Bilan 2010-2019 : la sélection de la rédaction / lkea

J'imagine que l'on a tous tendance à avoir, les années d'écoutes s'accumulant, une définition propre de ce que l'on recherche dans le metal au sens large mais aussi ce que notre lien à cette musique dit de nous. Personnellement, c'est dans ce disque que j'ai trouvé mes réponses. Culte, donc.

10 ans plus tard, et toujours cette même sensation de violence furibarde et jusqu’au-boutiste. Indépassable.

Si vous lisez ma chronique de l'époque, vous comprendrez aisément pourquoi cet album se retrouve ici. Une oeuvre-somme de tout un pan d'une musique que je ne me suis toujours pas lassé d'écouter, et que le temps a rendu encore plus précieuse.

Peut-être se souviendra-t-on de cette décennie comme celle ayant vu l'explosion des "groupes de doom à chanteuse". Dans ce cas, il est juste de faire figurer ici le meilleur album de sa meilleure représentante. Des remarques sur ce choix ? Rien ? Je me disais bien.

Cette décennie aura vu un retour en force des musiques rétro, que cela soit en heavy metal, en death metal (pour rester sur ce site, où les exemples ne manquent pas) ou ailleurs. A première vue, c'est la réussite de ce disque d'Okkultokrati, qui fait le pont entre différents genres avec une aisance épatante.

Mais ce n'est pas ce qui le fait entrer dans ce top. Non, ce qu'il parvient à faire là où tant d'autres se "contentent" de rendre une copie respectueuse, parfois excellente, souvent traditionnelle, est d'utiliser cette insolence à mélanger Darkthrone et Mötorhead, à faire de The Cure un groupe de punk / hardcore, avec une pertinence donnant un goût d'inédit à toutes ces choses connues. Comme redécouvrir ce qu'il y a de beau dans tout cela, sans nostalgie mais avec des sensations neuves. Alors, quand écouter un disque s'apparente de plus en plus à "chasser le dragon", retrouver le bonheur des premières fois, vous pensez bien qu'il est une oeuvre comme on en rencontre peu !

Tout ce que j'aime dans le doom est dans ce disque, et bien plus encore. Mais il serait incomplet de s'arrêter là, tant Monarch! emmène le genre plus loin depuis ses débuts, l'allongeant à l'extrême, le faisant sien dans son univers particulier, punk et féerique, ensorcelé et sentencieux. Ici, il trouve l'émotion sans jamais donner dans le compromis, rappelant une version féminine de Warning, un drone joué dans un squat, l'imaginaire devenant un outil de propagande féministe et conquérant.

Le doom metal que les adolescentes du film de Joël Serria "Mais ne nous délivrez pas du mal" aurait pu créer ? Probablement, mais aussi la preuve que le style le plus vieux du metal est encore capable d'évoluer et d'émouvoir avec force, un demi-siècle après son apparition.

J'ai longuement hésité à mettre cet album - et ce groupe - dans ce top, d'autres ayant, sur un plan bêtement "qualitatif", plus leur place ici que lui. Et pourtant, impossible de ne pas citer Hangman's Chair, cette formation qui semble être faite pour moi et qui me rappelle tant d'heures à lire une certaine littérature, à voir certains films, à vivre certaines expériences, toutes et tous "français". C'est simple : si on me demandait d'expliquer ce que j'aime, quels sont mes goûts, voici le disque que je présenterais, comme une porte invitant à entrer dans les "Rues Barbares" qui font ma culture.

Essentiel, au sens où il possède l'essence de toute une esthétique, de même qu'il est une part de la mienne.

Continuons avec les cas litigieux. The Body marque plus par une régularité dans l'excellence que dans le fait d'avoir réalisé une oeuvre culte, un disque mettant une sorte de point final quelque part. Mais je ne peux pas imaginer le duo être absent de ce top. Car quel autre projet s'est aussi bien approprié toute une partie de l'histoire de la musique pour la faire sienne ? Alors que cette décennie a sans doute été plus marquée par une diversité, un mélange des genres, que les autres avant elles, il convient de mettre ici celui qui a été le plus impressionnant et novateur à ce jeu-là. Et difficile, en ce sens, de contester la place de The Body (et de son album le plus transgenre) dans ce top.

Tout n'a pas été dit dans le genre et Anatomia le prouve, avec son atmosphère morbide et sensuelle, où le raffinement se porte vers la pourriture et ses ravissements d'esthète. Un poème élégiaque du doom/death dédié à Autopsy.

Le disque le plus satanique de cette décennie n'a été ni un disque de black, ni un album de death, mais bien un album de doom. Car comment ne pas voir dans ces riffs secs et étranges, cette voix éplorée et fervente, sa marque ? L'égal de Funeral Mist en terme de ressenti, à ceci près que chez ces sangs-noirs, l'Adversaire rappelle qu'il est aussi celui qui a chuté. "Keep on falling...", comme ils disent.