Mais comment font-ils ? Comment font-ils pour, à chaque fois, et alors qu’on commence à penser que cette histoire tourne en rond, trouver la porte de sortie, l’ailleurs qu’on ne pensait pas attendre et vers lequel on est heureux de les voir aller, tout naturellement, un mot qui va toujours aussi bien à ce projet pourtant mutant ?
Oui, on commençait à s’habituer à The Body, à sa présence dans le paysage, à son altérité qu’on a rencontrée maintes fois, soit lors d’une énième collaboration (où même celle avec Dis Fig, parue plus tôt cette année, s’étiolait malgré un final tuant), soit lors d’albums toujours de qualité mais semblant décliner une part de leur identité façon stabilo dans le tableau des compétences.
Du moins, on le pensait. Car
The Crying Out of Things rabat les cartes sans s’en donner l’objectif. Pourtant, sur la forme, on a là un album de The Body qui paraît contempler le chemin parcouru. L’amateur de longue date pourra ainsi retrouver les sentiers sinueux de
All the Waters of the Earth Turn to Blood et
Christs, Redeemers avec « End of Line » et sa guitare défaitiste et neurosienne ; les tangentes pop et électro de
No One Deserves Happiness avec « A Premonition » ainsi que sa suite suicidaire
I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer avec « Careless and Worn » ; l’extrémisme drone de
I’ve Seen All I Need To See avec ce traitement sonore toujours au bord de faire craquer les amplis… jusqu’à ce goût récent pour le dancefloor détraqué, Dis Fig réapparaissant sur « The Building ».
Il n’y aurait alors que « All Worries » pour remporter les suffrages, cette immolation de The Body évoquant les terres brûlées de son travail avec Braveyoung ? Ce morceau surnage, fait tirer des larmes qui ne demandaient qu’à sortir. Il montre que The Body, s’il n’est que lui-même sur
The Crying Out of Things, n’a pas pour autant perdu son pouvoir de destruction, rabotant nos défenses jusqu’à ce qu’elles tombent bel et bien. Mais il n’est pas le seul joyau dans ce disque qui donne l’étrange sensation de redécouvrir la violence de cette voix, criarde jusqu’au babillement de détresse, un hurlement qui semble provenir de nos angoisses archaïques-mêmes. Ici, The Body ne regarde pas vers le passé avec un regard nostalgique. Il se demande comment le salir davantage, voire le tuer.
The Crying Out of Things est une horreur, donc. Une horreur dont on pense connaître les contours et qui nous prend tout de même à la gorge, sans ménagement (cf. « Less Meaning », titre le plus punk écrit par ces dégénérés). Une horreur qui, au-delà de sa diversité, possède une aura sinistre qui lie l’ensemble, une ambiance de fin comme le bruit d’un monde qui n’en finit plus de mourir. Un bruit de cendre, de noir-pétrole, de gaz nous faisant contempler la dévitalisation de toutes choses, nos poumons compris. Et pourtant, derrière cet acharnement à la râpe, il y a un élan, non pas une lumière, mais un semblant d’humanité qui sort de ce râle continu. Comme un maelström créatif qui explose avant le silence.
The Crying Out of Things, un album « de plus » pour The Body ? Le manifeste d’un projet qui s’affirme encore davantage plutôt, sans s’éterniser – ce qui est aussi bien une qualité qu’un défaut, un manque d’envergure se faisant tout de même sentir – et sans claironner à tout-va (allez, disons que les trompettes de « Last Things » ont trop des airs de déjà-entendu). Pas de quoi éteindre cette fascination pour Lee Buford et Chip King en somme, mais bien de quoi l’attiser de nouveau.
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