Signée Grady Gordon (Predatory Light, Grave Chalice, Sutekh Hexen...), l’illustration du premier album des Canadiens de Reversed n’est clairement pas l’élément le plus engageant le concernant. D’ailleurs, pour être tout à fait honnête, ce sont plutôt cette mise en page discutable (je ne suis pas particulièrement client de ce logo et de ce titre positionnés ainsi de traviole) et ce fond terne et monotone qui m’enquiquinent plutôt que cette créature dégueulasse et infernale qui à vrai dire ne manque pas de charmes…
Quoi qu’il en soit, six ans après une excellente première démo que je n’avais pas manqué de chroniquer en ces pages (
Widow Recluse), le groupe originaire de Vancouver revient enfin faire parler de lui avec la sortie en mai dernier de
Wildly Possessed, un premier jet ébouriffant plié en un tout petit peu plus d’une demi-heure. Si en matière d’effectif rien n’a changé puisque ce sont les quatre même lascars qui composent encore aujourd’hui Reversed (pour rappel on y retrouve des membres et ex-membres d’Auroch, Egregore, Mitochondrion, Spell et Stryker), le groupe a cependant été contraint de chercher un nouveau label après que Temple Of Mystery Records ait décidé de mettre la clef sous la porte il y a un an. C’est donc sur le label irlandais Invictus Productions que la formation a depuis trouvé refuge. Une structure de choix qui ne pouvait pas mieux correspondre à ce genre de Black / Death thrashisant dont les Canadiens se sont fait une spécialité.
Faisant suite à une seconde démo parue en avril 2022,
Wildly Possessed à la bonne idée de reprendre l’intégralité des titres qui la composent ("Maelstrom Juggernaut" et "Rusted Breath"). Deux morceaux qu’il aurait été particulièrement dommage de laisser pourrir sur une cassette limitée à seulement quelques exemplaires et qui n’auront aucun mal à trouver leur place parmi les cinq autres nouvelles compositions proposées ici (parmi lesquelles une introduction dans un esprit Black / Thrash pour le moins convaincant). Pour ce qui est de la production, le groupe a fait appel aux services de Len Osanic (Ahna, Blapshemy, Death Worship...) pour l’enregistrement et de Marco Salluzzo (Abhorration, Demonomancy, Grave Infestation, Malokarpatan, Ritual Death, Ultra Silvam, Vircolac...) pour le mixage et le mastering. Les deux hommes signent à cette occasion une production sèche et abrasive contribuant à accentuer l’intensité du propos de nos Canadiens passablement énervés.
Effectivement, en dépit de quelques baisses de régime consenties ici et là (j’y reviendrai), c’est essentiellement le couteau entre les dents que Reversed conduit ses assauts tout au long de cette petite demi-heure. Une succession d’attaques frontales exécutées à coups de blasts soutenus mais aussi quelques séances de toupa-toupa toujours aussi entrainantes, de riffs nerveux tricotés à toute berzingue à l’origine de ces ambiances sinistres et délétères dans lesquelles se drapent ces sept compositions radicales auxquels se joignent en forme de contrepoint quelques leads et autres solos à la fibre Heavy Metal pour le moins prononcée. À tout cela viennent également se mêler une basse certes légèrement en retrait dans le mix mais dont on ne peine pourtant jamais à distinguer les rondeurs particulièrement métalliques ainsi qu’un chant âpre et clairement possédé duquel émanent haine et blasphème. Bref, six ans après des débuts particulièrement encourageants, Reversed n’a clairement rien perdu de ce qui faisait son charme. Quelque part entre Aura Noir et Repugnant, Nifelheim et Obliteration, Necrovore et Necrovation, Mayhem et Katharsis... la musique particulièrement tumultueuse et viscérale des Canadiens ne fait absolument pas dans la dentelle.
Malgré cette approche rétrograde et quelque peu rudimentaire,
Wildly Possessed tire son épingle du jeu grâce à une certaine variété. En effet, les riffs proposés par Reversed ont beau ne pas être très compliqués et sa formule globalement assez peu originale, il n’en reste pas moins que ces trente-trois minutes n’ont strictement rien de linéaires. De cette introduction aux sonorités Black / Thrash évidentes aux voix de sorcières envoutantes de l’excellent "Hungry Graves" en passant par ces influences Black / Death / Thrash plus ou moins fluctuantes ou bien encore tout simplement par ces nombreux ralentissements qui sont l’occasion pour les Canadiens de varier les plaisirs à coups de séquences plus en retenues ("Maelstrom Juggernaut" et ce passage beaucoup plus lourd entamé à 2:11, "Hungry Graves" essentiellement construit autour de mid-tempo plus ou moins dynamiques, "Beneath Evil Eyes" et cette dernière partie beaucoup plus mélodique, "Final Death" et ce pont sinistre entamé à partir de 1:26...) ou bien plus chaloupée ("Beneath Evil Eyes" à 2:18, les premières secondes imparables de "Rusted Breath" suivie de cette séquence entamée à 3:29, "Black Seed" à 2:08), on ne peut pas dire que Reversed suscite un quelconque ennui.
Quelque peu relégué aux oubliettes après six ans d’absence (oui, il y a bien une maigre démo entre
Widow Recluse et ce premier long-format mais pour ma part je ne l’avais jamais écoutée), Reversed fait un retour remarqué en cette année 2024 grâce à un premier album certes un poil court (sept titres dont une introduction pour à peine trente-quatre minutes, ce n’est pas avec ça que l’on ira s’étouffer) mais diablement efficace. Naturellement, les Canadiens ne révolutionneront rien avec leur mélange bâtard de Death Metal primitif, de Black Metal sinistre et de Thrash impie mais à quoi bon s’en soucier lorsque l’on a l’opportunité de se passer dans les oreilles un album de ce calibre ? Personnellement, tant que le groupe continuera de me proposer des compositions aussi redoutables, je continuerai allègrement et pour rester poli à m’en laver les mains.
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