Qu’on le veuille ou non, Nile a depuis longtemps perdu de sa superbe. Entre ces nombreux changements d’effectifs qui n’ont pas été sans impacter la motivation d’un Karl Sanders qui pourtant continue de tenir le bon bout, des albums certes toujours assez sympathiques mais tout de même bien moins marquants que ceux de la grande époque (celle-ci allant en ce qui me concerne d’
Amongst The Catacombs Of Nephren-Ka à
Annihilation Of The Wicked) et une concurrence féroce bien décidée à prendre sa place sans faire de politesse, le groupe originaire de Caroline du Sud a eu fort à faire ces deux dernières décennies pour parvenir à convaincre et rester un tant soit peu pertinent. Signe que les temps ont d’ailleurs été un petit peu compliqués, l’arrivée du groupe chez les Allemands de Napalm Records qui en dépit d’un rôle fondamental au début des années 90 dans le développement des scènes Black et Death Metal européennes (Atrocity, Abigor, Falkenbach, Disatrous Murmur, Summoning...) est devenu depuis maintenant quelques années le refuge d’anciennes gloires sur le déclin et de groupes de seconde division à l’intérêt relativement limité.
Intitulé
The Underground Awaits Us All, ce dixième album semblait assez mal parti, notamment à cause d’une illustration qui d’un coup d’œil rapide semblait avoir cédé aux sirènes de la facilité et de l’économie promises par l’utilisation d’une quelconque Intelligence Artificielle. Or il n’en est rien (ou presque rien car le doute persiste quand même un petit peu) puisqu’on la doit une fois de plus à Michał Loranc, un collaborateur de longue date qui travaille avec Nile depuis 2009 et la sortie de
Those Whom The Gods Detest. D’ailleurs pour tout vous dire, une fois pris le temps d’y poser sérieusement le regard, celle-ci s’avère plutôt réussie avec une fois encore la présence d’une pyramide histoire quand même de rappeler où on met les pieds et surtout celle de corps tourmentés et violentés dans ce qui semble être le point d’orgue des dix plaies d’Égypte. Côté production, ce nouvel album a été enregistré entre les Etats-Unis et la Grèce avec derrière les potards une tripottée d’ingénieurs puisque ces derniers sont tout de même au nombre de six (Mark Lewis, Michelle Mercado, Evan Sammons, John Douglass, Alex Keito et George Dovolos). Quoi qu’il en soit, le résultat s’avère particulièrement convaincant (moderne, imposant, lisible), notamment du côté de cette batterie qui bien que largement éditée sonne néanmoins de manière plutôt naturelle et évite ainsi les pièges et autres travers des super-productions de ce genre.
Alors évidemment après trente-et-un an de carrière, plus personne n’a véritablement besoin qu’on lui rappelle ce qui fait la force et l’intérêt de Nile. Pourtant, je vais quand même m’y coller car si je ne le fais pas, autant mettre un terme tout de suite à mon activité de chroniqueur. Mais avant cela, on va d’abord s’intéresser à ce qui fait surtout la particularité de
The Underground Awaits Us All par rapport à ses prédécesseurs. Probablement conscient de tourner un petit peu en rond après trois décennies d’activité, Karl Sanders a cherché comment apporter un soupçon de fraîcheur à une formule qui durant toutes ces années n’a pourtant pas beaucoup évolué. Pour se faire, celui-ci a fait appel à plusieurs invités et notamment à quelques femmes afin d’amener une touche dramatique et féminine à ce Brutal Death Technique qui pour le reste nous est bien connu. D’abord surprenantes au point de me demander si c’était effectivement une bonne idée de les y inclure, ces quelques interventions vocales ("Naqada II Enter The Golden Age" à 4:08, "Under The Curse Of The One God" à 3:37 et 4:05, "Doctrine Of Last Things" à 1:52 et 4:09) ont finalement su me convaincre plus rapidement que je ne le pensais. Utilisées sous formes de chœurs qui semblent nous juger de toute leur hauteur, ces voix véhiculent quelque chose de grandiose et de cinématographique qui fonctionne extrêmement bien avec la musique déjà particulièrement imposante de Nile. D’autres invités sont également de la partie (l’indéboulonnable Mike Breazeale qui collabore dans l’ombre avec le groupe depuis 2002, Jason Hohenstein (ex-Lecherous Nocturne, ex-Serocs...), Chris Hathcock (The Reticents, Xael) et Jon Vesano (ex-Nile, ex-Darkmoon, ex-Demonic Christ...) mais à l’exception de cette séquence à la ICS Vortex sur "True Gods Of The Desert" à 2:07, c’est bien la prestation de ces quelques femmes que l’on retiendra ici.
