Comment ça?! Le dernier Hate Eternal a débarqué en août et n'a toujours pas été chroniqué sur Thrasho?! Qu'est-ce que c'est que ce bordel?! Mea culpa, c'est ma faute! Trop de fests, trop de flemme! Mais il fallait bien s'y atteler un jour et ce jour est arrivé. Qui ça intéresse vraiment aujourd'hui de toute façon, un nouvel album de Hate Eternal? Il y a quelques années, j'aurais été tout émoustillé par un nouveau disque de la bande d'Erik Rutan et m'en serais occupé dès sa sortie, attendue la bave aux lèvres et la bite à la main. Mais
Fury & Flames et
Phoenix Amongst The Ashes sont passés par là. Pas mauvais les bougres mais pas à la hauteur de ce que la Haine Éternelle nous proposait sur le fantastique
Conquering The Throne (mon préféré!) ou l'ultra radical
King Of All Kings. Déjà sur
I, Monarch, meilleur que ses deux successeurs, on avait senti une légère baisse de régime quoique la qualité restait très élevée. Entre ça, les énièmes changements de line-up (exit cette fois le batteur Jade Simonetto, remplacé par Chason Westmoreland, ancien cogneur live pour The Faceless, Fallujah, Burning The Masses ou encore Aegaeon, bref, 'voyez le genre...) ainsi que le laps de temps à rallonge entre deux sorties (
Phoenix Amongst The Ashes remonte toute de même à 2011), difficile de s'enflammer pour une nouvelle production de l'ex-Morbid Angel. Et ce n'est pas cette pochette du pourtant talentueux Eliran Kantor (plutôt pas mal s'il n'y avait pas ce personnage principal semblant sorti tout droit d'un jeu vidéo avec son sac à dos et qui fait tâche malgré une ressemblance amusante avec Laurent Blanc!) qui a pu piquer ma curiosité. Peut-être davantage quand Hate Eternal a signé sur le label français Season Of Mist, et encore!
Finalement, malgré mon manque flagrant d'enthousiasme, ce
Infernus se révèle une bonne surprise. Pas de quoi rivaliser avec les deux premiers opus de la formation floridienne ou se caler une bonne place dans le bilan 2015 mais, plus homogène, il arrive au moins à faire mieux qu'un
Phoenix Amongst The Ashes en dents de scie ou que le mal produit
Fury & Flames. Stylistiquement, Hate Eternal continue sur la lancée de
Phoenix Amongst The Ashes et l'approfondit même. À savoir un brutal death intense et nerveux qui ne lésine pas sur les blasts, la double ou la superposition de vocaux growlés/arrachés pour davantage de puissance mais qui laisse aussi de plus en plus de place à la mélodie et aux atmosphères par le biais de solos/leads inspirés (celle à 2'37 sur "Locust Swarm" presque triste sur les paroles
Why have you forsaken us?, la fin de "Infernus", du chaotico-mélodique sur "The Stygian Deep" à 1'08 et "The Chosen One" à 1'23 sur du tchouka-tchouka thrashy bien jouissif, le début ou le passage à partir de 2'20 de l'imposant "Zealot, Crusader Of War", un des meilleurs morceaux, "Chaos Theory" sur sa première moitié, "O' Majestic Being, Hear My Call" à 4'14, lumineux! etc.) ainsi que quelques séquences carrément plus calmes (la transition entre "Locust Swarm" et "The Stygian Deep", l'ouverture du très bon titre de clôture "O' Majestic Being, Hear My Call"...). Le choix d'"Infernus" comme titre de l'album n'est ainsi pas anodin puisqu'il s'agit de la piste la plus mid-tempo et la plus longue de l'opus, inconcevable pour le Hate Eternal des débuts mais logique si l'on suit sa progression. De la haine et du blast mais pas que en somme. Du coup,
Infernus se place comme l'album le plus varié de la discographie du combo américain dont on reconnait quand même tout de suite la patte, ce qui demeure une qualité rare et l'apanage des grands dont fait toujours partie Hate Eternal malgré ses récents déboires. On est déjà content d'entendre une production relativement claire ce qui n'a pas toujours été le cas avec les choix de productions peu judicieux du père Rutan qui semble toutefois s'améliorer depuis
