Depuis le virage à la corde opéré en 2011 sur
« Heritage », je me suis surpris à revenir assez régulièrement sur les deux albums suivants ;
« Pale Communion » parfois, dont j’apprécie une bonne moitié de programme et surtout
« Sorceress » qui, malgré son caractère hétéroclite, a su me séduire par son étrangeté et la qualité de ses arrangements. A l’évidence, l’usure des classiques d’antan a joué sur mon choix de privilégier la période récente du groupe mais soyons honnête, malgré toute l’affection que je porte à
« Blackwater Park » et
« Deliverance », les motifs d’espoir étaient suffisamment nombreux pour s’accrocher à l’idée d’un nouveau sommet dans la carrière d’OPETH.
Après l’acte de contrition
« Heritage » où toute notion de satisfaction immédiate semblait passer à l’as, les Suédois ont remis le plaisir d’écoute sur le devant de la scène. Alors oui, ça leur a pris du temps. On mettra ça sur le compte des changements de line-up post
« Ghost Reveries » et de la manœuvre pas si évidente du changement de cap stylistique. Je ne suis pas dans la tête d’Âkerfeldt (Satan m’en préserve, le bonhomme a l’air compliqué !) mais ce qui ressort de ses interviews, c’est que l’abandon de l’armure death s’est doublée d’une remise en cause, sinon personnelle, tout du moins du rapport qu’il entretenait avec ce monstre à deux têtes qu’a toujours été OPETH. Progressif dans l’âme et plus heavy sur la forme, l’alter égo musical est désormais bien plus en phase avec les aspirations de son troublant leader. Conséquence directe, « In Cauda Venenum » colle des frissons dès la 1ère écoute et gagne quasiment par K.O. à la cinquième piste, la déchirante « Lovelorn Crime ».
C’est bien simple, après cette pure merveille, OPETH aurait pu nous servir un solo de cornemuse une demi-heure durant qu’on serait quand même reparti de là avec la banane. Et les yeux embués de larmes surtout, tant la puissance émotionnelle de cette sublime ballade emporte tout sur son passage. L’osmose dont font preuve les musiciens (ce solo de Fredrik Âkesson !), les prouesses de Mikael Âkerfeldt au chant clair et l’admirable construction de l’ensemble surpassent de loin « Will O The Wisp » ou encore « Elysian Woes », pour citer deux titres jouant également sur la corde sensible. Bouleversante mais pas isolée, la très zeppelinienne « All Things Will Pass » concluant de manière bouleversante ce « In Cauda Venenum » aux allures de crime parfait.
Car au fond, OPETH recycle avec talent une recette qui a fait ses preuves, jouant sur les contrastes en opposant enivrante mélancolie et riffing tumultueux. Si les deux premiers extraits dévoilés fin août avaient pour but de rassurer la fan base sur le côté heavy rock de la chose, à y regarder de plus près, les excellentes « Dignity » et « Heart In Hand » comportent elles aussi une part de clair/obscur. Quelques breaks bien sentis, un final intimiste, la recette est habilement disséminée tout au long d’un 13ème album impeccable dans sa construction et l’agencement de son tracklisting. Tout juste pourra-t-on tiquer sur l’enchaînement un brin abrupt entre « Lovelorn Crime » et la moins marquante « Charlatan », un titre défouloir pour l’excellent Joaquim Svalberg. Peu avare en orchestrations, « In Cauda Venenum » trouve pourtant un point d’équilibre assez miraculeux entre ses différentes composantes musicales, les guitares n’étant pas en reste avec un Fredrik Âkesson multipliant les fulgurances guitar-héroïques.
Capitalisant sur leurs efforts précédents, Mikael Âkerfeldt et sa bande opèrent donc une brillante synthèse de
« Sorceress » et
« Pale Communion ». Une continuité stylistique qui ne marque pas la fin de l’aventure vers d’autres horizons musicaux, comme en témoigne l’intrigante « The Garroter ». Toute en décontraction jazzy, avançant masquée par une introduction aux effluves arabisantes, voilà une piste sur laquelle on aurait volontiers catapulté le grand Mike Patton, canne noire et costard blanc, pour nous rejouer son numéro de crooner aussi à l’aise pour vomir que pour reprendre un tube des BEE GEES !
Sortie majeure de cette année, nouveau sommet discographique, OPETH redevenu entité. Les cieux ainsi dégagés, on peut voir venir, et saluer bien bas si brillante métamorphose. Chapeau les artistes !
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