Oh pauvre! On a failli attendre! Dans la série des Arlésiennes devenues sujets de railleries sur la place metal, l’étal des guignols d’ANTHRAX faisait tellement pitié –
aucune sortie significative depuis « W.C.F.Y.A. » en … 2003 – que même le thrash bas de gamme proposé par les forains de l’extrême SLAYER (« World Painted Blood ») et les spécialistes de l’inox METALLICA (« Death Magnetic ») faisait moins peine que la pathétique succession de crieurs de rue chargés de vendre du vent à des fans de plus en plus exaspérés. John Bush sur le remake « Greater Of Two Evils », Joey Belladonna sur l’album live qui s’en suit, Dan Nelson en nouveau représentant pour tenir la boutique puis faux retour de Bush après l’éviction de Dan, ANTHRAX jetant in fine son dévolu sur ce brave Joey qui patientait sagement sur le bord de la route, non sans avoir repoussé « Worship Music » à des calendes grecques qui, crise financière oblige, se tiendront bien plus tard que jamais.
Ho fan ! Il est pourtant là ce petit « Worship », tout nouveau tout beau (nouvel artwork signé Alex Ross), et attendu avec autant de scepticisme que de rancœur par des fans échaudés qu’on leur fasse le coup de la sempiternelle setlist
back to the roots lors de l’interminable parade du Big Four. Alors on commence par quoi ? Par la nouvelle fève que les New-Yorkais vont tenter de nous refourguer ou par les choses qui fâchent encore plus, à savoir le chanteur ? En désespoir de cause, ANTHRAX s’est donc fait remettre la main au panier par Belladonna et sa founche impayable de sorcière d’Eastwick. Plus moche la vie ? Hé bien rangez sagement l’opinel dans son étui en cuir tané de tarasque ; ce bon vieux Joey, contre qui j’avais une collection complète de dentiers, s’en sort comme un chef indien sur un 10ème full length taillé sur mesure pour ses lignes de chant haut perchées et mélodiques. Encore que haut perché, il faut le dire vite tant l’animal s’est efforcé de gommer les défauts qui entachaient les classiques des eighties, à tel point que jamais Belladonna n’a chanté aussi bien et aussi juste. C’est donc en partie à un album de chanteur qu’on a affaire, chaque compo s’articulant autour de quelques-uns des meilleurs refrains délivrés par ANTHRAX toutes périodes confondues ("The Devil You Know", "The Constant"). Clé de voûte d’un groupe en reconstruction, le retour de la vengeance du serpent à plumes est contre toute attente le principal argument de vente d’un « Worship Music » bouffant par ailleurs à pas mal de râteliers, à l’exception notable de la radicalité thrash d’un
« Among The Living », une fois encore aux abonnés absents.
Alors Scott Ian ? Tu tires ou tu pointes ? Et bien le divin chauve du power thrash joue placé en tirant quelques cartouches thrash de bon aloi (« Earth On Hell », « Fight ‘Em Til You Can’t ») en début de programme histoire de calmer la foule en colère, allant jusqu’à recycler le riff principal de « Gridlock » sur une « Fight ‘Em Til You Can’t » qui renoue avec le pas de charge de la géniale « Potters Field ». Pour la première fois depuis presque vingt ans, on a ENFIN droit à du riff rapide et tranchant, chose qui manquait cruellement dans le décor du heavy rock gentillet dans lequel ANTHRAX s’était réfugié après
« Sound Of White Noise ». Et comme entendre Belladonna gueuler à l’ancienne sur fond de blasts sur « Earth On Hell » (et son petit clin d’œil à « Time », tic tac tic tac !) ne peut être qu’une expérience unique, les backing vocals poilues de Scott sont de retour pour appuyer les parties de baston les plus sévères (« Fight ‘Em Til You Can’t ») d’un « Worship Music » auquel il manque, comme toujours, un soupçon de brutalité pour être catalogué opus thrash à part entière.
