"On espère que les bouchers texans seront un peu plus inspirés pour leur prochaine réalisation."
Telle était la conclusion de ma chronique de
Unleash The Carnivore en 2009. Un album qui en avait déçu plus d'un. Pas Relapse Records apparemment puisque Devourment a depuis rejoint la célèbre écurie. Un signature impensable à l'époque de
Molesting The Decapitated quand le combo texan sévissait dans l'underground le plus putride. Surprenant également, c'est Erik Rutan qui s'est chargé de la production. Qu'on se le dise, Devourment évolue désormais dans la cour des grands! Oui, les choses ont changé, ça on le sait depuis un moment. Le Devourment reformé en 2005 n'est plus le même que celui de la fin des années 1990. Un constat qui prend encore plus de sens avec ce nouvel album,
Conceived In Sewage, tout juste extirpé des égouts et dont les cadavres putréfiés flottant dans la mélasse de la pochette, signée Toshihiro Egawa et immonde comme d'habitude chez les Américains (quoique le gros tout nu sans tête du premier full-length garde toute ma sympathie), rappelle la cover d'un certain
Purulent Decomposition de Sepsism sorti la même année que...
Molesting The Decapitated!
Un signe trompeur puisque ce nouvel opus, le quatrième pour le quatuor de Dallas, est sans conteste le plus propre et réfléchi de sa discographie. Et donc, le plus différent. Le choc est terrible lors des premières écoutes, à tel point qu'on se demande s'il s'agit bien du même groupe! C'est que Devourment a décidé de s'écarter de ce qu'on appelle le slam death et de se faire plus old-school, plus classique, plus brutal death tout court en somme voire carrément death encore plus court. Cannibal Corpse vient ainsi régulièrement en tête par exemple. L'intro sombre et lente de "Conceived In Sewage" fait même penser à du Immolation! Une évolution encore plus flagrante au niveau du chant puisque Mike Majewski a élargi son spectre vocal. Moins gutturales, plus distinctes, ces intonations étonnent pour un groupe qui s'adonnait jadis sans retenue aux gargouillis les plus inaudibles. Quant à la production de Rutan, plus léchée, puissante et propre, elle suit la même direction. Pas étonnant, avec tous ces bouleversements, que ce
Conceived In Sewage fasse débat! En ce qui me concerne, l'évolution du groupe prend certes de court au premier abord, mais celle-ci me semble tout à fait légitime. La scène slam death se mord la queue depuis des années, pourquoi en rajouter une couche alors que Devourment a non seulement aidé à populariser un genre hérité du death metal new-yorkais mais a surtout sorti son album ultime? Dès lors, on peut comprendre l'envie d'évasion des Texans.
Mais qu'en est-il de la valeur réelle de l'opus? Si les premières écoutes déçoivent clairement, les suivantes se font plus appréciables. Alors c'est sûr,
Conceived In Sewage n'est pas l'album de l'année. Les riffs, notamment, restent très basiques et ont tendance à se répéter trop longtemps.
Molesting The Decapitated restera à jamais le chef-d'œuvre du groupe. Mais ce nouveau Devourment n'est pas non plus dénué d'intérêt. Les compositions se font plus matures, les musiciens plus à l'aise techniquement. Ruben Rosas, ancien frontman reconverti en guitariste, tenait à faire savoir qu'il pouvait faire autre chose. Et Mike Majewski, le membre qui m'a le plus impressionné, nous livre sa meilleure performance en alternant growls intelligibles et intonations glaireuses avec même un peu de screams. Honnêtement, je ne l'attendais pas à un tel niveau après la prestation monotone de
Unleash The Carnivore. À l'inverse, Erik Park, qui m'avait fait plus forte impression sur
Butcher The Weak, et Chris Andrews, dont on peine à entendre la basse alors que le bougre est toujours le plus actif sur scène, se font plus discrets. Quoiqu'il en soit,
Conceived In Sewage est le disque le plus varié de la formation et nul doute que ceux qui n'accrochent pas au slam death pourront désormais écouter Devourment sans vomir à l'idée de devoir porter baggy et casquette. D'autant que la brutalité n'a pas non plus été oubliée. Les morceaux manquent certes de folie en se limitant souvent à du mid-tempo mais on croisera tout de même quelques blastouilles et séquences plus chaotiques comme sur "Legalize Homicide" (slogan célèbre du groupe enfin mis en musique) à 1'08, "Conceived in Sewage" à 2'39 (petit feeling grind pas déplaisant), le début de "Fucked With Rats" et "Parasitic Eruption", "Today We Die, Tomorrow We Kill" à 0'50 ou encore "Heaving Acid" à 1'03 (un peu grindy là-aussi). Quelques traces de gravity-blasts aussi sur "Fifty Ton War Machine" et "Today We Die, Tomorrow We Kill". Non, Devourment n'a pas encore perdu ses couilles!
D'ailleurs, il n'a pas non plus perdu son groove ni complètement son caractère putride (la fin de "Fifty Ton War Machine", blurp!). Difficile désormais de classer le combo dans le slam death UG dégoulinant mais ce n'est pas pour autant que les Américains renient leurs racines. Car des riffs bulldozer grassouillets et des slam parts bien heavy et neuneux qui donnent envie de piter, il y en a encore un bon paquet! Le titre de clôture "Parasitic Eruption", assez jouissif, en est une belle preuve puisqu'il s'agit de la piste la plus slammie et old-Devo! Avec le chant de Majewski, c'est l'aspect de l'album qui m'a le plus séduit et qui permet à
Conceived In Sewage de convaincre un peu plus que
Unleash The Carnivore même si j'ai mis la même note aux deux (je suis plus exigeant aujourd'hui).
Pour l'instant cependant, c'est encore un peu juste. Un peu trop répétitif et banal, pas assez marquant niveau riffs. Des morceaux comme "Fucked With Rats" ou "Carved Into Ecstasy" (malgré une deuxième moitié bien meilleure), entre autres, ne me font ni chaud ni froid. Et puis c'est vrai, on ne s'attendait pas à une évolution aussi significative. Ceux qui souhaitaient un retour à
Molesting The Decapitated en seront pour leurs frais et se tourneront plutôt vers Meshiha (le nouveau projet de Brain et autres ex-membres) ou la pléthore de formations qui le repompent (Sick par exemple). Mais qu'un groupe comme Devourment nous surprenne, sans changer complètement de registre, comme sur l'interlude fort sympathique "March To Megiddo" à l'ambiance sombre et oppressante et à la batterie martiale, voilà qui fait plaisir. Et ça, même si le résultat n'est pas tout à fait à la hauteur de la réputation du groupe, ça me donne envie de l'encourager à continuer dans cette voie!
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