Inlassablement, malgré les turnovers incessants, Sinister continue d'enchaîner les albums. Des albums de grande qualité qui plus est. Il n'y a que sur
The Post-Apocalyptic Servant que le groupe marquait légèrement le pas avant de nous rassurer trois ans plus tard sur leur dernier opus
Syncretism qui montrait les Néerlandais de retour en grande forme, apportant notamment quelques évolutions bienvenues à son style qui commençait un peu à tourner en rond. Pour ce nouveau disque
Deformation of the Holy Realm sorti fin mai chez Massacre Records, l'indéboulonnable chanteur Aad Kloosterwaard, seul membre d'origine (et encore, il jouait la batterie avant), a encore une fois remplacé ses coéquipiers à l'exception du batteur Toep Duin qui résiste depuis 2011. Bienvenue au bassiste Ghislain van der Stel, officiellement dans le groupe depuis 2016 mais non crédité sur
Syncretism, ainsi qu'au guitariste Michal Grall, tous les deux de parfaits inconnus. Dingue tous ces changements de line-up pour une formation de cette stature ! Et ça continue car depuis l'enregistrement de l'opus, van der Stel est passé à la guitare, laissant sa basse à un autre quidam, Bram Willems, et un second guitariste est venu grossir les rangs en la personne de Walter Tjwa, lui un vétéran de la scène batave (Radiathor, ex-Mandator). Peu importe me direz-vous tant que les compositions restent satisfaisantes et la personnalité de Sinister toujours présente.
Car c'est bien le cas sur ce
Deformation of the Holy Realm encore meilleur que son prédécesseur. Il faut dire que cela partait déjà bien grâce à cette superbe pochette plus-death-metal-tu-meurs du talentueux Alexander Tartsus (Depravity), une horde de démons déferlant sur Jésus et ses potes, grand classique du genre. Une seule écoute de la bête a suffi à confirmer ce bon pressentiment. Et quand ça me parle aussi bien dès la première lecture, c'est que ça va souvent finir dans le bilan de fin d'année. Sinister reprend là où il s'était arrêté avec
Syncretism en développant le côté orchestral tout en brutalisant davantage son propos. On croise donc un peu plus de samples d'orchestrations, placés en début ou fin de piste (l'introduction "The Funeral March", "Suffering from Immortal Death", "Oasis of Peace - Blood from the Chalice", "The Ominous Truth", l'outro "Entering the Underworld" assez surprenante avec ces effets sonores chelous et cette mélodie limite déplacée mais que j'ai adorée), voire intégrés à l'intérieur des morceaux sous la forme de quelques claviers ou de vocaux opératiques ("Apostles of the Weak", "Unbounded Sacrilege", "Scourged by Demons"). Et ma foi, moi qui ne suis pas spécialement client de ce type de sonorités, c'est plutôt bien fichu. Seuls les spoken words de "Suffering from Immortal Death" à 3'27 et "The Ominous Truth" à 0'50 font un peu too-much ainsi que la mélodie au clavier à 3'13 sur "Deformation of the Holy Realms", plutôt cheesy. Cela apporte une dimension épique à la musique de Sinister qui n'est pas du tout déplaisante. Au contraire, cela amène un peu de fraîcheur en permettant à Sinister de se renouveler un minimum.
Alors attention, on n'est pas du tout dans du death symphonique grandiloquent à la Fleshgod Apocalypse, sinon j'aurais été le premier à décamper. L'aspect orchestral (et non symphonique, j'insiste !) s'avère bien présent mais reste relativement discret, au second voire troisième plan. Il s'agit de quelques éléments de décor, pas de toute la scène. Parlons donc juste de touches. Rassurés ? Il ne faudrait pas que cela éloigne certains de ce qui reste une bonne grosse tuerie de pur death metal.
Deformation of the Holy Realm nous présente à nouveau un Sinister en mode baston qui a encore musclé son jeu par rapport à un
Syncretism déjà bien membré mais plus hétérogène dans ses rythmiques. Ici, c'est la foire aux blasts et aux beats thrashy. Jouissif ! Quelques mid-tempos headbangants, passages plus groovy ou riffs plombés parfois auréolés de discrètes dissonances pour donner dans l'ambiance inquiétante (ouvertures de "Scourged by Demons" et "The Ominous Truth") sont bien placés ici ou là mais clairement, la vitesse moyenne de jeu se fait élevée pour le plus grand plaisir de tous les bourrins. D'autant que la production râblée donne toute la puissance de feu nécessaire pour en prendre plein la tronche et en redemander. Quant au riffing, label noir assuré. Ce n'est pas Sinister qui va remodeler le death metal, on reste dans du grand classique, la plupart du temps du tremolo-picking toujours mélodique et plus ou moins sombre selon l'atmosphère désirée, mais les riffs se révèlent très inspirés (foutre Satan ce tremolo épique blasté de "Suffering from Immortal Death" à 2'05, impossible de ravoir mon caleçon !). Cerise sur le gâteau, ça le fait aussi niveau solos. Finalement, il n'y a que ce cher Aadie qui se montre un peu moins à son avantage avec son growl un peu trop sec qui manque de profondeur et de variations malgré l'apport de quelques chœurs/backing vocals plus criards ou d'effets de superposition. Sans que cela ne perturbe l'appréciation de l'œuvre néanmoins, sa performance demeurant tout à fait correcte. Mais indubitablement, ce n'est pas son chant qui pousse
Deformation of the Holy Realm vers le haut.
Non content de confirmer les très bonnes dispositions de
Syncretism, Sinister enfonce le clou sur cet excellent
Deformation of the Holy Realm, son meilleur album depuis
The Silent Howling. En reprenant de façon plus aboutie les touches orchestrales et épiques de son prédécesseur avec une louche supplémentaire de brutalité, ce treizième album des Néerlandais s'impose comme une vraie réussite. Le disque pourrait s'avérer un poil long sur trois quarts d'heure (il passe tout seul en ce qui me concerne), deux-trois sonorités font un peu lever les sourcils et le growl de Kloosterwaard peut sembler poussif mais honnêtement, quel groupe de death metal peut se targuer après trente-deux ans de carrière de sortir un tel disque ? D'arriver à se renouveler suffisamment pour rester pertinent malgré la foison de nouvelles formations de qualité ? De conserver l'inspiration en dépit des membres jetables ? De bourrer autant si ce n'est plus qu'à ses débuts légendaires pourtant déjà bien corsés ? Sinister reste un des rares vétérans à tenir son rang. Aad et ses acolytes méritent sans nul doute le plus profond respect pour nous avoir sorti l'un des meilleurs albums death metal de 2020.
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