J'ai déjà crié haut et fort mon amour pour Whitechapel. Un des premiers groupes à m'avoir mis aussi brutalement à l'amende, initiateur de mon gros faible pour le deathcore, énormes mandales en concert, voilà pour le récapitulatif. Alors après avoir été vraiment pas mal déçu par le dernier en date,
Mark Of The Blade, leur premier album à ne pas avoir tourné en boucle chez moi, j'appréhendais méchamment ce nouvel opus. Mais je vends la mèche tout de suite : Whitechapel est de retour, et plus immense que jamais.
Parce que dès la première piste, 'When A Demon Defiles A Witch' (remarquez qu'avec un titre pareil, elle ne pouvait pas être foncièrement mauvaise), ça sent bon. Ca sent très très bon, c'est même déjà meilleur que l'intégralité de l'album précédent. Riffs au poil, blasts de tous les côtés, Phil Bozeman qui se remet à basculer entre son growl légendaire et des aigus à l'ancienne, et surtout véritables frissons à la première écoute : l'appréhension se mue en bon pressentiment. Ce premier titre est en fait un résumé parfait du nouveau virage opéré par le groupe sur ce disque, on y reviendra plus tard.
Et au fil des chansons, le bon pressentiment laisse place au soulagement et à un sourire béat : Whitechapel a retrouvé sa voie, les grands patrons du deathcore sont de retour. 'Forgiveness Is Weakness' est une série d'uppercuts dans la plus pure tradition du groupe avec ses riffs saccadés, ses lignes mélodiques sur le refrain et son breakdown mastoc comme seuls eux savent le faire, et 'Brimstone' est probablement une des chansons les plus lourdingues qu'ils aient jamais écrites. L'intro avec son riff de dix tonnes et son growl impressionnant suffit à s'en convaincre. La piste bonus disponible sur une des éditions vinyles, 'Sea Of Trees', est une énorme et brève décharge de violence débridée qui aurait bien mérité sa place sur l'album.
Même lorsque les chansons se font plus simples et groovy, comme sur
Mark Of The Blade qui souffrait de grands moments d'ennui, l'exercice est cette fois réussi haut la main. 'Black Bear' est paradoxalement un de mes titres favoris, forte de son riff bondissant et de son
«put me six feet deep» que je scande à chaque fois en donnant des coups de pied partout comme un demeuré. Seule 'The Other Side' est un peu plus dispensable, mais se rattrape avec un solo très rock'n'roll assez épique et un final qui fait tout de même son petit effet chez moi.
I am godliiiiiiiiike!!!
On trouve d'autres très bons soli sur 'Doom Woods' et 'When A Demon Defiles A Witch', juste après la partie calme.
... Et là, on en arrive à ce qui fait couler pas mal d'encre sur Whitechapel depuis la sortie de
Mark Of The Blade. Non, ils n'ont pas abandonné les titres plus calmes et le chant clair, au contraire. Cette première chanson le prouve parfaitement : le refrain et sa surcouche de chant quasi-clair me file des frissons à chaque fois, et sa partie centrale où le chant grave et posé de Bozeman fait clairement penser au Corey Taylor moderne apporte une nouvelle dynamique à la violence ambiante, et est surtout parfaitement intégrée. Des titres de deathcore avec ce genre de passages qui ne me font pas hurler au scandale et qui passent aussi aisément, j'en connais peu.
Soyons honnêtes : quand j'écoute Whitechapel, des chansons comme 'Hickory Creek', entièrement chantée, ou 'Third Depth', sorte de 'Bring Me Home' 2.0, ne sont pas ce que je recherche en premier lieu. Mais cette fois, ça coule tout seul, c'est parfaitement à sa place, et ça crée une véritable ambiance.
Car c'est là le maître mot, celui qui fait que
The Valley va faire date dans la discographie de Whitechapel : l'ambiance. Pour la première fois, les brutes du Tennessee ne se contentent pas d'un enchaînement de roustes mais offrent un album fleuve, avec une véritable dynamique, des hauts et des bas, et surtout une histoire à raconter.
Phil Bozeman déverse tout ce qu'il a sur le coeur, son passé cauchemardesque qui avait déjà fait quelques apparitions dans ses paroles acérées. La mort de son père, son beau-père abusif (le fameux 'Black Bear'), la maladie mentale puis la mort également de sa mère dont les carnets intimes ont alimenté certains textes, sa chambre hantée de souvenirs noirs au sous-sol de sa maison (le 'Third Depth'), la vallée de Knoxville où il a grandi... Cet album est fourni de ses démons, de son amour pour sa mère, de la haine qui l'a fait tenir, d'une pure énergie sombre qui donnent tout leur sens à la violence comme aux ballades du disque. Les albums de metal qui me transcendent le plus ont toujours été ceux qui prennent leur force dans la réalité, dans des histoires personnelles qui touchent droit au coeur, et ici Whitechapel frappent en plein dedans.
Le son du disque mérite également qu'on en cause : pour la première fois depuis longtemps, ça sonne chaud et organique, très loin du côté froid et mécanique habituel au groupe. Toujours sans batteur fixe depuis le départ de Ben Harclerode, c'est cette fois Navene Koperweis, connu chez Animals As Leaders et Entheos, qui tient les baguettes, et son jeu est excellent, bourré de breaks puissants, servi par un son de batterie très rond et naturel qui fait beaucoup, beaucoup de bien dans un style habituellement très robotisé.
Quoi de plus satisfaisant qu'un énorme groupe qui retrouve son génie après un gros passage à vide ? Avec
The Valley, Whitechapel se paie un retour dantesque sur le devant de la scène et montre à tout le monde qu'il mérite toujours amplement sa couronne de rois du deathcore, en assumant pleinement ses nouvelles influences. Le ressort du bouton replay va encore en prendre un sacré coup.
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