Oh pute borgne! Et le thrash dans tout ça ? Peuchère, c’est qu’ils ont quand même morflé les bougres et qu’avec leurs canes de quincas, ils sont aussi vifs que le tracteur Alou Diarra labourant le rond central. Mais si un titre comme « Revolution Screams » aurait clairement gagné à relancer la machine speed pour rééquilibrer les débats, reconnaissons tout de même que l’essentiel est assuré avec série de compositions solides et variées qui garantissent à « Worship Music » une bonne durée de vie. Car ANTHRAX, et c’est heureux après huit ans de disette (toujours mieux que les 17 ans sans titre de l’Ohème), est solide sur ses bases (le jeu toujours très carré de Charlie Benante) avec un Rob Caggiano qui donne enfin de sa personne : enfin des solis agréables qui, à défaut d’être géniaux, ne tirent plus les morceaux vers le bas et félicitations pour la prod surpuissante qui rappelle le bon vieux temps de
« Sound Of White Noise ». Mouille le maillot ou casse toi ? Rob fait enfin taire les pleureuses. Un grand merci pour l’amorce d’un retour aux rythmiques speedées de
« Persistence Of Time » et pour avoir remis au goût du jour le heavy thrash bondissant de
« State Of Euphoria » sur l'excellente « The Giant », ANTHRAX poussant le cochonnet jusqu’à rappeler qu’il a été un précurseur du rap metal au siècle dernier (« New Noise », reprise carton de REFUSED). Et si le groupe est parfois méconnaissable le temps de deux titres atypiques (« I’m Alive », « Crawl »), ça reste suffisamment costaud pour qu’on ne peste pas trop longtemps sur un retour aux sources qu’on aurait rêvé plus définitif. On pourra toujours jaser sur une « Crawl » à la limite de la power ballad (on pense au EUROPE de « Start From The Dark ») mais qui, sauvée par un petit côté sombre et la grosse performance de Joey, fera dire que Belladonna tient peut être son « Black Lodge ». Reconnaissons enfin que la greffe entre rythmiques du présent (le démarrage de « Judas Priest » façon « Death Magnetic ») et du passé prend plutôt pas mal, comme en témoigne « The Constant » avec, en vrac, du « Cadillac Rock Box », du
« Persistence Of Time » et du … FREAK KITCHEN.
En compétition involontaire avec un autre mastodonte du metal porté disparu depuis 8 ans et qui a lui aussi réintégré son chanteur emblématique pour le résultat que l’on connaît (I Am Morbid !), ANTHRAX sort donc miraculeusement indemne de ce hiatus calamiteux qui l’a vu chuter plus bas que terre avant de saisir la perche providentielle du Big Four. Difficile de déterminer dans quelle mesure le contenu musical de « Worship Music » a été altéré suite au retour de Joey mais son come-back fait tant de bien qu’on a le sentiment de se retrouver avec un véritable album d’ANTHRAX entre les mains, et non pas avec un side-project heavy rock de qualité variable. Et même s’ils auraient pu nous épargner les dispensables passe plats atmosfoireux de 50 secondes (l’album ne comporte en réalité que 11 titres) ceux qui rêvaient de voir les Américains aller au (Bernard) tapis en seront donc pour leurs frais, le (Jean Claude) gadin n’est pas pour cette fois !
6 COMMENTAIRE(S)
29/09/2011 20:03
29/09/2011 15:38
29/09/2011 12:08
28/09/2011 20:10
On est d'accord là dessus par contre!
28/09/2011 20:06
28/09/2011 14:03
Mais pour une fois je ne partage pas du tout ton entousiasme. Mis à part concernant le retour de Belladonna que j'attendais en grinçant des dents et qui réussi là probablement sa meilleure prestation avec le groupe. Pour le reste sur le pur plan musical perso qu'est-ce que je m'ennuie! Hormis "The devil you know" et "Fight'em til you can't", j'ai passé ma première écoute à attendre (en vain!) un titre thrash... Je trouve tout cela bien trop mou du genou et mélodique, power-pop toute molle, ce sera sans moi pour cette fois. Je préfère largement le côté rock n' roll de "WCFYA".