Pour le reste, Nile reste naturellement fidèle à la formule qui est la sienne en déroulant une fois de plus ce fameux Brutal Death Technique qui fait (ou "a fait" selon votre intérêt et enthousiasme sur le sujet) son charme depuis maintenant plus de trente ans. Une recette qui tout en restant identique semble avoir néanmoins retrouvé de sa splendeur puisque disons-le franchement,
The Underground Awaits Us All s’impose comme un album particulièrement réussi et convaincant. Il faut dire que derrière chaque instrument, chaque musicien s’exécute tout de même de manière très impressionnante, notamment le père Kollias dont le jeu tentaculaire et plus fin que ne le laisse croire ses frappes chirurgicales et implacables a de quoi décourager bien des apprentis batteurs. Mais ce sont surtout la qualité d’écriture et cette relative variété dans le propos qui font de
The Underground Awaits Us All le meilleur album de Nile depuis maintenant une bonne quinzaine d’années. De ces compositions à tiroirs qui parviennent toujours à captiver ("Stelae Of Vultures", "True Gods of the Desert", "The Underworld Awaits Us All") à ces titres beaucoup plus directs et frontaux ("Chapter For Not Being Hung Upside Down On A Stake In The Underworld And Made To Eat Feces By The Four Apes" et ses paroles prêtant pour le moins à sourire (
"I will not eat what I detest. What I detest is feces", l’expéditif "To Strike With Secret Fang" bouclé en moins de deux minutes) en passant par ces interventions folkloriques toujours aussi chouettes et peut-être même un petit peu plus présentes que sur d’autres albums où elles semblaient se faire plus discrètes (outre ces quelques gongs dispensés ici et là, on retiendra surtout ce chouette interlude qu’est "The Pentagrammathion Of Nephren-Ka" ou bien encore la dernière minute de "Under The Curse Of The One God") sans oublier évidemment tous ces morceaux plus bigarrés où se côtoient passages en mode bourre-pif et séquences nettement plus écrasantes ("Naqada II Enter The Golden Age", "Overlords Of The Black Earth", "Under The Curse Of The One God", "Doctrine Of Last Things"), les raisons de s’enthousiasmer à l’écoute de ce dixième album sont nombreuses. A cela il convient également d’ajouter de chouettes solos qui participent bien souvent à accentuer l’intensité de certaines compositions ("Stelae Of Vultures" à 3:11, "Chapter For Not Being Hung Upside Down On A Stake In The Underworld And Made To Eat Feces By The Four Apes" à 3:21, "To Strike With Secret Fang" à 1:02, "Naqada II Enter The Golden Age" à 3:00, "The Underworld Awaits Us All" à 4:33).
Vous l’aurez compris, si je garde un bon souvenir de ses deux prédécesseurs, je dois bien reconnaître que ce nouvel album se situe tout de même un cran au-dessus. En effet, sans trop forcer
The Underground Awaits Us All est l’une des bonnes surprises de l’année puisque l’on y retrouve un Nile inspiré, conquérant et belliqueux capable de faire à nouveau l’unanimité grâce à des compositions particulièrement efficaces n’ayant en aucun cas besoin de lutter pour convaincre. Et si dans le fond la formule est restée inchangée, on appréciera tout de même de voir le groupe laisser libre-court à une certaine forme de créativité avec notamment l’ajout de chants féminins afin de donner plus d’ampleur et de théâtralité à ses ambiances moyen-orientales. Bref, ce nouvel album est à n’en point douter une franche réussite qui devrait réussir à rabibocher les quelques fans meurtris quelque peu refroidis par ces dernières années (décennies ?) passablement moins inspirées...
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