Cela ne vous aura probablement pas échappé : la Thrasho Corp (© ™®) est devenue un empire. Naturellement, en tant que membre fondateur de cette entité, Chris en est l'empereur. Une place enviable croyez-vous ? Pas si sûr car en dehors des rendez-vous diplomatiques sur des îles paradisiaques, sa parole et ses actes ont désormais un poids considérable sur le monde, à tel point que notre maître adoré ne dit ou n'entreprend plus grand chose. Comme vous l'aurez remarqué, ses interventions et participations se font rares, une présence bienveillante toujours intacte qui nous manque au quotidien. Mais ce que l'on a perdu en quantité, on l'a gagné en sagesse : désormais chaque mot et chaque silence est pesé pour nous pousser à être meilleurs. Ainsi aurais-je dû m'attendre à ne pas avoir de retour en demandant en l'air il y a quelques semaines si quelqu'un souhaitait chroniquer le nouveau Dark Tranquillity, l'absence de réponse m'incitant à reformuler explicitement ma demande pour y inclure directement Chris. Et dans son infinie miséricorde, malgré un album *surprenant* (selon ses mots), ce dernier m'a accordé l'honneur de réaliser ce papier. Alors Chris, elle est pour toi cette chronique.
"Surprenant", voilà un terme que je désespérais d'entendre pour qualifier une production des Suédois qui, depuis 10 ans, se contentent d'appliquer une formule bien huilée. Le grand frère
"We Are The Void" en était le parfait exemple, ne s'aventurant qu'à quelques expérimentations et allant guère plus loin qu'un
"Fiction" franchement plus inspiré. En ce qui me concerne, à l'exception de 3 ou 4 titres, il ne m'en reste rien en tête. Pour un dixième album qui célèbre vingt ans de bons et loyaux services, on ne pouvait qu'espérer un nouveau départ, relayé par une presse particulièrement enthousiaste ; malheureusement, en ce qui me concerne, les premiers extraits diffusés avant la sortie n'auguraient rien de bon, proposant un style plus poussif et accessible. J'attendais néanmoins de pouvoir l'écouter en intégralité en espérant moi aussi être surpris.
Mais c'est un fait : Dark Tranquillity a levé le pied et la frénésie qu'on retrouvait encore en partie sur
"We Are The Void" s'est définitivement envolée pour embrasser une musique dans l'ensemble plus calme et ambiancée. Au risque de me faire empaler par une armée de metalleux déchaînés, l'évolution qu'impose "Construct" m'a énormément fait penser au passage d'In Flames à "Soundtrack to your Escape" : terminé les envolées guitaristiques, les airs imparables, les surprises mélodiques, jamais un album des Suédois n'a été aussi linéaire et prévisible où les compositions simples et directes assurent un plaisir immédiat sans pour autant marquer les esprits. Car indéniablement, ce que le groupe a gagné en accessibilité, il l'a perdu en mordant. Il a gommé les aspérités en réduisant la place des claviers de Brändström (certains applaudiront peut-être) et en limitant l'impact des guitares pour les cantonner aux rythmiques ou à des airs clairs et/ou en tremolo. On peut se demander où nos amis ont égaré leur âme de pionnier de la scène de Göteborg encore très présente sur le précédent opus (remember "The Fatalist
", "We are the Void" et "Surface the Infinite"...). C'est d'ailleurs ce manque de relief qui pénalise le plus cet album : pas une note plus haute que l'autre, des mélodies bateau, pas de composition phare ni de passage réellement transcendant et ce malgré des compositions plutôt hétérogènes sur la forme. Ces dernières offrent en effet un panel assez large de sentiments variant de la rage à la tristesse, des tonitruants "Apathetic", "The Silence in Between" et "The Science of Noise" aux contrastés "Uniformity", "What Only You Know" et "State of Trust" en passant par les blocs de glace "None Becoming" et "For Broken Words"... C'est sûr, on ne pourra pas dire que Dark Tranquillity n'aura pas essayé de varier les plaisirs. Toutefois, j'ai trouvé le groupe plus convaincant dans ses titres les moins rapides tels que "What Only You Know", "State of Trust" ou "For Broken Words" ; des morceaux tels que "Endtime Hearts", "Apathetic" ou "The Silence in Between" ne m'ont fait ni chaud ni froid, sorte de redite en moins bien de ce que le quintette a pu produire jusqu'à présent.
Révélation ou naufrage, chacun se fera son opinion. Personnellement, je n'irai pas jusqu'à choisir la seconde option car comme toujours, le combo s'en sort par sa classe et son bon goût. Avant tout, "Construct" doit son salut au maître Mikael Stanne qui livre ici une prestation d'une incroyable justesse. Ses hurlements et son chant clair utilisé à la perfection n'ont jamais été aussi poignants. J'avoue aussi avoir été agréablement séduit par l'ambiance mélancolico-industrielle qui règne sur cet album, une vision froide et malsaine du futur qui rappelle parfois l'inégalé
"Projector". Certains titres vous ramèneront peut-être même plus loin comme le rugueux "Apathetic" (et son solo Archenemiesque) aux faux airs de
"The Gallery". Enfin, force est de constater la maîtrise avec laquelle le groupe délivre son son, un travail titanesque sur les arrangements qui crée cette atmosphère si compacte et étouffante qu'elle lie l'ensemble. La conclusion "None Becoming" en est le témoignage le plus fort, d'une grâce, d'une beauté et d'un pessimisme qui fait honneur à la réputation des Suédois.
J'ai pu lire ici et là, "une des meilleures pièces de leur discographie". J'ai l'impression de ne pas avoir écouté le même album car j'aurais tendance à dire le contraire. Contrairement à chacune de leurs productions, rien dans ces 42 minutes ne m'a réellement emballé. Tout est beau, tout est bien fait, mais quel manque d'âme, quel manque de passion. La bonne chose néanmoins réside dans le fait que le groupe s'est enfin sorti de son train-train quotidien pour aller de l'avant, une évolution timide et perfectible que l'on ne peut qu'espérer plus convaincante dans les années à venir. Dommage, il y avait de l'idée : du coup c'est un peu con c'truc(t).
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