Tool - 10,000 Days
Chronique
Tool 10,000 Days
Ça ne fait pas 10 000 jours (soit environ 27,47 ans) que Tool n'a pas sorti d'album, mais pour moi, ça fait tout comme. Evidemment, parti comme ça, autant vous dire que je mouillais mon pantalon ce 2 Mai 2006 (enfin surtout parce que j'ai voulu faire mon rebelle et j'ai mis un piercing sur ma poche urinaire) comme une pouffe qui attend la sortie du prochain 50 Cent.
Désormais celui qui considérera que Tool est un groupe comme les autres n'aura pas seulement de la merde dans les yeux mais toute la tête dans son cul. Rien que l'objet, pour ceux qui ne l'auraient vu chez leur disquaire préféré, prouve la supériorité du groupe. Ils ont intégré deux focales dans le cartonnage même du packaging, pour que l'artwork (imaginé par Alex Grey une fois de plus) puisse être vu en stéréoscopie, rajoutant une 3ème dimension aux images déjà complexes et ésotériques de l'artiste américain. Encore une fois : du jamais vu, Tool est bien le seul groupe qui arrive encore à m'épater avec le packaging d'un CD (et à me faire écrire "épater" dans une chronique). Une fois le disque inséré dans ma platine, je me prépare à vivre un nouveau voyage cosmique et interstellaire à la rencontre de mon 3ème œil et de ma 4ème couille.
Le premier "single" (7'06 au compteur quand même, bonne chance pour faire passer ça sur jOui FM), "Vicarious", entame l'album, charge puissante contre notre désir sanguin de voir des corps en bouillie, lors d'un accident sur l'A86 par exemple. Musicalement, on entre dans cet album à peu près là où on était sorti de Lateralus, les riffs étant assez similaires. Pourtant, le son ici (caractéristique d'ensemble du disque) est bien plus massif, plus lourd et puissant ; la production de Joe Baresi (qui a déjà mixé/enregistré les Melvins et Queens Of The Stone Age, excusez du peu) est vraiment superbe, mention spéciale au son de basse, cristallin et puissant.
Et plus on avance dans cet album, plus on ressent que les musiciens ont voulu accorder une place égale à tout le monde ; inconvénient de cette louable démocratie musicale, la voix n'est peut-être pas aussi en avant que d'habitude, et est parfois enterrée sous les effets ou dans le mix, elle est malgré tout bien présente. Surtout que Maynard James Keenan est toujours aussi impressionnant. J'en veux pour preuve la fin de "Vicarious" justement, ou sur "Wings for Marie" ou sur "Right In Two" où sa voix parvient à me foutre la chair de mouton – j'ai peur d'attraper la grippe aviaire si j'ai la chair de poule –. Au jour d'aujourd'hui - comme disent les journalistes qui ne savent pas parler français - il reste le seul chanteur dont l'émotion psalmodiée ne fait pas frelatée, coupée au cynisme vendeur de disques.
Pourtant, a bien y réfléchir, au bout de ma 500ème écoute de ce disque (quel professionnalisme !) et après le passage dans ma vie musicale de Dillinger Escape Plan, Meshuggah, et consorts polyrythmiques et décalés, je dois bien me faire à une chose : la musique de Tool, analysée instrument par instrument, n'est probablement si technique que ça, comparée à ces groupes. Mais c'est justement ce qui fait la force du groupe, c'est l'un des rares de ce début de millénaire à avoir réellement su composer en tant que entité plurielle, supra-individuelle. Et cet album est peut-être l'apogée de cette construction collective, puisque les chansons arrivent à constituer des entités en constante métamorphose, sans que la sempiternelle structure intro/couplet/refrain/couplet/refrain/solo/refrain ne paraisse être présente tout en laissant des mélodies dans la tête de l'auditeur. Tool démontre toute la subtilité de l'art de la composition, avec des riffs complexes sans réellement l'être, la complexité résidant dans la globalité du morceau, avec moult arrangements et subtiles orchestrations électroniques (comme "10,000 Days").
Je mentionnerais à cet égard la prépondérance de la basse dans cet album ; Justin Chancellor montre ici qu'il a toute sa place dans le groupe en accomplissant le travail du chaînon manquant entre la batterie et la guitare tout en se faisant sa propre place, il a vraiment accompli un travail remarquable…
Pour ma part, je diviserais cet album en 2 parties : la première, constituée des chansons dans un style Tool "classique", avec riffs en 5/4, mélodie aériennes au chant, parties syncopées de batterie ultra-dynamiques, l'archétype en étant "Jambi" et ce jusqu'à "Lipan Conjuring", mélopée de conjuration d'esprits indiens. Après, ça part en quéquette avec des chansons expérimentales – même pour Tool – comme "Intension", et ses accents d'Alice In Chains sous lexomil, ou la dyade "Lost Keys (Blame Hoffman)"/"Rosetta Stoned" – jeu de mot minable entre la pierre de Rosette et l'adjectif "Stoned" que je n'ai pas besoin de vous traduire, bande de petits drogués cannabinophiles.
