse et nostalgie conclut l'album par une note poignante splendide.
Un vrai travail d'orfèvre, la grande classe ! On croisera néanmoins quelques ratés comme ce riff mid-tempo assez générique qui ouvre "What Lies Beyond" (heureusement vite balayé d'un revers de blasts), ce motif sautillant incongru à la fin de "Dark Age of Ruin" ou, plus dommageable, la quasi intégralité de "Nothingness of Being", LA faute de goût du disque. Un morceau uniquement mid-tempo qui se veut sombre, inquiétant, tellurique mais qui est juste mou et chiant. Il aurait d'ailleurs très bien pu figurer sur le dernier Morbid Angel, l'insipide
Kingdoms Disdained. De toute façon, on ne le répétera jamais assez, Rutan n'est jamais aussi convaincant que quand il bourre et laisse s'échapper toute la rage en lui (hors élans les plus mélodiques). Autre preuve, "Upon Desolate Sands", lui aussi blast-free, n'est pas non plus le morceau le plus marquant, sans être mauvais toutefois comme ce "Nothingness of Being" qu'on préférera oublier. Ce qu'on arrivera à faire assez facilement tant le titre suivant "All Hope Destroyed" colle une mandale historique. La meilleure piste de
Upon Desolate Sands (gloire à ses influences thrash et ses accélérations blastées jouissives sur du riffing impitoyable) et sans doute une de mes préférées composées par le groupe.
Quelques fausses notes pour tout un tas de motifs de satisfaction. Si
Upon Desolate Sands n'est pas parfait, il n'en reste pas moins une belle réussite. Marchant sur les traces d'
Infernus qui avait redonné confiance en la Haine Éternelle, ce septième album confirme la renaissance du combo. Rutan arrive à insuffler à sa musique une palette d'émotions bien plus large que chez le groupe de brutal death lambda. C'est ce qui fait toute la différence. Ça et tout un tas d'autres choses bien sûr comme ce riffing typique implacable, le feeling mélodique développé (ouch ces leads !), une vraie ambiance ou encore la brutalité éreintante des séquences les plus radicales (ça va blaster, chérie !). Cela me réjouit de revoir à un tel niveau Hate Eternal, un groupe que j'avais commencé à enterrer. Une grossière erreur car il vient de pondre son meilleur album depuis
I, Monarch.
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