Phoenix Amongst The Ashes. Vu le style bouillonnant du groupe néanmoins, on note encore certains passages blastés aux grattes difficilement compréhensibles, limite bordéliques. Mais cela fait partie de l'identité sonore d'une formation souvent au bord de la rupture. L'autre motif de satisfaction, c'est le batteur Chason Westmoreland. Si Jade Simonetto ne m'avait pas vraiment impressionné, le petit nouveau (enfin ex petit nouveau puisqu'il a déjà quitté le navire...) s'impose d'emblée. J'ai éprouvé quelques doutes sur les premiers morceaux, trouvant les blast-beats pas assez rapides, mais le bougre m'a fait changer d'avis sur le début apocalyptique de "La Tempestad", titre qui porte bien son nom. Le plus brutal de l'œuvre d'ailleurs avec "Order Of The Arcane Scripture" (mon Satan les blasts et ce riff colérique à 2'30!) qui ne fait pas non plus dans la dentelle. Mais plus que la vitesse des blasts, ce sont la variété du jeu proposé, le feeling sur les fills, l'agilité des descentes, la maîtrise et l'aisance technique ou même le groove dégagé (oui il y a du groove, écoutez l'instrumental "Chaos Theory" entre autres!) qui m'ont convaincu du talent du bonhomme. Seul petit bémol dont il n'est pas responsable, le son de batterie encore un peu trop synthétique à mon goût. L'effet mitraillette/rouleau compresseur est bien là mais j'aurais aimé plus de nuances. L'amélioration par rapport à
Phoenix Amongst The Ashes est cependant nette. Également en progrès, la basse de J.J. Hrubovcak, que l'on n'entendait pas du tout sur le disque précédent. Ici, elle frétille tout du long pour notre plus grand plaisir.
Pas mal de satisfactions sur ce
Infernus, clairement! Cela dit, si j'ai mis autant de temps à le chroniquer, c'est qu'on ne tenait pas non plus là l'album de l'année. La première déception, même si elle s'efface au fil du temps, concerne le chant de Rutan. Autrefois un des plus impressionnants du circuit, le timbre de l'ancien Ange Morbide se fait désormais moins grave et imposant, même s'il reste suffisamment burné. Une petite perte de puissance dommageable qui va cela dit de paire avec un style plus diversifié. Le plus gros reproche est toutefois à mettre au crédit des riffs. Ah qu'il est loin le temps où Hate Eternal enchaînait les riffs jubilatoires comme sur
Conquering The Throne! Si Rutan se montre inspiré niveau leads, il se fait bien plus timide sur ce point. Rien d'horrible bien sûr mais aucun motif ne marque réellement, l'ambiance, le rendu global prenant le pas sur les plans de guitares en eux-mêmes. "Pathogenic Apathy", la piste la plus faible de l'album, en est un bon exemple. Des motifs banals voire brouillons faisant perdre de l'intérêt à ce
Infernus qui fait son petit effet sur l'instant mais dont on ne retient au final pas grand chose. Mon grand optimisme sur le disque s'est ainsi quelque peu étiolé au fur et à mesure et l'écouter depuis le mois d'août puis le ressortir plusieurs semaines après l'avoir laissé de côté ne lui a pas été favorable.
Favorable, mon opinion le reste tout de même. Oui, les riffs sont bien moins marquants que sur
Conquering The Throne et l'intensité bien moindre que sur
King Of All Kings. Cependant,
Infernus offre d'autres qualités qui font remonter Hate Eternal dans mon estime et font de cet album une réussite alors que l'on ne s'y attendait pas forcément. Les Floridiens ont appris à faire passer un panel d'émotions plus large en levant un peu le pied et en laissant plus de place à la mélodie et à l'ambiance. Une évolution qui permet au combo de se renouveler suffisamment pour continuer à susciter de l'intérêt. Et puis, ce n'est pas comme si ça ne bourrait jamais, loin de là! Je suis ainsi toujours soufflé par l'ouverture dingue de "La Tempestad"! En dépit des dernières sorties de moindre qualité après un commencement en trombe fin des années 1990 début des années 2000 dans un contexte de brutal death en pleine ébullition, malgré les changements de line-up qui égratignent la crédibilité du groupe, Hate Eternal a encore des choses à dire. Le groupe ne les dit peut-être pas toujours de la meilleure des façons mais le message est clair. Il va encore falloir compter sur ce bon vieux Rutan pour nous en mettre plein les oreilles!
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