L'apex de ce disque (l'apex n'étant pas une partie du cortex des Sphénodontiens ou une maladie affectant les neurones des animateurs télé mais bien la partie culminante d'une cellule, et par extension la partie culminante de toute chose), c'est la chanson Wings For Marie, divisée en 2 parties (Wings for marie et 10,000 days) que ce soit en termes musical, d'émotion, ou de paroles. En effet, celle-ci traite de la mort de la mère de Maynard James Keenan (nommée justement Marie) et où il exprime le regret de son décès, le fait qu'il ne se sente pas à la hauteur de la foi de sa mère (qui est restée paralysée pendant 27 ans, soit…soit ..? 10 000 jours ! Bien, y'en a 2 qui suivent…ça fait plaisir.), bref un grand cri d'amour filial, sublime dans son exécution. Si je pouvais encore pleurer (je me suis fait arracher les glandes lacrymales à la suite d'une offensive du Vietcong à Khe Sanh….putain c'était pas notre guerre…) j'aurais pleuré à l'écoute de cette chanson. Clairement, Tool est à son apogée musicale avec ces deux chansons.
Après tant d'émotion, on revient a des choses plus futiles avec "The Pot", qui signifie peu ou prou delta-9-tétrahydrocannabinol, pour ceux qui ont fait chimie organique 2ème langue. C'est MJK qui entame à capella la chanson, complétée par des percus puis la guitare, pour une chanson qui doit plus à Undertow qu'à Lateralus ou Aenima, pour son côté direct.
Après "Lipan Conjuring", on passe à ce qui est pour moi le versant expérimental du groupe, avec notamment "Lost Keys"/"Rosetta Stoned", qui raconte en substance le trip d'un mec sous acide dans la zone 51 (la base de roswell pour ceux qui n'ont jamais vu un épisode d'X-files – moi j'en ai téléchargé avant de me rendre compte que c'était bien nommé X-Files, mais Scully elle faisait des trucs à Mulder, enfin, je vous raconterai ça plus tard…) ; Lost Keys est en fait une conversation entre une infirmière et un médecin sur ce gars-là. Vous l'avez compris, cette piste n'est qu'une intro/blague élaborée (comme l'était "Message to harry manback" par exemple). Seulement, là, ça dure longtemps, et trop à mon goût. Et à la suite de cette longue intro, "Rosetta Stoned" démarre, avec un Maynard qui se prend à débiter ses paroles à 100 mots/secondes comme le ferait un hippie acidifié au buvard de LSD (soit entre Raymond Barre sous Coke et Christophe Dechavanne sous Tranxène) et ne prend tout son intérêt que quand Maynard se met à réellement chanter.
"Intension" vient ensuite. Ce morceau est probablement le plus éloigné du style habituel de Tool ; et pour moi, c'est là ou le bas blesse. J'ai l'impression d'être dans un constant flottement dans cette chanson, et au bout de 9 minutes de flottement, moi, je commence à avoir la nausée ; l'étrange sentiment que la chanson n'a jamais vraiment démarrée. Les réactions sont binaires, on aime ou pas. Vous devinez où je me situe.
Enfin, une vraie chanson, la dernière vraie de l'album, avec "Right in two", morceau génial, sublime, les adjectifs me manquent pour décrire l'effet que me fait cette chanson, probablement proche de l'effet que pouvait me faire "Pushit" sur Aenima. Du grand, du beau, du magnifique Tool. Rien à ajouter.
Et tout comme "Faap de Oiad" clôturait Lateralus, "Vinginti Tres" finit ce trop court 10,000 days. Cette plage de fin ressemble à du Lustmord, c'est-à-dire de la dark ambient, sympa pour faire une ambiance messe noire quand on invite des copains chez soi pour un sacrifice de fœtus à Astaroth, mais assez chiante à écouter. A noter que si on combine "Wings for Marie Part.1" et "Vinginti Tres", on obtient un morceau de la longueur de "10,000 Days Part.2", censé compléter ce dernier si on le joue en même temps. Bon, je l'ai fait, c'est pas vraiment concluant au niveau harmonique, donc je vous laisse essayer par vous-même.
Donc que penser de cette nouvelle cuvée Toolesque ?
1. Que Tool est probablement le Pink Floyd de cette génération, un groupe exigeant, puissant, artiste au plein sens du terme.
2. Que 10,000 Days n'est probablement pas le meilleur album du groupe, mais qu'il vaut plus que largement l'investissement d'une vingtaine d'euros, comparativement à ce qui se vend comme merdes dans le commerce.
3. Que si vous avez réussi à me lire jusqu'au bout, vous êtes soit malade, soit chômeur, soit fan du groupe, ou les 3 à la fois.
| $am 1 Novembre 2006 - 4962 lectures |
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