False - Portent
Chronique
False Portent
Après des courts formats prometteurs, dont l'excellent Untitled (2011), False avait sorti son premier album en 2015. Ce dernier dévoilait une autre facette du groupe par son côté plus personnel – les influences musicales de chaque membre ressortant davantage – ainsi que la rugosité et la froideur ambiantes. La parution du EP Hunger suivi du single « Neither Path Nor Gate » (en 2019), ne faisait que confirmer la bonne forme des Américains. Une sorte de petite mise en bouche en attendant l'arrivée du nouvel opus, qui laissait des questions en suspens concernant la durée des compositions.
Comme sur ses plus anciennes réalisations (avant 2017), la formation se livre de façon spontanée et déploie son univers faisant fi du conformisme. Pas de morceaux courts ici mais des titres fleuves – quatre pistes dont trois dépassent les dix minutes, la dernière étant une outro – immersifs à souhait. Vous souvenez-vous de « Untitled » ? Eh bien Portent s'inscrit parfaitement dans cette veine. Dès les premières minutes de « A Victual to Our Dead Selves » vous êtes happés par les riffs mélodiques ainsi que les ambiances épiques posées par les claviers. Le rythme est nettement soutenu et l'intensité grandit au fil de l'écoute explosant par moment et vous faisant dresser le poing (cf. 3:24 minutes). Cela sera d'ailleurs une constante durant tout l'album où les rares accalmies ne font que donner de l'impact à l'ensemble mais aussi renforcer le ton donné par les musiciens – comme ses notes épurées et mélancoliques sur la fin de « The Serpent Sting, the Smell of Goat », faisant magnifiquement le lien avec « Postlude ». Les musiciens ont donc durcit leur jeu, délivrant des sonorités plus black qui renvoient à « The Key of Passive Suffering » – à ma grande joie. Une nouvelle fois leur penchant pour la scène scandinave est frappant, en particulier sur le terrible « Rime on the Song of Returning » où plane l'ombre du grand Emperor. Les cieux s'assombrissent au gré des minutes, surtout passé le break tortueux situé à mi-parcours.
À l'image du magnifique artwork de Mariusz Lewandowski, la musique de False vous attire avec aisance dans les Ténèbres. Car malgré le glissement marqué, le groupe ne tire pas pour autant un trait sur ses origines et ses autres influences (« The Serpent Sting, the Smell of Goat » en est, à mon sens, le meilleur exemple) – même si ces derniers sont plus estompés ici. D'où l'originalité mais aussi la richesse des morceaux qui découlent de ce nouveau longue durée avec moults variations de rythmes, de teintes, ou encore des lignes de guitares plus efficaces (cela s'entend d'entrée sur « A Victual to Our Dead Selves »). Massives, grandiloquentes et empreintes de gravités, les ambiances savent également toucher juste – grâce à un Kishel impérial aux synthétiseurs – et vous transcendent tout au long de ces quarante minutes. Ces dernières sont d'ailleurs bien mises en relief par une production plus claire, donnant aussi davantage d'impact à l'ensemble. Les Américains semblent se mettre à nu – leur propre vécu influant beaucoup sur cette œuvre – et cracher leur amertume à la face du monde.
« Spat out as a pile of leftover dregs
Into the valley of disillusionment. »
La noirceur partout s'étale, entre douleur et résignation. Sous ses beaux atours et son côté glacé, Portent est profondément viscéral. Les paroles ou encore la voix plus puissante et rageuse de Rachel retranscrivent bien ce sentiment.
La formation étonne par la constance dont elle fait preuve depuis ses débuts. Le fait de n'avoir pas eu de changement majeur au sein de son line-up et d'être toujours sur l'excellent label Gilead media a certainement dû jouer. En effet, les musiciens semblent évoluer à leur rythme et sans entrave. En résulte un très bon album où, malgré des influences encore un peu trop présentes par moment, la maturité se fait nettement sentir. Hâte de découvrir leurs prochaines réalisations !
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