Après avoir dégondé les portes de son metal progressif en l'habillant d'une parure sombre,
Dream Theater, comme d'habitude, prend à contrepied tout le monde sur
Octavarium en 2005. On pourra reprocher beaucoup de choses au quintet de New-York City, mais pas d'avoir fait l'effort, dans toutes leurs sorties, de s'être renouvelés. Ceux qu'on ne présente plus, James LaBrie (voix), John Petrucci (guitare), John Myung (basse), Mike Portnoy (batteur) et Jordan Rudess (claviers), forment depuis des années un line-up stable, apportant chacun leurs multiples influences. S'ils continuent d'aduler
Rush, groupe à l'origine de leur formation,
Pink Floyd ou encore
King Crimson, dieux de la musique progressive, mais aussi
Metallica, auquel ils ont rendu un vibrant hommage sur leur précédente offrande, ils n'oublient pas, depuis
Six Degrees of Inner Turbulence (2002), d'observer avec acuité la musique qui inonde les ondes mainstream auxquelles ils ont renoncé il y a des années. Ces artistes accomplis, magiciens de leurs instruments respectifs, sont aussi de gloutons consommateurs de sorties en tout genre. C'est ainsi qu'un beau jour de l'année 2004, Mike Portnoy, le plus gourmand et hyperactif d'entre eux, pose ses oreilles alertes sur l'album
Absolution de
Muse (sorti en septembre 2003 en Angleterre mais probablement arrivé au début de l'année suivante chez son disquaire local) et a pour lui un tel coup de cœur qu'il le consacrera « album de l'année » de son top 10 personnel publié sur dreamtheater.net et déclarera, s'emportant quelque peu, qu'il est probablement « l'album de la décennie ». Si je me garderai bien de juger la qualité de ce groupe de rock progressif (c'est devenu un peu fadasse depuis
The Resistance qui sentait déjà le réchauffé, de rien les kheys), force est de constater que le batteur tentaculaire s'est tellement saigné leurs premiers efforts que ça finit par s'entendre sur ce nouveau disque de
Dream Theater, un an plus tard.
Après avoir séquestré les autres membres et les avoir obligé à réciter par cœur toute la discographie des Anglais, donc, Mike Portnoy et ses camarades, sur lesquels il a pris clairement l'ascendant, accouchent d'un album bariolé, constellé de multiples influences rock et pop évidentes. On reste toutefois en terrain connu, dans un premier temps, puisque notre auguste barbe bleue continue d'explorer son douloureux passé d'alcoolique repenti dans « The Root of All Evil », suite de « The Glass Prison » (2002) et « This Dying Soul » (2003) et troisième chapitre de sa « Twelve-Step Suite ». Les New-Yorkais livrent là un morceau agressif qui, s'il n'est plus révolutionnaire, recycle avec une intelligence certaine des motifs devenus emblématiques du groupe : de gros riffs metal accrocheurs où « palm mute » et « power chords » se livrent une danse cataclysmique, sur un tempo enlevé où la cymbale crash de son maître à penser défouraille à tout va. Les soli de Jordan Rudess et John Petrucci continuent de s'affronter dans un octogone intense où tout fuse. James LaBrie s'époumone sur un refrain resté emblématique :
« Take all of me, the desires that keep burning deep inside.
Cast them all away and help to give me strength to face another day.
I am ready, help me be what I can be! »
… et fait consciencieusement le job sur un album qui lui demande constamment de sortir de sa zone de confort, vu à quel point tout y est pluriel et varié, comme son titre l'indique. Des titres metal progressifs plus burnés aux tubes mielleux, l'auditeur qui attend un album surprenant et bigarré en aura pour son argent. En effet, « These Walls » et sa guitare « motorisée » est un titre honnête et très changeant sur lequel John Myung s'illustre avec brio. « Sacrificed Sons » continue d'explorer une thématique chère à John Petrucci, les suites de l'attentat du 11 septembre 2001, un événement qui l'aura définitivement hanté. Il offre des paroles brillantes à un morceau majestueux, tout en symphonie aérienne orchestrée par un Jordan Rudess, définitivement tombé au champ d'honneur de la calvitie mais en très grande forme. C'est probablement l'une des raisons qui aura poussé nos New-Yorkais à se fendre d'un somptueux concert symphonique un an plus tard,
Score, promouvant ces nouveaux morceaux aux côtés de l'Octavarium Orchestra formé pour l'occasion et dirigé par Jamshield Sharifi.
Dream Theater nous gratifie également de l'une de leurs ambitieuses pièces progressives, « Octavarium », qui explore la thématique de l'infini avec des motifs extrêmement intéressants. Son introduction marquée par le legs de
Pink Floyd fait partie des moments de grâce absolus de ce disque. Les ronflements dynamiques de John Myung, qui tirent le morceau vers une gradation de riffs progressifs d'une ambition rare, parsemée des soli de Jordan Rudess, rappellent opportunément l'immense bassiste qu'il est. Le recul des années l'aura probablement consacré comme le meilleur morceau de l'album, tant cette mer déchaînée qui tangue sous la voile de John Petrucci sur la partie « III. Full Circle » finit de consacrer James LaBrie comme le roi des pirates. La partie résolument progressive qui assure le lien avec « IV. Intervals » montre que la créativité débridée de
Dream Theater est encore bien vivace, entre soli de basse et shred totalement virtuoses. James LaBrie le confirme lorsqu'il hurle, rageur :
« Trapped inside this Octavarium ! »
Il vient pourtant de résumer cet album inégal. En effet, les New-Yorkais se piègent eux-même dans leurs ruptures de ton, en en faisant trop, en étant trop déchirés par leur multiples influences pour que leur opus reste cohérent ou même parfaitement digeste. En effet, passer du mielleux « I Walk Beside You » qui pue le
U2 à plein nez au bourrin « Panic Attack » sans se mouiller la nuque au préalable pourra avoir des effets dévastateurs chez le premier quidam venu. Ne parlons pas de certains puristes, qui en vomiront certainement leur quatre heures de dégoût. Ce dernier morceau, très réussi par ailleurs avec sa ligne de basse fulgurante et dévastatrice qui fond sur l'auditeur comme un astéroïde, forme avec « Never Enough » un hommage conscient à
Muse, ce qui vaudra à
Dream Theater d'être conspués sur des réseaux pas encore tout à fait sociaux, pas encore envahis par l'armée de boomers actuelle, ceux qui écriront à longueur de post, dans une prose percluse de fautes d'orthographe et d'arguments éculés, que « c'était mieux avant ». Pourtant, les Anglais avaient suffisamment apprécié pour leur rendre la politesse sur la fin de « Knights of Cydonia » qui évoquera en 2008 un riff de « In The Name of God », un peu plus subtilement que ne le font nos bourrins New-Yorkais ici. En outre, « The Answer Lies Within » reste une ballade sucrée un peu trop anecdotique pour faire partie des classiques du groupe. En définitive,
Octavarium reste un album certes intéressant mais bien trop hybride et inégal pour durablement marquer son temps. En dehors de son morceau éponyme, il est malheureusement condamné à n'être ressorti qu'occasionnellement, pour son manque de calcul et ses transitions naïves. Pour un groupe aussi rôdé que
Dream Theater, ça en serait presque attendrissant...
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