Qu'on ait lâché l'affaire suite au départ de Chris Barnes ou prolongé le plaisir cannibale avec son digne successeur, George « Corpsegrinder » Fisher, difficile de reprocher aux américains d'avoir cherché à faire évoluer leur son au contact de différents producteurs (Scott Burns, Jim Morris, Colin Richardson) ou d'avoir élevé le niveau à chaque changement de six-cordiste (Rob Barrett, puis Pat O'Brien). Mais là où CANNIBAL CORPSE l'a joué moins fine, si l'on ose dire, c'est en perdant progressivement de vue ce qui faisait sa force, à savoir composer des hymnes death metal reconnaissables entre mille comme « Stripped, Raped And Strangled » pour verser dans une surenchère technique un peu vaine vu les limites affichées par Paul Mazurkiewicz, éternel talon d'achille de la bande.
Outre la difficulté de succéder au génial
« Bloodthirst » et à un excellent
« Live Cannibalism », CANNIBAL CORPSE va également devoir gérer le vague à l'âme d'un Jack Owen de moins en moins concerné, signataire ici de deux bouses qui auraient à peine mérité de figurer sur l'anecdotique EP
« Worm Infested ». Car ni « Savage Butchery », entrée en matière speed d'une insigne faiblesse, ni la nullissime « Dormant Bodies Bursting » ne répondent aux standards de qualité érigés sur les deux livraisons précédentes. Pour ne rien arranger, Webster and co. se tirent une autre balle dans le genou en faisant appel à Neil Kernon (KANSAS, MICHAEL BOLTON ... mais aussi JUDAS PRIEST, NILE et NEVERMORE, rassurez vous!) qui, s'il confère à « Gore Obsessed » plus de clarté et d'équilibre qu' un
« Bloodthirst » très orienté guitares, traîne vraiment la patte en terme de puissance pure. Ajoutez à cela une baisse générale d'inspiration, le fond de jeu on ne peut plus limité du batteur et un nombre famélique de hits maison, et on se demande bien ce qui peut justifier l'acquisition d'une galette quoi qu'il arrive décevante. Le salut, comme d'habitude mais dans une moindre mesure, passe par les riffs, un bon nombre d'entre eux valant quand même le détour ; grâce en soit rendue au binôme Webster/O'Brien, toujours efficace malgré la relative petite forme affichée sur « Drowning In Viscera », « Mutation Of The Cadaver » ou « Sanded Faceless ». Pas des chefs d'oeuvre certes, mais des morceaux brutaux et tarabiscotés construits sur un enchevêtrement de riffs nerveux et parfois fort bien agencés (le break thrashisant à 1:23 sur « Drowning In Viscera », le ralentissement terrible à 1:35 sur « Mutation Of The Cadaver »). Côté groove malsain, on se réjouira à l'écoute d'une « Compelled To Lacerate » dont la dynamique est un peu gâchée par un refrain faiblard, le summum en la matière restant « Pit Of Zombies », dont la fraîcheur rot n' roll en début de programme laissait présager une meilleure récolte. Un petit classique qui prouve que lorsque ses membres ralentissent le tempo et ne s'en remettent pas à la blastouille facile, Canniboule peut encore faire très mal! Au rayon satisfaction, on rangera une « Hatchet To The Head » syncopée en diable, qui capitalise sur une poignée de variations faisant le sel d'un titre spécial coupe gorge, à sifflotter en se tronçonnant gentiment le bras droit avec la tranche de la main gauche, ou inversement (si vous êtes manchots, frottez vous contre un couteau à pain, ça fera l'affaire). Enfin, histoire de sauver le soldat Owen avec qui j'ai eu la dent dure quelques lignes plus haut, reconnaissons que son incartade mid tempo « When Death Replaces Life » est un des rares sommet d'un « Gore Obsessed » souvent monotone, au contraire d'un titre sombre, lent et très accrocheur jusque dans sa partie finale, le solo de Jack à 3:32, admirable, achevant de convaincre qu'un brin de variété eut été largement préférable à l'accumulation de titres rapides interchangeables. Las, la prévisible « Grotesque » clôt l'album dans un regrettable anonymat, si ce n'est l'abattage d'un « Corpsegrinder » toujours aussi volontaire.
« The Wretched Spawn » souffrant peu ou prou des mêmes carences, on sera gré à Erik Rutan (et au revenant Rob Barrett) d'avoir permis au groupe de retrouver un second souffle sur les bien plus recommandables
« Kill » et
« Evisceration Plague ».
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