Durant les 7 années qui ont suivi
"A Natural Disaster", on ne peut pas dire que les Anglais aient été généreux en nouvelles. Un DVD
("Were you there?", 2006) et un réenregistrement
("Hindsight", 2008) certes, mais pas beaucoup d'espoir quant à la sortie d'un nouvel album... Finalement, 2010 voit la venue de leur dixième opus
"We're Here Because We're Here", retour marqué qui plus est, par de nombreuses distinctions ("Album de l'année" sur Thrashocore quand même). Depuis, le groupe ne nous laisse plus souffler en nous proposant une production par an. La mise en bouche
"Falling Deeper" passée, "Weather Systems" reprend la route là où Anathema l'avait laissée il y a deux ans, opérant quelques petites évolutions qui ne devraient qu'enchanter tous ceux qui ont apprécié le précédent album.
Ca aura pris un peu de temps mais finalement Anathema a fait la paix avec lui-même et accepté l'Existence, aussi chaotique soit-elle. Même si le groupe vivait encore parmi ses fantômes,
"We're Here Because We're Here" dégageait énormément de quiétude ainsi qu'une naïveté presque enfantine qui tranchait radicalement avec les ambiances torturées de leur précédente période. Sorte de fin de thérapie, le début de "Weather Systems" commence sur un "Untouchable" en deux parties qui résonne comme un "au revoir" à ces âmes perdues qui encombraient leurs coeurs. Une dernière larme, une dernière pensée et nos Anglais tournent enfin la tête vers le ciel ; à partir de "Lightning Song", le ton change, les paysages aussi, Anathema n'a jamais été aussi lumineux et cet espoir semble aussi communicatif que le chagrin. Naturellement, le chant du désespoir de Vincent s'écarte un peu pour nous laisser entrevoir le soleil, au profit de son frère Danny qui retrouve la voix, mais surtout de Lee Douglas dont la participation n'est vraiment plus à considérer comme *additionnelle* : son chant doux et éthéré s'accorde décidément bien à celui de Vincent, tous deux aussi fragiles.
Malgré l'ombre Steven Wilson officiant à la production, Anathema a su rester lui-même une fois de plus. Dans un tout autre registre que "Get Off, Get Out", seul "The Gathering of the Clouds" rappelle le style progressif du leader de Porcupine Tree. Pour le reste, "Weather Systems" est le parfait mélange entre le rock atmosphérique de
"We're Here Because We're Here" et les inspirations symphoniques de
"Falling Deeper". Si le grand frère était encore assez partagé, le groupe semble ici avoir trouvé le bon équilibre entre acoustique, électrique et cordes, éléments se côtoyant à merveille pour un rendu tantôt intimiste, tantôt plus aéré, parfois tragique. Pour ne rien changer, la plupart des morceaux sont construits autour d'arpèges et de piano sur lesquelles se posent une des trois voix, souvent renforcés par quelques passages électriques où le chant de Vincent prend toute son ampleur ; à noter la présence d'un excellent solo malheureusement orphelin sur "The Beginning and the End", fait incompréhensible vu la créativité de Danny dans ce domaine... Cet album fourmille également d'arrangements en tous genres et de subtilités qui lui confèrent une durée de vie bien plus importante qu'elle n'y parait au regard de sa (relative) facilité d'écoute. Car sur ce plan, Anathema n'a pas changé. Les mélodies caressent toujours autant l'oreille, les refrains restent dans la tête et les atmosphères distillées ne sauraient vous malmener, même si leur tristesse remuera parfois votre esprit.
S'il ne surprend guère, "Weather Systems" n'est pas si prévisible. Les compositions sont rarement construites sur des structures simples, mais sur des progressions, des montés qui explosent vers leur fin ("Lightning Song", "The Lost Child", "Sunglight", ...) ou encore des évolutions en deux parties comme le duo "Untouchable, Part 1" / "Untouchable, Part 2", et "The Storm Before The Calm". Ce dernier titre de plus de 9 minutes concentre d'ailleurs pour moi, une grande partie de l'intérêt de cet album : seule véritable surprise sur un ensemble plutôt classique, il s'ouvre sur une ambiance froide, aseptisée et mécanique (limite indus/noise) inédite pour du Anathema, avant de réduire votre petit coeur en purée sur une deuxième partie d'une beauté infinie (cette arrivée du chant vers 6'10"...). Dommage qu'il soit unique sur ces 55 minutes car la seule chose qui manque véritablement à ce tout, c'est un peu d'aspérité. Je ne dirais pas que la lumière ne leur sied pas, juste que je suis parfois moins profondément touché par cette musique globalement plus positive qu'auparavant.
Mais que cela ne vous arrête pas, "Weather Systems" est un album digne de la discographie des Anglais, un album dont la beauté, la sensibilité et la grâce ne vous laisseront pas indifférent en tant qu'amateur de musique mélancolique et atmosphérique. Plus homogène, plus riche, plus mature que son prédécesseur, il s'inscrit magnifiquement dans cette recherche de perfection que l'on ressent depuis
"Hindsight". Un brin de lumière qui arrive à point nommé pour accueillir le printemps.
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